Avec la plus grande discrétion, un scénario de réforme structurelle des bourses étudiantes a été remis à la ministre de l’enseignement supérieur, Sylvie Retailleau, au mois de juin. Le Monde a pu se procurer ce rapport resté confidentiel qui explore sur 100 pages les conditions de vie, d’études et de réussite des étudiants. Il est le fruit de centaines d’auditions menées par le professeur Jean-Michel Jolion, chargé en octobre 2022 de conduire ce chantier des plus techniques.
Sylvie Retailleau n’a pas rendu public le rapport, mais elle y a puisé de premières mesures, qu’elle a souhaité opérationnelles dès septembre, pour pallier les défauts du système d’allocation actuel, qui rate une partie de sa cible en excluant une population issue des classes moyennes, pourtant touchée de plein fouet par la crise sanitaire et par l’inflation.
Dans son rapport, Jean-Michel Jolion alerte au sujet des 70 000 boursiers évincés des aides depuis 2020 et des 60 000 autres qui en seraient sortis à leur tour d’ici à 2024, si des mesures n’avaient pas été prises en urgence.
La barre a pu être un peu redressée à la rentrée, grâce à une revalorisation de toutes les aides d’un montant de 37 euros par mois et à l’intégration de 35 000 boursiers supplémentaires, tandis que 140 000 autres sont passés à l’échelon supérieur, bénéficiant d’une nette augmentation de leur montant de bourses. Au total, 675 000 étudiants sont soutenus financièrement en 2023, pour un montant variant de 1 084 euros à 5 965 euros par an sur la base de dix mensualités.
Réforme structurelle renvoyée à 2025
Une fois cette rustine posée, c’est tout un modèle qui reste à réinventer. A la grande déception des organisations représentatives d’étudiants, Sylvie Retailleau a annoncé, début septembre, qu’elle ne retenait pas l’idée d’une allocation d’études, revendiquée dans une tribune au Monde par quatorze présidents d’université, inquiets face à la précarité grandissante sur leurs campus. La ministre a même renvoyé à 2025 le projet d’une réforme structurelle du système d’allocation des bourses qui devra s’intégrer dans la refonte des aides « à la source », un chantier lancé au début du quinquennat et conduit par la ministre des solidarités et des familles, Aurore Bergé. Un nouveau round de concertations est prévu, sans calendrier précis à ce stade.
Dans son rapport, Jean-Michel Jolion rejette aussi l’idée d’un revenu étudiant, comme il existe au Danemark par exemple, dont il évalue le coût entre 16 milliards et 41 milliards d’euros, selon les paramètres retenus (600 euros sur dix mois ou 1 000 euros sur douze mois). En revanche, il formule une proposition inédite, non reprise par Sylvie Retailleau : l’octroi à tous les étudiants inscrits pour la première fois dans l’enseignement supérieur d’une aide « universelle » d’un montant de 500 euros, sans conditions de ressources – une mesure dont le coût est chiffré à 250 millions d’euros pour l’Etat.
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