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Décryptage

Planification écologique : 50 « leviers », dans tous les secteurs

La planification écologique recouvre une multitude de mesures et d'objectifs, dans tous les secteurs. Tour d'horizon des chantiers déjà lancés, et des questions qui demeurent.

La transition écologique de la France passera par le développement de l'éolien en mer.
La transition écologique de la France passera par le développement de l'éolien en mer. (Paul Langrock/Laif-rea)

Par Anne Feitz, Muryel Jacque

Publié le 24 sept. 2023 à 15:20Mis à jour le 24 sept. 2023 à 21:12

Des tableaux, des listes, des chiffes… Le travail de fourmi mené depuis plus d'un an à Matignon sur le chantier de la planification écologique a abouti à des dizaines d'objectifs et de mesures potentielles, dans tous les secteurs : « plus de 50 leviers identifiés », indique l'Elysée.

Comme aime à le rappeler Antoine Pellion, à la tête du secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et architecte du plan, il s'agit de définir des trajectoires non seulement sur la réduction des gaz à effet de serre de la France (de 138 millions de tonnes entre 2022 et 2030), mais aussi sur la lutte contre l'effondrement de la biodiversité.

Ce plan devrait déclencher une multitude de chantiers. Beaucoup ont déjà été annoncés, certains ont déjà été lancés - et des moyens supplémentaires dégagés pour cela, de 7 milliards d'euros. De nombreux objectifs figurant dans les documents du SGPE semblent encore hors de portée, et on attend encore les mesures concrètes qui permettront de les atteindre.

· Transports : haro sur la voiture thermique

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Gros SUV, camions, avions… les transports représentent un tiers des émissions de l'Hexagone. Le gouvernement veut donc réduire sensiblement la part des voitures au diesel ou à essence. D'abord, en encourageant l'achat de voitures 100 % électriques (si possible légères, et fabriquées en Europe). Il table sur 66 % des ventes de voitures neuves en 2030 (15 % aujourd'hui) et 15 % du parc à cette date (1 % aujourd'hui).

Un objectif extrêmement ambitieux qu'il espère atteindre en durcissant les malus, en réduisant les avantages fiscaux réservés aux véhicules thermiques, et en incitant à l'acquisition de véhicules à batteries, grâce à un bonus relevé et à une offre de leasing à 100 euros par mois, promesse de campagne du président. Celle-ci doit être lancée d'ici la fin de l'année, Emmanuel Macron l'a rappelé dimanche soir.

Ni le calibrage de ces bonus-malus, ni les conditions et la date de lancement du leasing social ne sont encore officiels : on attend des annonces sur ces points (plutôt dans le cadre du budget 2024 sur le bonus-malus, selon l'Elysée), sachant que les incitations devraient être réservées aux ménages les plus modestes. Il faudra aussi développer le réseau de bornes de recharge, sans lesquelles les Français resteront réticents à l'achat de voitures à batterie.

Le gouvernement veut aussi réduire l'usage de la voiture individuelle en favorisant les autres modes de transport : le vélo (il a annoncé un plan à 2 milliards en mai dernier), et surtout les transports en commun. Elisabeth Borne a dévoilé en février un plan à 100 milliards d'euros pour les infrastructures ferroviaires, pour soutenir le train mais aussi les RER métropolitains. 

· Agriculture : les engrais azotés d'abord

C'est le deuxième secteur émetteur de gaz à effet de serre en France, mais réduire les émissions de l'agriculture est sans doute plus compliqué qu'ailleurs. Le sujet est politiquement sensible, et le secteur représente un enjeu de souveraineté pour la France. 

Le ministre de l'agriculture, Marc Fesneau, a annoncé il y a quelques jours une enveloppe supplémentaire de 1 milliard d'euros pour la transition du secteur en 2024. On attend maintenant d'en connaître le détail et les déclinaisons concrètes.

Avant de s'attaquer frontalement aux émissions liées à l'élevage, les plus élevées, le plan du SGPE prévoit d'abord de soutenir la réduction des engrais azotés (-30 % d'ici à 2030) ou les émissions des tracteurs. Il vise aussi une agriculture biologique portée à 21 %, contre 10,3 % aujourd'hui.

Concernant l'élevage, le plan évoque une « évolution de nos régimes alimentaires » et une « transition vers un élevage plus durable », sans toutefois mettre en face de mesures concrètes, pour l'instant. La question est complexe, car la consommation de viande ne baisse pas en France, et une réduction du cheptel se traduit par une hausse des importations.

Le gouvernement semble surtout miser sur une transformation du secteur, en l'orientant vers de nouvelles productions. L'Elysée évoque la production de biomasse, qui pourrait devenir un « relais de croissance », ou de protéines végétales comme les légumineuses : les surfaces cultivées en soja, pois ou fèves devraient doubler d'ici à 2030, selon le SGPE. Le plan « protéines végétales » lancé en 2020 pourrait être renforcé.

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· Bâtiments : rénovation et pompes à chaleur

Pour baisser de plus de 50 % d'ici à 2030 les émissions des logements, des bureaux et des bâtiments publics, il va falloir rénover à tous les étages, en commençant par cibler de façon massive les passoires thermiques. Les objectifs sont particulièrement ambitieux : multiplier par dix les rénovations « globales » aidées dans le résidentiel. La question de l'accompagnement, notamment des ménages les plus modestes, doit encore être précisée.

Il faudra aussi s'attaquer au chauffage : le sujet pourrait être précisé lundi par Emmanuel Macron. Le gouvernement veut diviser par trois la part des résidences chauffées au fioul entre 2020 et 2030 (9 % environ aujourd'hui). Et il veut un vrai boom des pompes à chaleur, pour lesquelles il veut développer une filière française, comme l'a confirmé le président dimanche soir (la France vise une production de 1,3 million d'unités en 2030, selon le SGPE). Reste à expliquer comment il compte s'y prendre.

La part des chaudières à gaz devra aussi diminuer. Après de vifs débats au coeur de l'été, Emmanuel Macron a confirmé dimanche soir qu'elles ne seront finalement pas interdites. L'interdiction, un temps envisagée pour 2026, devrait être remplacée par une suppression des aides à l'installation qui existent aujourd'hui, comme le taux réduit de TVA (aujourd'hui de 10 % au lieu de 20 %).

· Industrie : focus sur les gros sites polluants

La décarbonation de l'industrie est déjà enclenchée. Le gouvernement a identifié les 50 sites les plus émetteurs de l'Hexagone, et a promis de les aider à hauteur de 10 milliards d'euros, à condition qu'ils réduisent leurs émissions de moitié en 2030 par rapport à 2015.

Chacun a maintenant défini sa feuille de route et commencé à signer des « contrats » avec l'Etat, qui aboutissent à une réduction de leurs émissions totales comprise entre 48 % et 53 %, selon les scénarios. L'aide de l'Etat viendra en appoint d'investissements massifs engagés par les industriels, estimés à 50 milliards d'euros à horizon 2050.

· Energie : cap sur le nucléaire, les renouvelables et la biomasse

« Faire de la France l'une des premières nations à sortir des énergies fossiles » : c'est aux yeux de l'exécutif un enjeu central pour le climat, mais aussi pour le porte-monnaie des Français et la souveraineté du pays.

Le plan mise d'abord résolument sur le nucléaire et les renouvelables. Lors de son discours de Belfort en 2022, Emmanuel Macron avait déjà annoncé la relance du nucléaire. Le plan table aussi sur un doublement du rythme d'installation dans le solaire et sur un maintien dans l'éolien terrestre (pour parvenir à 82 GW de capacité installée). Le développement de l'éolien en mer est aussi un axe fort : il devrait représenter 18 GW en 2035.

Emmanuel Macron devrait aussi mettre l'accent, ce lundi, sur un recours accru à la biomasse - pour produire de l'électricité, du gaz ou encore des biocarburants. Il a annoncé dimache soir que les deux centrales aux chabons qui fonctionnent encore dans l'Hexagone y seraient converties. Elisabeth Borne avait aussi annoncé 800 millions d'euros pour le soutien à la filière biométhane l'an prochain. Mais la ressource est limitée, et le risque de conflits d'usages élevé.

Le plan du SGPE comporte tout un volet sur l'économie circulaire et sur la valorisation des déchets ménagers. Mais l'Elysée insiste aussi sur l'utilisation des déchets agricoles, évoquant la taille des haies, ou les cultures qui permettront de produire les carburants du futur pour l'aérien et le transport maritime. « C'est un énorme espoir pour le monde agricole », avance-t-on à l'Elysée. Reste, là aussi, à expliquer comment.

· Biodiversité : préserver l'eau, sauvegarder la forêt

Le gouvernement mise, enfin, sur les puits de carbone, c'est-à-dire les forêts ou les terres agricoles qui captent et stockent le CO2. La cible (provisoire) envisagée pour 2030 apparaît toutefois particulièrement ambitieuse : la captation de 34 millions de tonnes d'équivalents CO2 en 2030, contre 13 millions en 2022, selon la présentation du SGPE au Conseil national de la refondation (CNR) il y a quelques jours.

La préservation de la biodiversité et des ressources ainsi que la « restauration » de la nature font partie intégrante des priorités affichées. L'Etat a déjà mis sur la table un plan de gestion de l'eau avec 500 millions d'euros annuels de moyens supplémentaires et une cinquantaine de mesures, dont certaines restent à préciser. On attend le détail de son plan « forêts », auquel il va également consacrer 500 millions par an, dans le double but de lutter contre sa dégradation et de rebâtir une filière bois.

Plus généralement, l'Etat s'est aussi fixé comme objectif de diviser par deux la consommation d'espaces naturels d'ici à 2030, de planter un milliard d'arbres et de restaurer 50.000 hectares de zones humides d'ici à 2026.

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Anne Feitz et Muryel Jacque

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