Plateforme Mon master : le bilan mitigé des universités

Sarah Nafti Publié le
Plateforme Mon master : le bilan mitigé des universités
Les universités ont été confrontées à une hausse des candidatures liée à la plateforme Mon master. // ©  Wicitr/Adobe Stock
Si le principe d'une plateforme unique est plébiscité, la mise en place de Mon master a souffert d'un calendrier trop tardif et du manque d'une phase complémentaire. Confrontées à une hausse des candidatures, les équipes ont dû improviser avec un outil qu'elles ne maitrisaient pas encore et des difficultés techniques.

La toute nouvelle plateforme Mon master, qui se substitue aux différentes procédures d'admission qu'utilisaient auparavant chaque université est "une simplification appréciée", pour Pascal Lecroart, vice-président en charge de la Formation et de la Vie universitaire de l'université de Bordeaux.

Il a, d'ailleurs, vu augmenter les candidatures de 65% par rapport aux années précédentes. "En moyenne, nous avons eu 20 candidatures pour une place", soit 75.827 candidatures pour 3.798 places, contre 46.000 l'an dernier.

"Est-ce que l'université est plus attractive ? ou les étudiants ont estimé important de déposer plus de vœux ?", s'interroge, tout de même, le vice-président.

Le manque d'une phase complémentaire au niveau national

Les avis sont unanimes : il a manqué une phase complémentaire, pilotée par la plateforme. Chaque établissement a repris la main après la fermeture de Mon master, fin juillet.

En effet, dans certains masters où le taux de pression était élevé, les équipes n'avaient pas classé assez de candidats, et sont arrivées au bout de leur liste d'attente. "Nous avons mis en place une procédure locale pour réexaminer des dossiers" et remplir "au mieux" les places vacantes, explique Pascal Lecroart.

"Nous avons mis en place une procédure locale pour réexaminer des dossiers et remplir au mieux les places vacantes. (P. Lecroart, université de Bordeaux)

À la rentrée, l'université Lyon 2 a ouvert une nouvelle vague de candidatures pour certaines formations. "Il restait des places en Meef (Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation) second degré et dans les filières de langues et de lettres", détaille Marie-Karine Lhommé, vice-présidente Formation de l'université Lyon 2.

L'université Paris 1-Panthéon Sorbonne a reçu environ 90.000 candidatures pour 4.500 places. Certaines formations - management, gestion, économie - ont eu plus de candidats, quand les autres sont restées stables.

"Fin juillet nous avions 500 places disponibles, qui se concentraient dans certains masters", détaille Jérôme Glachant, vice-président Formation de l'université Paris 1.

Selon lui, plusieurs éléments ont posé problème dans la mise en place de la plateforme : "la non-hiérarchisation des vœux, le calendrier trop tardif et le manque de phase complémentaire". Un constat partagé.

Un manque d'anticipation "catastrophique"

"Si l'idée de faire une plateforme unique était bonne, l'application a été catastrophique par manque d'anticipation", confie ce responsable de master d'une université du sud de la France, qui souhaite témoigner anonymement.

"Le fait que les étudiants ne puissent pas hiérarchiser leurs vœux les poussent à en faire beaucoup par sécurité et exacerbe la concurrence entre les formations", estime le même enseignant.

Si l'idée de faire une plateforme unique était bonne, l'application a été catastrophique par manque d'anticipation. (un enseignant d'une université du sud)

À Lyon 2, certaines formations demandées comme "métiers du livre" ou "informatique", qui avaient reçu plus de 800 candidatures, ont finalement rempli en allant au bout des listes d'attente. L'enseignant, dont le master a reçu le double de candidatures, a vu des profils qu'il ne voyait pas auparavant, "des candidats d'Ile-de-France ou du Nord". Des profils qui "se sont désistés. Cela n'a pas changé la diversité des profils par rapport à l'an dernier."

De plus, l'outil, qui n'avait pas été testé en amont, manquait d'ergonomie. Au niveau technique par exemple, il n'était pas possible de télécharger l'ensemble des dossiers des candidats, ou de voir uniquement les pièces, obligeant le personnel à une démarche fastidieuse, surtout quand les candidatures étaient très nombreuses. "Et les règles changeaient toutes les semaines", ajoute-t-il.

Appréhender la plateforme Mon master

Car, cette année, une des difficultés a été que les équipes découvraient le nouvel outil, en même temps qu'elles devaient l'utiliser dans le recrutement. Cela a généré du stress et des incompréhensions.

"Les équipes étaient habituées à une gestion des candidatures au fil de l'eau, alors que là il fallait étudier un nombre très important de candidatures en un temps très court", détaille Claire Lartigue, vice-présidente adjointe du Collège Master de l'université Paris-Saclay.

Et ce, alors que le personnel n'était pas familier de l'outil. "Certains paramètres n'étaient pas modifiables. Par exemple, toutes nos formations étaient localisées à Gif-sur-Yvette, alors que nous sommes un établissement multi-sites."

Une charge de travail alourdie pour les équipes

Valérie Schurdi-Levraud, responsable du master Biologie Agrosciences à l'université de Bordeaux salue la plus-value de la plateforme commune pour les étudiants. Mais sa mise en place a généré plus de travail.

"Nous avons eu deux fois plus de candidats, 700 pour deux parcours de 60 étudiants". L'étape administrative a été compliquée "et nous a amenés à étudier des dossiers qui n'avaient pas encore été jugés recevables administrativement".

Pour l'enseignante, "il faut réorganiser le processus et la manière de sélectionner". Car avec trop de candidats, le traitement humain devient très compliqué sans moyens supplémentaires.

À l'université Paris-Saclay, Claire Lartigue insiste d'ailleurs sur "le travail formidable" fourni par les équipes et les échanges constants avec la DGESIP (direction générale de l'enseignement supérieur et de l'insertion professionnelle), "très réactive sur nos remontées du terrain".

Autre point salué : la gestion de la liste d'attente, qui se faisait automatiquement et passait au suivant sur la liste dès que l'étudiant avait fait son choix.

Un outil qui n'est pas adapté aux formations en apprentissage

Dernier point noir relevé par les équipes : la plateforme Mon master n'est pas adaptée aux formations en apprentissage qui "recrutent plus tôt", explique Cécile Dorions, responsable administrative de la vice-présidence Formation et Innovation pédagogique de l'université Gustave Eiffel.

La plateforme oblige à déposer le contrat d'apprentissage pour accepter l'inscription, "alors que les étudiants ont trois mois pour trouver leur entreprise". Et "les formations du privé, elles, ne sont pas contraintes par ce calendrier", souligne Cécile Dorions, pour qui cela a pu inciter des candidats à opter pour celles-ci plutôt que de rester dans l'attente.

"Toutes les formations post-licence ne recrutaient pas à la même date que nous, abonde Valérie Schurdi Levraud, de l'université de Bordeaux. Certains candidats pouvaient nous faire attendre tant qu'ils n'avaient pas la réponse d'une école d'ingénieurs [dont les formations titre d'ingénieurs ne sont pas intégrées dans la plateforme]".

Elle espère qu'à l'avenir, comme Parcoursup, Mon master regroupera davantage de formations.

Certains de ces points devraient être améliorés l'an prochain : le ministère discute actuellement avec les établissements sur les éléments à modifier, et le calendrier pourrait être avancé.

Sarah Nafti | Publié le