Le ton est grave, lorsque Guillaume Gellé, patron de l’association France Universités, qui regroupe les présidents d’université, prend la parole devant les députés de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, qui l’interrogent sur les conditions de la rentrée, le 27 septembre. « Que dirait-on si, pour des raisons budgétaires, les universités étaient contraintes de former moins de médecins alors qu’on en manque déjà cruellement ? De former moins d’ingénieurs et de techniciens, quand on sait les besoins immenses de l’industrie ? »
Rarement rentrée universitaire aura été aussi abrupte. Début septembre, les dirigeants des 74 universités françaises ont subi une attaque en règle de la part d’Emmanuel Macron, qui, tout de go, lors d’un échange avec le youtubeur Hugo Travers, a affirmé qu’il n’y avait « pas de problème de moyens » dans l’enseignement supérieur public. Les chefs d’établissement ne seraient, en fait, que de piètres gestionnaires, par ailleurs peu capables de faire évoluer l’offre de formations et d’assurer l’insertion professionnelle des étudiants.
Dans la foulée, la ministre de l’enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, enjoignait aux présidents d’université de libérer de leurs fonds de roulement quelque 1 milliard d’euros d’« argent public qui dort » afin de financer la majeure partie des mesures en faveur du pouvoir d’achat des fonctionnaires, décidées en juillet par son collègue chargé de la fonction publique, Stanislas Guerini. Sauf que les sommes détenues dans ces fonds de roulement sont déjà largement gagées dans le cadre de projets d’investissements pluriannuels de rénovation énergétique des bâtiments ou d’achat d’équipements de recherche.
Baisse de la dépense par étudiant
A Sorbonne Université, le budget géré par Nathalie Drach-Temam atteint 800 millions d’euros, « soit le budget de la ville de Strasbourg », illustre-t-elle. « Nous avons des plans d’investissements pluriannuels pour pouvoir développer de grosses plates-formes de recherche, financées en plusieurs fois, de manière cumulative, ce qui prouve que nous sommes de bons gestionnaires ! », se justifie la présidente. Aussi, regarder à un instant T ce qu’il reste dans un fonds de roulement est insignifiant à ses yeux. « Aucune structure privée ne s’arrêterait sur le budget disponible à un instant T », tranche-t-elle.
A quand la fin du dialogue de sourds teinté de défiance entre le gouvernement et la communauté universitaire ? « On en est à se demander si la France aime ses universités et la réponse est peut-être non, considère Alain Fuchs, président de l’université Paris Sciences et Lettres. Elles ne sont pas l’endroit où il est le plus prestigieux de faire ses études, cette position est très spécifique à notre pays. On se bat pour être reconnus comme des institutions qui forment la future élite, au plus près de la recherche, comme les universités le font partout dans le monde ! »
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