Pourquoi et comment devenir professeur ?

Dans son court essai, Qui veut encore des professeurs ?, Philippe Meirieu rappelle que le métier de prof « n’attire plus les jeunes générations qui dénoncent le caractère chaotique des études et la faiblesse de leur rétribution matérielle et symbolique, l’arbitraire des premières affectations, la gestion brutale des ressources humaines par les autorités académiques, la difficulté de travailler dans des classes trop nombreuses ».

Bref, dans ces conditions, comment attirer les étudiants et les personnes en reconversion dans le plus beau métier du monde ? Comment devenir professeur alors que cette profession est trop souvent discréditée dans certains médias ? Au fond, pourquoi être prof en 2023 ? Comment le devient-on ? Quelles sont les qualités pour durer ?

Durer, « des années, auprès d’adolescents qui pourraient être vos petits frères et sœurs, puis vos enfants, puis vos petits-enfants », comme le rappelle si bien la professeure  Mara Goyet. Comment éviter l’épuisement, l’ennui, l’aigreur, l’essoufflement ?

Éléments de réponses ce matin avec nos invités.

Devenir enseignant

En 2021-2022, il y avait plus de 820 000 enseignants à travailler au sein des établissements publics et privés sous contrat, 352 000 professeurs des écoles, 468 000 professeurs de collège et de lycée. Il y a de nombreux postes à pourvoir dans l'enseignement. Les chiffres montrent une baisse assez importante des candidats aux différents concours. Les concours ont ouvert le 3 octobre 2023 et le seront jusqu'au 9 novembre. Ils s'adressent aussi à toutes les personnes en reconversion professionnelle qui ont envie de devenir professeur des écoles, professeur au collège ou au lycée.

Frédérique Alexandre-Bailly, directrice générale de l'Onisep, explique que l'on peut passer le concours pendant le printemps de sa deuxième année de master. Elle dit aussi que si l'on veut aller vers les métiers de l'enseignement après une première ou une deuxième carrière, il peut y avoir une valorisation de l'ancienneté. On a parlé d'une revalorisation des salaires des enseignants, mais il y a eu aussi dans cette revalorisation la possibilité pour les gens qui sont en reconversion de récupérer une partie de leur ancienneté, ce qui n'était pas complètement le cas avant. Aujourd'hui, si l'on décide de changer de métier, on peut devenir enseignant et récupérer les deux tiers de son ancienneté, ne pas recommencer tout en bas de l'échelle, ce qui permet aussi d'avoir des points plus vite.

• Devenir professeur des écoles

Il y a plusieurs façons de devenir professeur des écoles. La première façon, c'est après une licence de n'importe quelle discipline, de rentrer en master des métiers de l'éducation dans ce qu'on appelle l'Institut National Supérieur du Professorat et de l'Éducation (INSPE). À ce moment-là, pendant deux années, on est formé à la fois à la théorie et à la pratique, avec dès la deuxième année de master des périodes de stage qui vont jusqu'au mi-temps.

On peut aussi tout à fait faire ses études dans une autre discipline, puis passer le concours pendant son année de master 2. C'est le concours du CRPE, concours de recrutement de professeurs des écoles. Et une fois qu'on a réussi ce concours de professeur des écoles, à ce moment-là, on va être en stage pendant une année à mi-temps et recevoir des enseignements à l'INSPE pendant cette année de stage rémunéré.

• Devenir professeur dans l'enseignement secondaire

Il y a deux voies principales, ce qu'on appelle le Capes et l'agrégation, qui sont donc des concours d'accès au métier d'enseignement secondaire, qui se passent de la même façon courant deuxième année de master, avec l'inscription aux mêmes dates.

Pour le Capes, on a vocation à être plutôt professeur au collège et un peu au lycée. Et quand on passe l'agrégation, on est plutôt professeur au lycée et en classes préparatoires, voire à l'université, puisqu'il y a des postes pour les professeurs agrégés à l'université.

Sur  jedeviensenseignant.fr, il y a absolument toutes les possibilités qui sont données.

Quelles compétences et qualités pour devenir enseignant ?

• Avoir envie de passer du temps avec des enfants

Ce qui semble être la première chose est d'avoir envie d'être avec des enfants et de leur transmettre des choses. Cela va emporter tout le reste, pour les invités.

• Avoir confiance en soi et ses élèves

Pour Dominique Resch, professeur de français et d’histoire-géographie, il faut d'abord leur faire confiance et être bien dans sa tête, bien dans ses baskets. Et cette confiance, elle arrive, et ça peut être extraordinaire, même avec des élèves réputés très, très difficiles. Si cette confiance est là, elle amène plein de choses.

La confiance aussi, selon Thibaut de Saint Maurice, philosophe et essayiste, est très importante : "Cette question de l'autorité, et c'est l'expérience que j'ai faite, il faut vraiment la retourner complètement, c'est-à-dire qu'il ne faut pas se dire qu'il faut avoir de l'autorité pour pouvoir être un bon prof puisqu'en réalité, l'autorité, de toute façon, même si on fait une analyse conceptuelle, on n'a pas d'autorité, elle nous est reconnue. Donc ça commence par de la confiance et ça, c'est le truc essentiel. Si on rentre en classe avec une forme de peur ou de suspicion, qu'on redoute ces élèves, ils vont très vite le sentir."

Un métier difficile

Thibaut de Saint Maurice raconte les difficultés qu'il a rencontrées en début de carrière : "Je fais mes études à Paris, j'habite à Paris, j'y ai ma famille, mes amis. Première affectation. On a le concours au mois de juin et en septembre, on fait la rentrée, en l'occurrence à Rouen. On ne choisit pas la deuxième affectation. Je ne l'ai pas choisie non plus. Je termine une année scolaire au mois de juin et en septembre, on me dit que je vais enseigner à Metz. On change de région, il faut déménager, etc. Et ensuite, pour pouvoir choisir son affectation, il faut d'abord passer une semaine entière à comprendre, en faisant que ça, le système des points et des mouvements interacadémiques, intra-académiques, etc. Et puis, il faut commencer à jouer avec les règles du jeu de l'institution qui ne sont pas faciles. Et donc, oui, c'est un peu violent au départ, quand on construit sa vie, de ne pas maîtriser complètement son affectation. Et puis tout ça aussi, il faut le dire, dans une faiblesse de rétribution en début de carrière. Alors les choses ont un peu changé aujourd'hui, mais devoir déménager, c'est compliqué. Moi, je vous dis très franchement, j'étais professeur, j'étais fonctionnaire de l'État français. J'avais donc mon salaire pour pouvoir faire ce déménagement de deuxième affectation. J'ai demandé de l'aide à ma mère qui m'a aidé pour pouvoir payer la caution de l'appartement, payer le déménagement, etc."

Dominique Resch énonce aussi d'autres difficultés, au niveau notamment de la préparation des cours : "Je ne sais pas si on peut en parler, le week-end complet à préparer des cours, ce n'est pas rien. Quand on me dit parfois : 'mais tu peux venir dimanche', dimanche, je travaille et peu de gens le dimanche aussi, donc c'est vrai qu'il y a des inconvénients. Mais après, les aspects positifs, on va les avoir à partir du moment où ça va changer, c'est-à-dire si on réduit les effectifs, si on augmente le nombre de professeurs et si on augmente les salaires, ça va être beaucoup plus facile."

Les invités

• Frédérique Alexandre-Bailly Directrice générale de l'Onisep
• Dominique Resch Professeur de français et d’histoire-géographie - Livre : Le plus beau métier du monde, chronique d'un prof des quartiers (éditions Vuibert)
• Thibaut de Saint Maurice Philosophe et essayiste, chroniqueur, cofondateur du Paris Podcast festival

Conférence Grand Bien Vous Fasse sur la parentalité, le 19 octobre

La billetterie est ouverte ! Quels parents sommes-nous ? L'éducation positive en question. Une conférence interactive animée par Ali Rebeihi  Jeudi 19 octobre à 20h en public du studio 104 de la Maison de la radio et de la musique et en direct en ligne.
Quels outils favorisent une communication efficace parents/enfants et que vaut aujourd’hui l’éducation positive à l’épreuve de la vie quotidienne ?

Rendez-vous jeudi 19 octobre à 20h avec mes invités, pédiatre, psychologue, et chercheurs pour mieux comprendre la parentalité en 2023 et proposer des solutions pour les parents et les enfants.  Réservations sur maisondelaradio.fr

Pour en savoir plus, écoutez l'émission...