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Edhec, Strate Design : pourquoi ces écoles adoptent la semaine de quatre jours

Les expérimentations de la semaine de quatre jours dans les entreprises ont-elles inspiré les établissements d'études supérieures ? Certaines écoles l'ont aussi adoptée. Exit les emplois du temps à trous ou la visibilité à deux semaines, les cours sont désormais condensés et le temps libre mis à profit pour d'autres activités personnelles. Un avant-goût aussi du (futur) monde du travail.

Exit les emplois du temps à trous ou la visibilité à deux semaines, les cours sont désormais condensés et le temps libre mis à profit pour d'autres activités personnelles.
Exit les emplois du temps à trous ou la visibilité à deux semaines, les cours sont désormais condensés et le temps libre mis à profit pour d'autres activités personnelles. (Getty Images/Paul Bradbury)

Par Fleur Bouron

Publié le 28 août 2023 à 07:01Mis à jour le 25 oct. 2023 à 10:17

Leurs doléances ont été entendues. « Les étudiants ont exprimé la volonté d'avoir un emploi du temps plus régulier et visible sur l'année ainsi que plus de temps libre », explique Hager Jemel, directrice de l'année prémaster et de la chaire diversité et inclusion à l'Edhec. « L'objectif ? Une meilleure gestion du temps et un meilleur équilibre de leur vie personnelle et académique », a-t-elle écrit sur X (ex-Twitter).

A partir de la rentrée prochaine, l'école de commerce lilloise banalisera deux demi-journées par semaine dans l'emploi du temps de ces derniers. De quoi permettre à ces derniers d'avoir un job étudiant, de s'engager dans une association, d'avoir un rendez-vous médical… Un temps que les étudiants peuvent utiliser comme bon leur semble.

Si, à l'Edhec, la demande émane des étudiants, ce sont davantage les signaux faibles qui ont poussé l'école de design Strate à expérimenter, au cours de l'année qui vient de s'écouler, la semaine de quatre jours pour une de ses promotions, sur son campus à Lyon. « Avant l'expérimentation, on a constaté un désengagement sur le travail en cours, mais un fort engagement sur les 'à-côtés', témoigne Paul Colombat, directeur de l'établissement. Les élèves étaient éparpillés, à l'image de l'emploi du temps qu'on leur offrait. » Ce projet pilote a fait ses preuves et sera généralisé à toute l'école en septembre, y compris sur le campus de Paris.

Job étudiant, entrepreneuriat, volontariat

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Pas question pour autant de réduire le nombre d'heures d'enseignement. Celles-ci sont déplacées pour tenir sur quatre jours là où, auparavant, il était possible d'avoir trois heures de cours mal réparties sur une journée, avec un maximum de six heures de cours quotidiennes.

Où est réinvesti ce temps libre ? « 40 % des étudiants de Lyon ont un job étudiant, 30 % sont engagés au niveau associatif », souligne Paul Colombat.

Les écoles cherchent aussi à favoriser l'entrepreneuriat et voient dans ces heures dégagées un moyen de faire éclore des projets en leur sein. « Certains de nos étudiants se sont inscrits à des concours de design en partenariat avec d'autres écoles », illustre Paul Colombat.

D'autres établissements, qui n'ont pas officiellement instauré la semaine de quatre jours, s'appliquent de leur côté à réduire leurs heures d'enseignement. Parmi celles-ci, l'Esiea, une école d'ingénieurs spécialisée dans l'informatique. « On ne peut pas tout leur apprendre. Plus on leur dégagera du temps en dehors des cours, plus les étudiants apprendront à chercher les informations par eux-mêmes, à monter des projets, etc. », estime Sophie Poirier, responsable de la vie associative et étudiante de l'école. Et d'ajouter : « Ce n'est pas le samedi ou le dimanche que les partenaires et entreprises répondent. »

L'établissement supprime aussi des créneaux de cours aux étudiants qui justifient d'un engagement associatif, sportif, civique, entrepreneurial en dehors de l'école. Cette décision découle de la loi égalité et citoyenneté de 2017, instaurant l'obligation de valoriser cet engagement pour tous les établissements d'enseignement supérieur. Chacun est libre de le valider par l'attribution de crédit ECTS, l'octroi d'un bonus, l'inscription d'un supplément au diplôme, etc.

Pour l'année 2022-2023, l'Esiea a validé 204 engagements (contre 118 en 2021-2022) d'étudiants pour des projets associatifs, civiques (pompiers, réservistes) et sportifs. L'école déleste les emplois du temps de 25 à 75 heures de cours par semestre.

Un moyen aussi de préparer les étudiants au monde du travail qui les attend . « S'ils savent apprécier l'importance de l'équilibre vie professionnelle-vie académique, alors ils seront amenés à y être plus sensibles quand ils seront aux manettes d'une équipe, d'une entreprise. C'est comme ça qu'on infuse une culture de qualité de vie au travail, de bien-être », assure Hager Jemel, de l'Edhec.

Un campus à l'américaine

A Strate Design, les professeurs, eux, restent à la semaine de cinq jours, et le campus, les ateliers, fablabs, etc. sont ouverts tous les jours. « Ça permet de se concentrer sur le suivi individuel de ceux qui en ont le plus besoin ou qui nous sollicitent spontanément », explique Paul Colombat. L'école réfléchit à faire venir des intervenants pour tenir des permanences et répondre aux demandes des étudiants. « On veut se rapprocher des écoles d'art ou de design américaines avec des locaux ouverts 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, des professeurs à disposition, etc. », explique le directeur. Pas d'augmentation de frais de scolarité pour autant, assure Strate Design.

A Lille, le campus de l'Edhec est aussi ouvert 7 jours sur 7. « On aimerait que les étudiants utilisent davantage les services, sollicitent plus les professeurs, les coachs, etc. », souligne la directrice de la chaire diversité et inclusion à l'Edhec.

Les projets ne manquent pas pour adapter les établissements à l'air du temps… quitte à réoccuper cette journée 'off'. « A Confluence [quartier de Lyon où le campus de Strate Design est implanté, NDLR], il y a plein d'autres acteurs de la culture, de l'innovation et du design. À la fin de l'année 2023-2024, on va proposer aux étudiants de nouveaux formats basés sur l'interdisciplinarité. » Pour ceux qui le souhaitent, la journée pourra donc se remplir aussi vite qu'elle s'est vidée, mais avec d'autres personnes et sur d'autres sujets.

Fleur Bouron

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