C’est un nouveau pavé dans la mare qu’a lancé le conseil scientifique de l’éducation nationale avec sa note d’alerte, publiée fin septembre, sur « l’inquiétante mécompréhension des nombres et surtout des fractions à l’entrée en 6e ». Seule la moitié des élèves trouve la bonne réponse à la question « combien y a-t-il de quarts d’heure dans trois quarts d’heure ? » et 22 % placent correctement la fraction ½ sur une ligne graduée de 0 à 5, constate ce conseil, dirigé par le neuropsychologue Stanislas Dehaene, à partir des données statistiques du ministère de l’éducation nationale.
« A l’entrée en 6e, la plupart des élèves ignorent le sens des fractions les plus simples », en conclut le conseil scientifique. « Aucune évolution positive n’est détectée depuis trois ans », remarque encore l’instance, tandis que « l’énorme déficit de compréhension des fractions continue de s’observer tout au long de la scolarité » : les évaluations montrent encore un taux d’échec de 45 % sur les fractions simples en seconde.
Alors que la France consacre 21 % du temps scolaire aux mathématiques à l’école élémentaire – contre 16 % pour la moyenne de l’OCDE –, comment en arrive-t-on à ce constat, « loin d’être une nouveauté », selon les enseignants interrogés ? L’introduction tardive de ces concepts parmi les plus difficiles du programme de primaire fait partie des explications les plus évoquées.
« Urgence d’une action énergique »
Si les nombres décimaux doivent être enseignés à partir du mois de novembre de l’année de CM1, selon les préconisations ministérielles, seules 6 % des classes les voient à ce moment-là, selon un rapport de l’inspection générale sur le cours moyen datant d’avril 2022. Dans la moitié des classes, l’apprentissage des nombres à virgule commence à partir de fin mars, et dans 28 % des classes, en mai ou en juin, « laissant très peu de temps aux élèves, en particulier les plus fragiles, pour s’approprier ces nouveaux nombres », souligne ce rapport.
« Les maîtres et maîtresses préfèrent d’abord s’assurer, à tort, que les grands nombres, les additions et les soustractions sont acquis, ce qui crée un certain déséquilibre dans les apprentissages », avance Charles Torossian, coauteur, avec le mathématicien Cédric Villani, du rapport « 21 mesures pour l’enseignement des mathématiques », en 2018, qui a conduit à l’élaboration d’un plan Mathématiques qui se déploie depuis.
Dans ce cadre, un accent particulier est mis sur la formation continue des enseignants. Près de 160 000 professeurs des écoles ont été formés par petits groupes depuis 2018 ; 1 800 référents mathématiques ont été nommés dans l’ensemble des académies. Des outils et des repères de progression sur l’ensemble du programme ont été produits pour accompagner les enseignants.
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