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Nuits au camping, repas sautés... L’alarmante paupérisation des étudiants

Une distribution alimentaire pour les étudiants a été organisée par le syndicat étudiant l’Alternative, le 29 mars à Paris. Amaury Cornu/Amaury Cornu / Hans Lucas via Reuters Connect

Révélée au grand jour par la crise du Covid et accentuée par l’inflation, la précarité des étudiants est devenue un sujet de préoccupation majeur pour les présidents d’université.

«Nous sommes la septième puissance économique mondiale et on a des étudiants qui dorment dans des voitures!», s’est scandalisé Dean Lewis, le président de l’université de Bordeaux, le 20 septembre, lors de la conférence de rentrée de l’association Udice, qui porte la voix des grosses universités de recherche. Un cri d’alerte qui, en cette rentrée 2023, est loin d’être isolé. Des étudiants qui dorment au camping, des épiceries solidaires débordées, des jeunes qui rognent sur leurs dépenses de santé… La précarité étudiante, révélée au grand jour par la crise du Covid et accentuée par l’inflation, est devenue un sujet de préoccupation majeur pour les présidents d’université.

Au point que quatorze d’entre eux appellent à la mise en place d’«une allocation d’études pour tous les étudiants». Nous avons des présidents qui se rallient à la bataille culturelle que nous menons depuis de nombreuses années», se réjouit Hania Hamidi, secrétaire générale de l’Unef. Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le syndicat étudiant marqué à gauche revendique une «allocation d’autonomie» universelle, fondée sur l’idée que l’étudiant est un «jeune travailleur intellectuel». Près de soixante-dix ans plus tard, la revendication relève moins du combat politique que de l’urgence sociale. Dans la tribune publiée le 19 septembre par Le Monde , les quatorze présidents d’université expliquent vouloir permettre à la jeunesse d’«étudier dans la dignité».

Les bourses sur critères sociaux - 750.000 étudiants concernés (sur 3 millions), dont un tiers touche 1000 euros seulement par an - ne suffisent à «juguler» la pauvreté, résument ces représentants d’universités aux profils variés, de Strasbourg à Lyon-2, en passant par Sorbonne Université ou Paris-1. L’allocation d’études pour tous serait fondée sur l’idée d’un contrat», qui prendrait en compte l’assiduité. L’exemple danois est convoqué. Dans ce pays nordique, tout étudiant ayant quitté le foyer familial reçoit un revenu d’environ 800 euros par mois, dont le versement est stoppé en cas de retard trop important dans le cursus.

Augmentation du taux d’échec

Si l’Unef et la Fage, première organisation étudiante, saluent cette prise de position proche de leurs revendications, l’Uni, syndicat marqué à droite, dénonce «une proposition démagogique et déconnectée».«C’est très égalitariste, très déresponsabilisant, assène Rémy Perrad, son délégué national. On va finir par dire que les étudiants sont des salariés comme les autres! Le contrôle d’assiduité me fait doucement sourire.» Du côté des signataires de la tribune, c’est précisément la responsabilisation de l’étudiant que l’on met en avant.

C’est surtout la classe moyenne qui pâtit de la situation. Les étudiants de cette “zone fragile” n’ont pas droit aux bourses et leurs parents ne sont pas suffisamment aisés pour les aider

Sarah Biche, chargée des affaires sociales à la Fage

Pour Carine Bernault, présidente de l’université de Nantes, «le système actuel considère l’étudiant comme un enfant, pas comme un adulte». Elle défend une «réforme de société», qui doit être envisagée  «sur le fond, et pas seulement sous l’angle financier, même s’il est incontournable». Il faut mettre en face le coût du système actuel, fait d’aides sociales morcelées, ainsi que les coûts cachés, comme le redoublement ou bien les étudiants qui ne se soignent pas», insiste-t-elle. «Cette année, le coût de la rentrée dépasse le montant alarmant des 3000 euros», a alerté mi-août la Fage. Soit + 4,7% par rapport à l’an dernier, en raison d’une forte hausse des frais de vie courante, en tête desquels le loyer (44,5 %, avec un montant moyen de 533 euros) et de l’alimentation.

Dans son baromètre de la précarité, publié mi-septembre, la Fage indique que «seuls 31,2% des étudiants sont boursiers». «Faute de bourses sur critères sociaux», 28,4% sont contraints d’avoir une activité rémunérée à temps plein, «qui pénalise fortement leurs études et augmente le taux d’échec».C’est surtout la classe moyenne qui pâtit de la situation, explique Sarah Biche, en charge des affaires sociales à la Fage. Les étudiants de cette “zone fragile” n’ont pas droit aux bourses et leurs parents ne sont pas suffisamment aisés pour les aider. Pour la fédération étudiante, «le système de bourses sur critères sociaux est obsolète et ne peut plus répondre aux besoins des étudiants actuels».

Réforme «structurelle» des bourses

Mais, pour la ministre de l’Enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, il n’est pas question d’une allocation pour tous. Elle défend «un modèle de redistribution où les revenus les plus aisés contribuent à accompagner les revenus les plus faibles».«Nous n’avons pas d’enveloppe budgétaire magique», ajoute-t-on au ministère. L’allocation d’autonomie revendiquée par l’Unef - 1100 euros par mois pour tout étudiant - ne coûterait pas moins de 30 milliards d’euros. Quand le budget de l’Enseignement supérieur est de 25 milliards. Sylvie Retailleau veut une réforme des bourses «structurelle».

En cette rentrée, grâce au déblocage de 500 millions d’euros, le montant des bourses a augmenté (+ 37 euros par mois), tout comme le nombre d’étudiants concernés. Quelque 35.000 étudiants supplémentaires, issus essentiellement des classes moyennes, sont devenus boursiers. Les «effets de seuil», liés à l’augmentation du revenu des parents, ont par ailleurs été limités. La seconde phase de la réforme est attendue d’ici à 2025. Le modèle des échelons serait abandonné au profit d’un modèle «linéaire» et les aides étudiantes seraient intégrées au système de solidarité à la source, afin de rendre leur accès plus simple.

«Il est vrai que la précarité ne touche pas que les étudiants boursiers», reconnaît France Universités, l’instance représentative des universités, tout en étant circonspecte sur l’idée d’un revenu universel et son «impact budgétaire». Auditionné le 27 septembre à l’Assemblée, son président, Guillaume Gellé pointe aussi le risque de voir des jeunes s’inscrire à l’université pour toucher cette aide. Et une «évaporation», de fait, de profils de «niveau bac et en dessous», dont l’économie a besoin.

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142 commentaires
  • Chris

    le

    Et tous les jobs d'été pour lesquels il n'y a pas de candidats ? Et les vendanges ? Et les petits boulots pendant l'année scolaire ? Avec ça, les étudiants devraient boucler leurs fins de mois, avoir plus d'expérience du monde réel, connaître la valeur de l'argent et le fierté de le gagner ...

  • 3197365 (profil non modéré)

    le

    Le problème n'est pas le ressource allouée aux étudiants: le problème est que plus de la moitié des étudiants n'auraient jamais dû avoir le bac, et n'ont rien à faire dans le supérieur.
    Les résultats aux examens de fac le démontrent largement...

  • Robin007

    le

    Et si seuls ceux qui le peuvent et le méritent devenaient étudiants?

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