Les recettes de l'OCDE pour améliorer le programme Territoires d'industrie

À partir de deux Territoires d'industrie français, l'OCDE analyse la place de l'industrie dans les zones rurales dans une note publiée en septembre 2023. À l'approche de la seconde phase du programme, elle avance quelques pistes d'amélioration : mieux l'évaluer, renforcer le portage mixte (public-privé) des projets et favoriser l'innovation.

Dans une note sur "L'avenir de l'industrie manufacturière rurale" publiée en septembre 2023, l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) prend appui sur le cas français et notamment le dispositif des Territoires d'industrie (TI), pour analyser le développement de l'industrie dans les zones rurales. L'OCDE s'est penchée plus spécifiquement sur deux Territoires d'industrie pour identifier les bonnes pratiques et faire quelques préconisations d'amélioration : le TI interdépartemental Gers/Tarn-et-Garonne en région Occitanie et le TI Haut-Jura dans le département du Jura, en région Bourgogne-Franche-Comté.

Première observation générale : l'industrie, qui représente 12,5% de l'emploi en France, est 1,7 fois plus présente dans le milieu rural que l'ensemble de l'activité privée hors agriculture. Elle y représente près de 31% de l'emploi. "Cela s'explique principalement par la répartition géographique des ressources mobilisées par les entreprises, explique l'OCDE, ainsi que par leurs besoins en matière d'utilisation et d'expansion des sols, qui sont moins coûteux dans les zones rurales." Le poids du rural dans les effectifs de l'industrie varie toutefois selon les secteurs d'activité : les trois secteurs les plus présents en milieu rural sont les autres industries extractives (67%), le travail du bois (61%) et l'industrie du cuir et de la chaussure (53%).

Une mise en œuvre hétérogène du programme "dans et par les territoires"

La note détaille ensuite l'identité industrielle des deux territoires pilotes. D'un côté, le Haut-Jura, territoire industriel historique avec des activités manufacturières telles que la lunetterie et l'horlogerie, qui a su maintenir son activité industrielle au cours des deux dernières décennies et toujours aujourd'hui. De l'autre, le Gers et le Tarn-et-Garonne, dont la part de l'emploi industriel est inférieure à celle du Haut-Jura, porté par deux secteurs industriels majeurs que sont l'agroalimentaire et l'aéronautique. Le Gers a connu une augmentation de son activité industrielle entre 2000 et 2017, alors que le Tarn-et-Garonne voyait la tendance diminuer sur la même période.

Concernant le programme TI, l'OCDE estime qu'il "permet de créer une dynamique territoriale autour de l'industrie, de créer un dialogue public-privé, de renforcer les liens entre les acteurs industriels du territoire, de soutenir un grand nombre d'initiatives et de projets, d'aider les entreprises qui rencontrent des difficultés et de soutenir la formation, l'innovation et les filières industrielles d'avenir". Mais le programme fait face à deux enjeux : une mise en œuvre hétérogène "dans et par les territoires" et des difficultés rencontrées par les entreprises industrielles des deux TI étudiés, notamment en matière de recrutement.

Pour améliorer le dispositif, l'OCDE propose de renforcer l'évaluation, le suivi et l'encadrement des TI, à travers un cadre d'évaluation ou référentiel sur la base d'indicateurs comparables, à appliquer au niveau de chaque TI entre les acteurs locaux (chef de projet, industriels, intercommunalités, CCI, région, services déconcentrés de l'État), et au niveau national pour un pilotage d'ensemble. Des outils comme les services Dataviz et les fiches projets Territoires d'industrie (Fipti) proposés par la Banque des Territoires sont cités en exemple. L'OCDE propose toutefois d'aller plus loin avec l'élaboration d'une plateforme en ligne dans laquelle chaque TI pourrait renseigner l'état d'avancement et les résultats de chaque projet réalisé ou prévu, et son plan d'actions.

Encourager un portage plus mixte des projets

L'OCDE estime aussi qu'il faut encourager un portage plus mixte des projets. Dans la première phase (2018-2021), 55% des projets ont été portés par des acteurs publics et 31% par des acteurs privés. Seuls 14% des projets ont bénéficié d'un portage mixte. La deuxième phase du programme pourrait ainsi inciter les TI à développer davantage de projets portés simultanément par des acteurs publics et privés à travers une "prime" en financement d'ingénierie.

La mise en place de guichets uniques pour chaque TI permettrait aussi selon l'OCDE de favoriser la mutualisation des informations pour aider les industriels et acteurs locaux à se repérer dans la multitude d'informations disponibles sur les dispositifs d'aide et d'accompagnement existants.

L'innovation et la coopération des TI doivent être favorisées, estime l'OCDE, par une stratégie de clusters pour lier les entreprises d'un même secteur sur un même territoire, avec des instituts de recherche, des centres de formation, des services financiers… "En développant des clusters dans des secteurs industriels dynamiques, tels que la fabrication de vélos dans le Gers avec la Vélo Vallée ou la lunetterie dans le massif du Jura, les TI renforcent leur capacité d’innovation, leur attractivité́ et identité locale, la qualité des emplois, ou la diversification de leur économie, détaille la note, tout en contribuant à un développement inclusif, durable et équitable."

Quant à la question du recrutement, une des difficultés auxquelles les entreprises industrielles ont à faire face, elle doit être davantage traitée à travers une amélioration de la "marque employeur" des entreprises, des campagnes d'attractivité des métiers en tension dans les TI et des visites d'entreprises pour les des étudiants et les candidats pendant le processus de candidature.
L'OCDE liste enfin des recommandations spécifiques sur l'industrie en France. Elle recommande ainsi de simplifier les demandes d'aides en ligne face à la hausse des prix de l'électricité et de soutenir les innovations de production pour faire face à cette hausse. La coopération avec les territoires voisins, la Suisse dans le cas du Haut-Jura par exemple, comme ce qui existe entre le TI Gers/Tarn-et-Garonne et la métropole toulousaine, pourrait aussi être renforcée.