Mark Zuckerberg pleur seul dans un bac à sable vide

Bonne nouvelle ! Les enfants en ont (enfin) ras le bol des réseaux sociaux

Davantage surveillés par leurs parents, lassés de la course aux likes, les moins de 13 ans ont significativement réduit leur présence sur les réseaux sociaux au profit des messageries privées.

Chaque année, l’étude Born Social présentée par l’agence Heaven décrypte les usages des enfants de moins de 13 ans sur les réseaux. Et depuis 8 ans, invariablement, le panel des 200 enfants interrogés indiquait une augmentation de l’usage des réseaux sociaux, même si ces derniers changeaient d’ordre dans le classement en fonction des préférences. Mais pour 2023, la tendance s’est inversée. Et pas qu’un peu. D’après Emanuel Berne, directeur des études de l’agence, l’usage régulier de la plupart des plateformes sociales a connu un net recul – de l'ordre d’une quinzaine de points en moyenne

La dégringolade en chiffres

Dans le top 5 des applications sociales les plus utilisées de manière quotidienne (top qui exclut YouTube et WhatsApp) on retrouve Snapchat toujours en tête avec 35 % d’usage, suivi de TikTok (23,5 %), d'Instagram (10,5 %), de Pinterest (7,5 %) et de Discord (7 %). Si l’on compare ces chiffres à ceux de l’année dernière, la chute est vertigineuse. Snapchat perd 19,5 points d’usage, TikTok 20, Instagram 13,1, Pinterest 1,4 et Discord 3,3. Cette même chute s’observe aussi pour les réseaux sociaux bien établis comme Facebook qui passe de 10 % en 2022 à 2 % en 2023 ou Twitter qui dégringole de 4,5 % à 0 %. De manière globale, le temps d’écrans journalier a baissé de 14 minutes par rapport à 2022 pour s'établir à 1 heure 49.

Le pourquoi du comment

Pour expliquer cette chute impressionnante, Heaven avance plusieurs hypothèses. Après la période de surconnexion du confinement, il est possible que l’on connaisse un mouvement inverse et une reprise de contrôle de la vie numérique des plus jeunes de la part de leurs parents. 

Les articles alarmistes sur le temps d’écrans des enfants, les méfaits de TikTok et les reportages montrant des bébés ayant des retards de langage à cause de la surconsommation de YouTube y sont sans doute pour quelque chose. On voit des parents qui s’organisent sur Facebook pour imaginer des stratégies de contrôle des smartphones ou carrément interdire ces derniers avant 15 ans. 

Les enfants eux-mêmes prennent les choses en main en limitant eux-mêmes leur consommation d’écran. L’étude montre qu’ils sont 55 % à avoir une fine connaissance du temps passé sur chaque application grâce aux applis de suivi de consommation qui sont installées sur leurs smartphones. C’est 10 points de plus par rapport à l’année dernière.

Enfin, le gouvernement a aussi serré la vis législative. La loi interdit dorénavant l’inscription sur les réseaux aux moins de 15 ans sans accord parental. Les plateformes vidéos comme TikTok sont aussi mises sous pression pour bannir le contenu généré par des enfants et les comptes des mineurs quand ces derniers sont en live. 

On peut aussi nuancer cette baisse de fréquentation en regardant les chiffres d’adoption du téléphone portable individuel. D’après Heaven, 83 % des 11 ans se voient offrir leur premier portable. Pour beaucoup de parents, ce geste permet de marquer l’entrée de l’enfant dans l’autonomie tout en gardant un moyen de les surveiller. En effet, 55 % des enfants sont géolocalisés grâce à des applications de traçage. Ils n’étaient que 34 % à faire l’objet de cette surveillance en 2020. Enfin, on peut noter que l’une des applications sur laquelle ils passent le plus de temps est Pronote, qui leur permet de consulter leur devoir ou leur cours tout au long de leur scolarité. Cette « numérisation de l’éducation » constitue une véritable injonction paradoxale dans la mesure où les enfants sont constamment incités à utiliser un écran tout en devant rester le plus éloigné possible de ces derniers. 

BeReal et WhatsApp en force

Dans ce contexte de baisse généralisée, plusieurs acteurs semblent tirer leurs épingles du jeu. Le premier, c’est BeReal qui est utilisée régulièrement par 5,4 % des enfants interrogés, contre 0,6 % en 2022. Cette application qui demande à poster une photo à certains moments aléatoires de la journée embarque en son sein un aspect ludique, authentique et éphémère qui pourrait bien lui permettre de connaître un grand succès dans les années à venir, d’autant que les parents n'y sont pas. L’autre application qui connaît un fort succès, c’est WhatsApp qui est utilisée régulièrement par 43 % des enfants interrogés et qui a donc détrôné Snapchat. Acceptée par les parents, massivement utilisée pour créer des groupes de classe afin de poursuivre les conversations entamées au collège, la messagerie est aussi détournée de son usage pour devenir un pseudo-réseau social. « Face à l’interdiction d’aller sur les réseaux sociaux, les enfants utilisent l’application en postant des photos et des petits mots dans la section « mon statut », explique Emanuel Berne. Cet usage provoque même une division au sein du jeune public entre ceux qui peuvent aller sur Snapchat ou Instagram et ceux qui utilisent WhatsApp faute de mieux ». 

Les enfants ont pourtant toujours autant envie d’avoir des conversations en ligne, mais ils ne cherchent plus à être populaires sur les réseaux, sans doute à cause des histoires de harcèlements et de la mise en place de contrôles parentaux. Plus de 80 % des enfants interrogés ont des comptes en privé et seul un enfant sur trois partage du contenu en ligne. Quand ils ne sont pas sur les applications de messageries, c’est le jeu vidéo en ligne qui est plébiscité pour passer du temps en ligne avec les amis pour 48 % d’entre eux (en hausse de 13 %). Comme le dit Emmanuel Berne : « Mark Zuckerberg avait indiqué en 2019 que le futur serait privé. Il avait sans doute raison. »

David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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