« Pour toute interview, il faut passer par mes galeries. Comment avez-vous eu mon contact ? » Ce n’est pas Daniel Buren, Sophie Calle ou un autre ténor du monde de l’art qui nous répond avec hauteur, mais un tout jeune artiste de 26 ans, Pol Taburet. Le grand public ne le connaît pas encore. Mais c’est déjà une vedette, assez sûr de lui pour décliner un entretien. « Pol Taburet, génie créature », titrait en juin Libération, ébloui par ses peintures pétries d’histoire de l’art et hantées de chimères. « La future star de la peinture française », avait déjà prédit, en 2020, un podcast des Inrocks.
Son ascension, il est vrai, est fulgurante. A 23 ans, avant même de passer son diplôme des Beaux-Arts de Cergy, il expose à la galerie Balice Hertling, une enseigne branchée du Marais, à Paris. Puis tout s’enchaîne : prix Reiffers Art Initiatives en 2022 et exposition personnelle au centre d’art Lafayette Anticipations, que fréquentent les têtes chercheuses de l’art.
Pol Taburet est aujourd’hui le grand favori du prix annuel de la Fondation Pernod Ricard, qui sera décerné le 20 octobre, pendant la foire Paris+ par Art Basel. Pour couronner le tout, le jeune précoce a rejoint les collections d’un faiseur de rois et de reines, François Pinault, dont les engouements sont scrutés de près.
Envol des prix
Ce type d’emballement n’a rien de récent. Collectionneurs, marchands et sourciers en tout genre ont toujours manifesté un appétit pour la chair – et la peinture – fraîche. Et, périodiquement, ce petit monde croit tenir son nouveau génie.
En 2007, le rôle d’enfant prodige a échu à Loris Gréaud, qui, à 28 ans, se voit confier les clés du Palais de Tokyo. La même année, Cyprien Gaillard, 27 ans, déboule dans le monde de l’art avec Desniansky Raion, une vidéo hypnotique nappée de musique électro qui fait tourner les têtes. La Fondation Louis Vuitton en achète un exemplaire, tout comme le puissant gérant de fonds spéculatifs américain Steve Cohen, qui l’offre au MoMA de New York. « Une bombe explosive », plébiscite Les Inrocks. « Un hérisson gracieux », complimente Libération, sous le charme d’un jeune surdoué qui a tout compris des codes de l’art et de la célébrité.
Ce qui est nouveau, c’est l’envol des prix de la précocité. Voilà encore quinze ans, quand un débutant affichait ses premiers essais à 10 000 euros, les collectionneurs écarquillaient les yeux. Aujourd’hui, c’est un ticket d’entrée normal, voire bas. D’après la base de données Artprice, le prix moyen des créateurs âgés de moins de 35 ans aux enchères se situait, en 2022, autour de 28 276 dollars (environ 27 000 euros), contre 8 025 dollars en 2012.
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