Nature, sécurité, intimité, espace : les Français rejettent la "ville dense" pour le "village Dujardin"

Dévoilée au cours de la troisième rencontre "Villes durables en actions" organisée par France Ville durable, qui s’est tenue à Marseille ce 25 septembre, la quatrième édition de l’enquête "Qualité de vie et transition écologique" de l’ObSoCo montre que plus de la moitié des sondés souhaitent déménager. Ils aspirent plus que jamais à vivre dans "une petite ville ou un village", rêvant de nature, de sécurité, d’intimité et d’espace, mais aussi d’échanges réguliers avec leurs voisins. Les conséquences du changement climatique pourraient également motiver leur départ, d’autant que seul un tiers d’entre eux ont confiance en leurs territoires pour y faire face.

Promue par l’ancienne ministre du Logement Emmanuelle Wargon, la "bataille culturelle" visant à "sortir du rêve pavillonnaire" pour privilégier la "ville dense" (voir notre article du 15 octobre 2021) – ou la "ville compacte" notamment promue par Terra Nova (voir notre article du 7 février 2022) – est loin d’être gagnée. Plus de deux ans après la fin du dernier confinement, la quatrième édition de l’enquête* "Qualité de vie et transition écologique" conduite par l’Observatoire Société & Consommation (ObSoCo) montre que les aspirations des sondés restent diamétralement opposées à "la ville de demain" (voir notre article du 11 février 2021). L’étude a été dévoilée ce 25 septembre, lors de la troisième édition des rencontres "Villes durables en actions" organisées par l’association France Ville durable (FVD - voir encadré ci-dessous) à Marseille. Une ville dans laquelle FVD animait également ce 26 septembre une rencontre des "100 villes neutres pour le climat et intelligentes en 2030" (voir notre article du 28 avril 2022).

Le logement "cocon", préoccupation centrale

Premier enseignement tiré de l’étude par l’ObSoCo, "vivre dans un logement où l’on se sent en sécurité et l’où dispose d’intimité est le premier symbole d’une 'vie réussie'" pour 89% des sondés, tout juste devant le souhait de bénéficier de temps pour ses proches (88%), mais loin devant l’aisance financière et le confort matériel (76%) ou la réussite professionnelle (49%). Mais si 79% des sondés considèrent leur logement comme "adapté à leur mode de vie", plus de la moitié (55%) aspirent à "vivre ailleurs". Signe des temps – inflation et pénurie de main-d’œuvre –, le principal frein au déménagement reste plus que jamais financier (51% des sondés, taux en progression), alors que "l’emploi n’est plus un obstacle", juge le sondeur. Il relève ainsi qu’"un actif sur deux qui aimerait déménager pourrait envisager de changer de situation professionnelle". Les difficultés financières n’érodent en revanche nullement la volonté – "croissante" – d’accession à la propriété (une "nouvelle priorité" pour 48% des sondés).

Envie de nature et d’espace

Cette aspiration au déménagement est d’abord motivée par le souhait de "changer de cadre de vie" (73%). En premier lieu pour "être en contact proche avec des grands espaces de nature" (cité en premier, deuxième ou troisième choix par 40% des sondés) et "vivre dans un endroit où ils se sentent en sécurité" (39%). Si "vivre à proximité des commerces et des services" (32%) et "vivre dans un endroit où l’on peut se déplacer facilement à vélo ou à pied" (23%), soit un environnement plutôt urbain, arrivent également en bonne place, le besoin de nature (y compris en ville, où son développement est jugé important par 84% des sondés) semble prioritaire - une préoccupation déjà largement mise en évidence par le dernier baromètre de l'Observatoire national du cadre de vie. Les sondés font ainsi valoir leur souhait de "vivre dans un endroit où l’on dispose de beaucoup d’espace" (29%), de "vivre dans un environnement favorable à la santé" (27%) et de "vivre à proximité d’espaces verts" (22%). Conforte l’analyse, le faible succès emporté par le fait de vivre "dans un beau quartier" (12%), à proximité d’équipements culturels (9%) ou "dans un lieu à forte mixité sociale ou culturelle". Mouvement déjà pointé, "l’envie de vert a supplanté l’envie de centre-ville" (voir notre article du 29 juin 2022).

On relèvera au passage que comme le vantaient les publicitaires, "le luxe, c’est l’espace" : si 22% des ménages sondés percevant moins de 1.000 euros mensuels considèrent leur logement "sur-occupé" (et 8% sous-occupé), le rapport s’inverse pour les ménages sondés disposant de revenus supérieurs à 2.500 euros mensuels (22% sous occupé et 5% sur-occupé). Une inégalité qu’avait mise en avant le confinement (voir notre article du 17 juin 2020).

Côté transports, la voiture fait toujours jeu égal avec les transports en commun : vivre dans un endroit où l’on peut facilement se déplacer avec la première obtient le même score que les seconds (16%). 

La petite ville ou le village en périphérie

Logiquement, c’est la "petite ville ou le village en périphérie d’une grande ville" qui correspondent le plus à ce portrait-robot. Ils attirent 30% des sondés, devant la "ville moyenne" (22%) et "la petite ville ou le village éloigné des grands pôles urbains" (18%). Même l’habitat isolé à la campagne (13%) séduit davantage que le centre d’une grande ville/métropole (8%) ou la périphérie de ces dernières (10%). Va également dans ce sens la forte volonté affichée "d’avoir des échanges réguliers avec les habitants de son quartier/de sa commune" (72%), en premier lieu à ses voisins (82%). Pour favoriser ces échanges, les sondés misent sur les fêtes de quartier (49%), l’existence d’espaces partagés (jardins, ressourceries…) ou de lieux de convivialité ("réservés aux habitants" toutefois…), l’animation de services d’entraide ou encore l’existence parcs et d’installations sportives publiques. Le village "Dujardin", en somme, tel que présenté par l’acteur oscarisé lors de la cérémonie d’ouverture de la coupe du monde de rugby, non sans susciter la polémique. 

Le changement climatique inquiète, des acteurs territoriaux qui ne rassurent pas 

L’étude relève également que l’inquiétude liée aux conséquences potentielles du changement climatique continue de progresser (72% des sondés inquiets). 7% des sondés envisagent déjà de déménager pour cette raison, et 33% pourraient le faire mais ne l’ont pas encore envisagé "sérieusement". Sécheresse (48%) et canicule (46%) sont les principaux aléas redoutés, devant les pluies intenses (32%) et les feux de forêt (31%), puis les inondations (21%) et les tempêtes (20%). Pis, seuls 37% des sondés ont confiance dans la capacité de leur territoire à anticiper ces perturbations. Les collectivités ne sont pas à la fête, puisque seuls 6% des sondés considèrent que les communes/départements/régions sont l’acteur qui agit le plus pour lutter contre le changement climatique et 7% qu’elles sont l’acteur le plus efficace en la matière. L’État reste pour la plupart d’entre eux (30%) l’acteur clé, mais seuls 16% jugent qu’il est le plus dynamique, loin derrière les citoyens (28%), et à égalité avec les associations (16%). 81% des sondés déclarent qu’ils pourraient eux-mêmes être intéressés pour agir concrètement "si des démarches locales leur étaient proposées". Démontrant ainsi, paradoxalement, qu’ils comptent sur l’initiative des acteurs locaux pour rejoindre la bataille.

 * Enquête réalisée en ligne du 2 juin au 15 juin 2023 auprès d’un échantillon de 4.000 personnes représentatives de la population métropolitaine de 18 à 75 ans.

 

  • France Ville durable devient France Villes et Territoires durables

L’association France Ville durable poursuit sa mue. Après avoir changé de présidence (voir notre article du 11 septembre), elle change de nom, pour devenir "France Villes et territoires durables" (l’acronyme FVD reste inchangé, est-il précisé). "La 'ville durable' ne veut rien dire sans l’implication de toutes les parties prenantes, a minima à l’échelle de l’intercommunalité. C’est par la coopération entre territoires bien plus que par la compétition que se joueront les nécessaires transformations", justifient les membres du bureau de l’association. Le constat est désormais solidement établi (voir notre article du 17 mai 2021).

Par ailleurs, le comité scientifique de l’association a procédé à "une relecture et un approfondissement" du Manifeste pour les villes et territoires durables, "cadre logique de l’association", pour faire "des neuf limites d’habitabilité de la planète l’outil d’aiguillage non seulement des politiques publiques, mais aussi de toutes les activités économiques". Une relecture qui a également conduit l’association à modifier son logo pour qu’il incarne "le symbole de l’économie du donut, au cœur de l’identité de FVD". Enfin, le site de l’association a lui aussi fait peau neuve. Un ravalement opéré sans changement d’adresse.