Quand l'intelligence artificielle générative s'expérimente au sein des services publics

Après une expérimentation "concluante" en bêta-testing avec les agents volontaires de la plateforme ServicesPublics+, celle-ci sera élargie d'ici la fin de l'année aux agents des maisons France services dans leur accompagnement des usagers au guichet, a annoncé Stanislas Guerini ce 5 octobre.

Le ministre de la Transformation et de la Fonction publiques Stanislas Guerini a présenté ce jeudi 5 octobre sa stratégie pour anticiper et accompagner le déploiement de l'intelligence artificielle (IA) dans la fonction publique, dans la continuité de la stratégie nationale pour l'intelligence artificielle et du comité de l'intelligence artificielle générative installé par la Première ministre fin septembre 2023 (voir notre article du 20 septembre).

Bêta-testing auprès des agents de la plateforme ServicesPublics+

"Notre stratégie s'appuie d'abord sur l'expérimentation très concrète de cette technologie sur des premiers cas d'usages dans les services publics", a affirmé Stanislas Guerini, dans un communiqué du jeudi 5 octobre. Un bêta-testing a en effet été réalisé par la Direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et la Direction interministérielle du numérique (Dinum) depuis le printemps 2023 auprès de quelques dizaines d'agents sur l'utilisation de l'intelligence artificielle sur le site "Services Publics +" pour les aider à répondre aux questions des usagers. "Les premiers résultats ont été concluants", a indiqué la DITP à Localtis dans un entretien mercredi 4 octobre. "Dans certains cas et dans certains réseaux", les tests réalisés cet été ont montré que le délai de réponse de l'administration "était divisé par deux, voire par six", a déclaré Laurent Blanc, chargé de piloter l'expérimentation au sein de la DITP.  "Pour les agents volontaires, il s'agissait d'y avoir recours pour améliorer les délais de réponses et libérer du temps pour se concentrer sur des situations plus complexes", a encore détaillé l'administration. Celle-ci souligne que "l'IA suggérait une réponse et n'était reprise que si jugée pertinente. Elle devait systématiquement être validée par l'agent avant sa publication à l'usager". Autre précision de taille : les données ont été totalement anonymisées, la confidentialité étant ainsi complètement préservée pour l'usager. Objectif mis en avant : que les agents soient plus efficaces sur certaines tâches afin de gagner du temps et de renforcer le contact humain.

Au total, "plus de 5.000 fiches issues de la Direction de l'information légale et administrative (Dila) et plus de 40.000 échanges en ligne entre l'administration et les usagers et 500 fiches du forum Ameli sont venus enrichir le modèle d'IA utilisé pour l'expérimentation ; le tout étant en amélioration continue avec les nouvelles réponses apportées, car c'est le principe même de l'IA dite générative". La DITP indique que c'est le modèle Claude d'Anthropic, via la start-up française AlloBrain, qui a été utilisé pour son outil d'aide à la rédaction des réponses aux usagers.

Expérimentation élargie aux agents des maisons France Services

"Cette expérimentation sera élargie, d'ici la fin de l'année, aux agents des maisons France services dans leur accompagnement des usagers au guichet", a annoncé le ministère de la Fonction publique dans son communiqué du 5 octobre. La DITP précise que neuf administrations participeront à l'expérimentation : Cnav, Cnaf, Cnam, MSA, Dila, Meae, ministère de la Justice, les préfectures, ANTS avec 1.000 agents concernés.

Ensuite, dans le cadre de cette expérimentation, "l'Etat doit se donner les moyens de maîtriser cette technologie", a affirmé Stanislas Guerini. "Une solution d’IA est en train d’être développée et devrait être mise à disposition des administrations à partir de 2024", indique la DIPT avant de préciser qu'"elle sera basée sur un modèle ouvert et s’appuiera sur une infrastructure française gérée par la Dinum". L'outil se veut en amélioration continue, avec des fonctionnalités supplémentaires. "Une première version a déjà été comparée à des modèles génériques comme ChatGPT, avec des résultats favorables", fait encore savoir la DITP.  

"Réarmement" de la filière numérique de l'Etat

Enfin, Stanislas Guerini a annoncé avoir entamé, avec l'ensemble du gouvernement, un chantier de réarmement de la filière numérique de l'Etat. "Dès l'année prochaine, 500 postes seront créés dans les métiers du numérique afin de retrouver des moyens d'action. Ce seront autant de data scientists, chefs de produits, de designer, de spécialistes de l'intelligence artificielle". Dès cette année, l'ensemble des directeurs d'administration bénéficieront d'une formation aux enjeux de la transformation numérique.
Selon le ministre, "l'intelligence artificielle est en train de transformer notre rapport au travail, dans tous les secteurs. La fonction publique, premier employeur de France, ne peut rester à l'écart de cette révolution technologique, au risque de la subir".