Malgré les mises en garde, les jeunes fréquentent les réseaux sociaux de plus en plus tôt. En juin 2023, 67 % des 8-10 ans avaient déjà un compte (sur YouTube, TikTok ou WhatsApp), contre 27 % en 2021, révèle une étude de l’Association e-Enfance/3018 et la Caisse d’épargne, publiée mardi 17 octobre (1).

« Leur nombre a plus que doublé alors que les réseaux sociaux ne sont pas censés être accessibles avant l’âge de 13 ans, rappelle Justine Atlan, directrice générale d’e-Enfance. Ce rajeunissement est lié à l’âge du premier smartphone, qui ne cesse de baisser. Il s’explique également par l’explosion de TikTok depuis le confinement et par le fait, aussi, que les parents mettent leurs enfants de plus en plus tôt devant Internet. L’âge moyen de l’autonomie devant un écran est de 6 ans et 10 mois. »

31 % des victimes ont déjà pensé au suicide

La présence des 8-10 ans sur les réseaux sociaux entraîne, de fait, une augmentation des cas de cyberharcèlement dans cette tranche d’âge : 15 % des élèves de primaire en ont déjà été victimes. Ils sont 25 % au collège et 27 % au lycée. Au total, près d’une famille sur quatre déclare avoir été confrontée au cyberharcèlement au moins une fois.

Quel que soit l’âge, les conséquences sont lourdes pour les victimes : 52 % disent avoir été perturbées par des insomnies, des troubles de l’appétit ou ont ressenti du désespoir ; 51 % ont rencontré des difficultés dans leur scolarité, et 31 % reconnaissent avoir pensé au suicide.

Près d’un tiers (27 %) des jeunes interrogés disent avoir assisté à des actes de cyberharcèlement et 6 % admettent en avoir « été les auteurs ou à avoir participé, même involontairement ». Si 87 % d’entre eux « ont compris la portée de leurs actes », 30 % récidivent.

« Le numérique ne facilite pas l’empathie. On peut oublier qu’il y a quelqu’un derrière l’écran, analyse Justine Atlan. Il est vrai aussi que certaines personnalités n’en ressentent pas et qu’il faut les prendre en charge ailleurs qu’à l’école. D’autres continuent le cyberharcèlement parce qu’il y a une pression du groupe. »

47 % disent l’avoir fait « pour rigoler »

La première motivation des harceleurs serait la distraction : 47 % déclarent avoir participé à du harcèlement en ligne « pour rigoler ». « C’est vrai surtout chez les plus jeunes, observe Nora Tirane Fraisse, présidente de l’association Marion la main tendue. Certains ne comprennent même pas qu’ils participent au cyberharcèlement en meute en “likant” et en partageant des contenus. »

Près d’un tiers (29 %) des cyberharceleurs le font « pour faire comme les autres », 24 % «pour se faire accepter » et 10 % « pour se venger » : 45 % des victimes ont eu envie de se venger en harcelant à leur tour, un chiffre qui atteint 62 % chez les 8-10 ans. « Si l’école ne sanctionne pas les auteurs,les jeunes ont envie de se rendre justice eux-mêmes », commente Justine Atlan.

Les parents, eux, ne se rendent souvent compte de rien : 70 % déclarent ne pas avoir « l’impression de contrôler les usages de leurs enfants sur les réseaux sociaux ». Et 90 % attendent de l’aide et de l’information. « Il faut s’intéresser à ce que font les enfants sur Internet, cela fait désormais partie de l’éducation, souligne Nora Fraisse. Ils peuvent par exemple faire des maraudes sur les réseaux sociaux pour voir ce qui s’y passe et pour pouvoir ensuite en parler avec leurs enfants. »

(1) Étude en ligne réalisée auprès de 1 200 binômes parents-enfants mineurs de 8 à 18 ans, soit 2 400 répondants au total.