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Dès la maternelle, des inégalités sociales lors des prises de parole

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Avant même l’école primaire, un enfant issu d’un milieu social favorisé s’exprime plus souvent et plus longtemps qu’un camarade d’origine sociale défavorisée, confirme une nouvelle étude menée dans des écoles maternelles.

La scène paraît des plus anodines dans une école maternelle : l’enseignant·e rassemble les élèves et, pour lancer un échange, questionne : « Qu’avez-vous fait pendant les vacances ? » ou « pendant le week-end » ?

L’interrogation peut être un peu différente et concerner un dessin animé, un livre : « Qu’en avez-vous pensé ? », voire prendre des tonalités philosophiques : « C’est quoi l’amitié pour vous ? » Au fond, peu importe le sujet, l’objectif est d’encourager les enfants à s’exprimer.

Sauf que, voilà, face aux prises de parole, nous ne sommes pas tous égaux. Le milieu social dont nous sommes issus influence en effet notre expression orale… 

La scène paraît des plus anodines dans une école maternelle : l’enseignant·e rassemble les élèves et, pour lancer un échange, questionne : « Qu’avez-vous fait pendant les vacances ? » ou « pendant le week-end » ?

L’interrogation peut être un peu différente et concerner un dessin animé, un livre : « Qu’en avez-vous pensé ? », voire prendre des tonalités philosophiques : « C’est quoi l’amitié pour vous ? » Au fond, peu importe le sujet, l’objectif est d’encourager les enfants à s’exprimer.

Sauf que, voilà, face aux prises de parole, nous ne sommes pas tous égaux. Le milieu social dont nous sommes issus influence en effet notre expression orale. Et ces différences se manifestent dès la maternelle. C’est ce qu’a montré une équipe de chercheurs et chercheuses dans une étude publiée au mois de juin dans le Journal of Experimental Psychology : General.

Avant d’arriver à cette conclusion, les auteurs ont filmé, puis analysé les prises de parole d’une centaine d’enfants de grande section de maternelle dans plusieurs écoles socialement mixtes. Ils ont eu accès à la classe socioprofessionnelle des parents.

Pour chaque intervention, les chercheurs observaient donc qui prenait la parole, combien de temps et de quelle façon : l’enfant a-t-il été interrogé par l’enseignant·e ? Se donnait-il la parole lui-même ? La coupait-il à un camarade ? Après des heures de décodage des enregistrements vidéo, les résultats de l’équipe vont tous dans le même sens, explique Sébastien Goudeau, enseignant-chercheur en psychologie sociale à l’Université de Poitiers :

« L’origine sociale des enfants prédit à la fois la probabilité à parler et la durée. C’est-à-dire que plus les enfants viennent d’un milieu social favorisé, plus ils s’autorisent à prendre la parole spontanément, plus ils coupent la parole aux autres et plus ils parlent longtemps. »

Et ce, au-delà même des différences de niveau de langage entre les enfants ou du genre1, précise l’ancien professeur des écoles.

L’école, lieu de reproduction sociale

De nombreux travaux ont déjà montré à quel point l’école reproduit les inégalités socio-économiques, mais cette étude expérimentale le réaffirme concernant la prise de parole : « Si je vais souvent à Paris, que je vais voir des musées, que j’ai plein de livres chez moi, que je voyage, qu’on m’invite au quotidien à exprimer mon opinion, à parler de mes intérêts, je vais être dans une situation extrêmement favorable pour parler », schématise Sébastien Goudeau.

« A contrario, si je suis dans un environnement social où je n’ai pas cette possibilité de découvrir des univers différents, de voyager, que je n’ai pas forcément accès à tous les albums de littérature jeunesse etc. je ne vais pas être dans la meilleure situation pour m’exprimer spontanément. »

Cette situation de prise de parole des enfants reproduit ainsi les inégalités qui préexistent à l’école, entre les familles issues de milieux sociaux différents.

Les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. Lors d’une deuxième étude, ils se sont également intéressés à la perception qu’avaient les enfants de grande section de ces inégalités d’expression orale.

Ils ont soumis à une centaine d’élèves – pas les mêmes que pour la première expérience – créé des scenarii lors desquels des enfants parlaient plus longtemps ou plus souvent que d’autres. Ils ont ensuite demandé à l’échantillon d’exprimer leurs ressentis à ce sujet :

« Les enfants ont alors eu tendance à penser que celles et ceux qui parlent plus longtemps ou plus souvent sont plus intelligents, plus sages ou même plus sympathiques. Ils ont une perception positive sur des traits qui, a priori, n’ont rien à voir avec la compétence en question. (Ce qui se comprend du point de vue du développement de l’enfant qui n’a pas les connaissances qu’ont les sociologues sur des différences de socialisation.) », note encore Sébastien Goudeau.

Après ces constats, on peut alors se demander quelles solutions s’offrent à nous, notamment pour réduire les inégalités lors des prises de parole. L’équipe de chercheurs préfère poursuivre les expérimentations avant de formuler des recommandations, répond prudemment Sébastien Goudeau.

Néanmoins, des pistes sont avancées et vont être explorées à l’avenir, impliquant l’enseignant·e : autoriser les élèves à répéter quelque chose qui a déjà été dit ; se montrer patient lorsque des enfants – des milieux défavorisés notamment – peuvent mettre davantage de temps avant de prendre la parole ou encore, privilégier des moments de prise de parole en petits groupes.

  • 1. Une expérience annexe a néanmoins montré que les petits garçons avaient tendance à davantage couper la parole que les petites filles. Phénomène que l’on retrouve aussi chez les adultes.

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