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Décryptage

Bac pro : le gouvernement ouvre le chantier sensible de l'année de terminale

La ministre déléguée Carole Grandjean vient de présenter aux syndicats son projet de réforme de l'année de terminale du bac professionnel. Les débats sont vifs sur les stages et sur la diminution de certaines heures au profit du français et des mathématiques.

Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels, lors d'un déplacement dans un lycée professionnel à Lyon.
Carole Grandjean, ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels, lors d'un déplacement dans un lycée professionnel à Lyon. (Stephane Audras/REA)

Par Marie-Christine Corbier

Publié le 23 oct. 2023 à 16:58Mis à jour le 24 oct. 2023 à 08:53

« On construira une année de terminale sur mesure », avait lancé Emmanuel Macron, en mai, en présentant la réforme des lycées professionnels , érigée au rang de « cause nationale ». Elle doit entrer en vigueur en septembre prochain, pour les élèves qui sont aujourd'hui en première.

La ministre déléguée chargée de l'Enseignement et de la Formation professionnels, Carole Grandjean, vient de donner le coup d'envoi de ce chantier complexe en recevant les syndicats. L'ambiance est déjà électrique du côté des deux premiers d'entre eux (Snetaa-FO et Snuep-FSU) qui ont appelé, avec d'autres, à « stopper le démantèlement organisé des lycées pros ». L'intersyndicale devrait se mobiliser après les vacances scolaires.

Tous attirés par les stages rémunérés

De vifs débats portent sur la fin de l'année de terminale. Le gouvernement veut mettre en place une « bifurcation », afin de mieux coller aux besoins des élèves : les lycéens qui choisiraient de travailler directement après le bac feraient six semaines de stage supplémentaires afin de renforcer leurs chances de trouver un emploi ; ceux qui voudraient poursuivre dans l'enseignement supérieur bénéficieraient de « cours intensifs » pour s'y préparer et réduire leur taux d'échec en BTS (40 %). Ces deux modules s'ajouteraient à six semaines de stage obligatoires pour tous (contre huit aujourd'hui).

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« La différenciation en fonction du projet de l'élève peut avoir du sens, mais on craint que tous ne se détournent du parcours de consolidation ('cours intensifs') pour aller vers les stages rémunérés, redoute Jérôme Fournier, secrétaire national du SE-Unsa. Soit on la teste et on diffère la réforme ; soit on pense que les élèves se détourneront de la voie de consolidation et alors il faut abandonner cette idée de suite. »

Point fort de la réforme, le gouvernement s'est engagé à rémunérer les périodes de stage des lycéens professionnels , à hauteur de 100 euros la semaine en terminale. Les douze semaines de stages envisagées représentent donc une somme importante pour des élèves souvent issus de familles défavorisées. « Ceux qui voudraient préparer un BTS pourraient eux aussi choisir de faire ces stages » et arriver dans l'enseignement supérieur moins bien préparés qu'aujourd'hui, sans avoir suivi les cours intensifs prévus, estime Sylvie Perron, secrétaire nationale du Sgen-CFDT.

« Les grilles horaires, jamais respectées »

Certains syndicats redoutent aussi que les douze semaines de stage se tiennent d'un bloc et n'éloignent trop longtemps les élèves du lycée. « Les huit semaines de stage actuelles sont séquencées en deux périodes, confie Carole Grandjean. Or, des stages courts n'engagent pas le même niveau de qualité et, pour les entreprises, quatre semaines c'est moins attractif qu'un bloc de douze semaines qui deviendrait un vrai stage. » Les douze semaines ne seront pas obligatoirement accolées, a toutefois assuré le ministère après avoir rencontré les syndicats.

Carole Grandjean veut en tout cas que les six semaines de stage obligatoires pour tous aient lieu entre septembre et fin mai, et pendant que les enseignants font passer les épreuves des 100.000 diplômés en candidat libre (élèves en apprentissage, écoles de production…), pour éviter que les lycéens ne perdent des heures de cours.

« Les entreprises disent que nos élèves ont du mal à comprendre les consignes, qu'il leur manque du français et des mathématiques, ils ont besoin de plus d'école, pas forcément de plus d'entreprise », réagit Pascal Vivier, secrétaire général du Snetaa-FO, principal syndicat d'enseignants.

Il s'emporte aussi, comme d'autres, contre le fait d'avancer certaines épreuves du bac (les enseignements généraux), alors que le ministre de l'Education nationale, Gabriel Attal, vient justement de faire l'inverse pour le bac général, en reportant les épreuves de spécialité de mars à juin .

Des dédoublements de classe pour tous

Le « choc des savoirs fondamentaux » brandi par Gabriel Attal devrait se traduire, dans la voie professionnelle, par plus d'heures de mathématiques et de français et d'enseignement moral et civique, mais avec un volume global annuel d'heures de cours identique à l'actuel. Il faudra donc diminuer le nombre d'heures ailleurs, a prévenu le ministère. C'est l'objet de la négociation qui démarre. Les syndicats seront de nouveau reçus au ministère après les vacances scolaires.

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Trois blocs sont susceptibles d'en faire les frais : l'accompagnement personnalisé, la co-intervention (un enseignant de français ou de maths fait cours avec un professeur de matière professionnelle) et le chef-d'oeuvre (projet interdisciplinaire). Ce qui reviendrait alors à effacer, au moins partiellement, deux piliers de la réforme Blanquer du premier quinquennat Macron.

Le gouvernement envisage aussi de renforcer le français et les mathématiques en seconde et en première. Les dédoublements de classe, qui reposent aujourd'hui sur le volontariat des enseignants, vont être pérennisés pour tous.

Marie-Christine Corbier

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