C’est une longue et vertigineuse descente de 550 marches qui mène à la grotte de la mer de Glace, le glacier le plus célèbre de Chamonix (Haute-Savoie), désormais triste symbole du réchauffement climatique. A mesure que l’on descend sous une chaleur écrasante, dans une file dense où se bousculent des milliers de touristes, des panneaux affichent des dates : 1985, 1990, 2003, 2015, 2022. Chacune d’elles marque les anciens niveaux du glacier.
Tout en bas, dans la grotte de glace, une cinquantaine d’étudiants de HEC Paris se pressent autour de Ludovic Ravanel, glaciologue et géomorphologue, pour comprendre ce qu’ils constatent de leurs yeux : la fonte du glacier – 4,30 mètres chaque année, 16 mètres en 2022, année la plus chaude en France depuis 1900 – et ses conséquences dramatiques à venir sur les réserves d’eau douce en Europe.
Pendant que quelques étudiants hilares font des selfies dans les sculptures de glace, d’autres écoutent attentivement. Le timing ne pouvait pas mieux tomber pour frapper les esprits. En cette fin de mois d’août, une canicule sévit dans les Alpes et, même à 2 000 mètres d’altitude, la chaleur est étouffante. « Ils ont aussi assisté à un écroulement de la face nord de l’aiguille du Midi, une expérience plus impressionnante que les chiffres », remarque le scientifique.
« Vous avez une responsabilité »
En sortant de la grotte de glace, Paul, 20 ans, réalise pour la première fois ce que veut dire réchauffement climatique. « Avant lundi, 12 h 11, début du séjour à Chamonix, j’étais persuadé qu’on allait se faire “greenwasher” par HEC. »
Longtemps, la rentrée à HEC Paris se concentrait autour d’une idée phare pouvant se résumer à : « Vous êtes l’élite de la nation », suivis du traditionnel « week-end d’inté » organisé par les élèves. La réussite du concours d’entrée, après deux voire trois années de préparation, assurait un titre prestigieux à cette jeune élite.
Or, depuis 2021, l’école a opéré une mue symbolique : désormais, les quelque 400 élèves de première année font leur rentrée obligatoire à Chamonix, dès la fin du mois d’août, pendant quatre jours, avant d’atterrir sur le campus de Jouy-en-Josas (Yvelines). « Le discours, ce n’est plus “Vous êtes l’élite de la nation”, mais “Vous avez une responsabilité, on vous la montre et vous allez devoir composer avec ces prochaines années” », analyse Romain, 20 ans, qui souhaite rester anonyme.
Marche de 6 kilomètres
Au programme : rencontres avec des glaciologues, randonnée en altitude encadrée par des guides de haute montagne, course d’orientation, escalade, entraînements auprès des secouristes du peloton de gendarmerie de haute montagne (PGHM)… Bref, des activités à des années-lumière des cours de management, de finance, de microéconomie et des stages qui feront le quotidien des étudiants ces prochaines années. « La rentrée des classes, désormais, c’est rando sac à dos et chaussures de marche. La pédagogie par la mise en mouvement ! », sourit Xavier Boute, doyen de la vie étudiante de la grande école, ancien lieutenant-colonel de l’armée de terre pendant vingt-cinq ans.
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