Sur le grand tableau blanc qui trône à l’entrée de la salle est dessinée une courbe dans un repère orthonormé. « Aujourd’hui, on va revoir la fonction exponentielle », annonce Niousha Shahidi, professeure associée en analyse des données à l’EDC Paris Business School. « C’est une fonction sympathique car elle est croissante et croît super vite. » Depuis trois ans, cette docteure en mathématiques appliquées est réquisitionnée une semaine complète, avant chaque rentrée, pour donner des cours de remise à niveau à tous les étudiants volontaires du programme « Grande école ». Ce vendredi matin, elle encadre un petit groupe de douze élèves. « On ne cherche pas à faire d’eux des top matheux, assure Ahmed Dammak, le directeur des programmes de l’EDC. Mais les matières quantitatives abordées – statistique, finance, comptabilité – exigent quand même un minimum de connaissances mathématiques. »
Or, depuis la réforme du baccalauréat en 2019, le compte n’y est clairement pas. « On a supprimé les mathématiques du tronc commun en première et terminale pour ne garder qu’un cursus de maths pour les scientifiques », rappelle Mélanie Guénais, maîtresse de conférences à l’université Paris-Saclay et vice-présidente de la Société mathématique de France.
Il y a bien eu rétropédalage à la rentrée 2023 : désormais, tous les élèves ont à nouveau un enseignement dans cette discipline jusqu’en fin de première, à raison d’une heure et demie par semaine pour les lycéens n’ayant pas choisi la spécialité mathématiques. Ces trois dernières années néanmoins, une grande partie des élèves n’ont plus eu du tout d’enseignement de maths après la seconde. C’était le cas d’une grande partie des élèves à profil sciences économiques et sociales (ES).
D’après une note publiée en février par le Collectif maths & sciences, plus de la moitié d’entre eux n’a plus suivi de cours de maths en première depuis la réforme, et le nombre d’élèves associant un enseignement de maths avec les sciences économiques et sociales avait baissé de 38 %. En terminale, l’effectif des élèves à profil ES était resté stable, à environ 130 000. Mais alors qu’avant 2019 tous les élèves suivaient au moins quatre heures d’enseignement de maths par semaine, ils n’étaient plus que 44 000 à en bénéficier en 2021, soit une baisse de 67 %. « Aujourd’hui, on dit aux élèves : choisissez ce que vous voulez, témoigne Mélanie Guénais. Mais on oublie que les maths sont une brique indispensable dans beaucoup de cursus du supérieur. » Résultat : entre la première et la terminale, près d’un élève sur deux a abandonné complètement les maths.
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