On les dit flemmards, désenchantés, déprimés. Les modes de vie des jeunes de 18 à 30 ans concentrent les fantasmes, parfois les stéréotypes. Leur rapport au travail est au cœur d’un nouveau sondage Harris Interactive commandé par le jeune collectif Pour un réveil écologique – créé en 2018 à la suite du manifeste du même nom – et réalisé en juin 2023 auprès d’un échantillon représentatif de 2 000 jeunes français.
L’enquête publiée au début d’octobre et dont Le Monde a eu la primeur, rappelle que les jeunes ne sont pas déconnectés du reste de la société française et qu’ils ont les mêmes priorités que les autres : « Le pouvoir d’achat, leur salaire, et l’environnement », résume Pierre-Hadrien Bartoli, directeur des études politiques chez Harris Interactive. Pour les membres du collectif, l’objectif était de montrer que « tous » les jeunes – et pas seulement la « jeunesse dorée » (comprendre jeunes diplômés de grandes écoles bien nés) – sont préoccupés par les questions d’éthique, ou par leur utilité sociale, et veulent occuper un emploi qui respecte l’environnement.
L’essai des économistes Thomas Coutrot et Coralie Perez, Redonner du sens au travail (Seuil, 2022), validait cette hypothèse, rappelant au passage que les ouvriers, tout autant que les cadres, pouvaient souffrir de « sentiment d’inutilité et de conflits éthiques » et que toutes les catégories sociales aspiraient à donner du sens à leur travail.
« Défiance pour ce qui est grand et lointain »
D’abord interrogés sur leur « état d’esprit », les jeunes de moins de 30 ans montrent un fort optimisme. Ils sont nombreux à se dire « déterminés » (36 %), « joyeux » (33 %), « optimistes » (29 %), « enthousiastes » (24 %). Ils sont même 90 % à se dit « fiers » de leur travail, et pour 85 % le travail occupe une « place importante » (contre 79 % pour l’ensemble de la population active). Autre question révélatrice d’un certain rapport au travail : s’ils n’avaient pas besoin de gagner de l’argent, 77 % des jeunes continueraient malgré tout à travailler (49 % exerceraient le même emploi, 28 % en changeraient et seuls 22 % arrêteraient de travailler).
Pierre-Hadrien Bartoli n’est pas étonné de ses résultats. Enquête après enquête, il constate les mêmes tendances récurrentes parmi la jeunesse. Il note aussi un fort sentiment d’inquiétude pour 20 % des jeunes : « Une émotion comme une lame de fond qui confine à l’angoisse. » Parmi les éléments qui inquiètent le plus cette partie de la population : l’effondrement des ressources naturelles (80 %), le dérèglement climatique (79 %), l’avenir des jeunes générations (78 %) et, tout de suite après, le pouvoir d’achat (77 %).
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