« Mais maman, tu m’as mis un cours particulier, alors que je suis encore en vacances ? », a soupiré le fils d’Isabelle lorsqu’il a vu ce qui l’attendait pour sa dernière semaine d’août. Cette mère de deux enfants, qui travaille dans les ressources humaines, à Lille, s’est montrée catégorique : « Mon chéri, ça fait deux mois que tu es en vacances. Il est temps de recadrer ton cerveau. » Isabelle est désormais habituée à répondre aux mécontentements de ses enfants. Son aîné, dyslexique et en difficulté pour ses devoirs, a suivi des cours particuliers de la 4e à la terminale (il rentre en BTS), en maths, français et sciences économiques. Pour le second, bon élève, ce sont surtout des cours de maths. Des heures de français lui ont aussi été ajoutées en 2023, en prévision de l’épreuve du bac de 1re. C’est du temps et un budget : pour ces cours de soutien à domicile, la famille prévoit environ 2 000 euros par an et par enfant.
La France est l’une des championnes d’Europe en la matière : le marché du soutien scolaire est estimé, dans l’Hexagone, à 2 milliards d’euros. Il serait difficile d’évaluer précisément l’essor qu’a connu le secteur ces vingt dernières années, longtemps porté par une économie souterraine, et qui s’est progressivement déplacé après des mesures fiscales avantageuses de crédit d’impôts, incitant les familles à davantage déclarer les heures de soutien. Reste que, d’année en année, la plupart des entreprises spécialisées observent une croissance continue. Acadomia, l’un des leaders du marché, constate une hausse de 19 % de son chiffre d’affaires depuis 2018. Si ce business a dû faire face en 2020 à un reflux temporaire lié à la crise due au Covid-19, il a depuis largement repris du poil de la bête.
Et c’est même de plus en plus tôt dans l’année que les familles concernées se positionnent pour remplir les soirées de leurs adolescents, ou même pour les inscrire à des stages de « training » intensif. La plate-forme Superprof a observé près d’un tiers de demandes supplémentaires en ce mois d’août par rapport à août 2022. « On note une inquiétude et une anticipation de plus en plus précoce chez les parents », souligne son fondateur, Wilfried Granier.
Le poids du contrôle continu, qui compte depuis 2018 pour 40 % de la note du bac mais qui pèse aussi fortement pour la sélection à l’entrée du supérieur, incite ces parents à se mobiliser tôt. D’autant plus que, avec la nouvelle refonte du bac annoncée à la rentrée 2023, qui comprend le report des épreuves de spécialité de mars à juin − dont les résultats ne pourront donc pas être pris en compte dans les dossiers Parcoursup −, les notes tout au long de l’année se font plus déterminantes encore dans la course à l’orientation.
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