Comme dans une caverne qui regorgerait de trésors, de nombreux objets en argent massif sont entreposés, ici et là. Et partout, dans cet atelier sombre où la lumière du jour ne se fraye pas de chemin, des outils sont déclinés dans un nombre infini de tailles. Certains posés sur l’établi. D’autres ornant les murs. De tels instruments, forgés à la main par des ferronniers, il ne s’en fabrique plus aujourd’hui. Grâce à eux, Nicolas Marischael redonne vie à l’argenterie. Cet orfèvre de 59 ans, dont l’atelier est installé sous l’une des voûtes du Viaduc des arts, dans le 12e arrondissement de Paris, les a hérités de son grand-père, Edouard Marischael.
Comme pour nombre d’artisans d’art, l’héritage du savoir-faire s’est fait en famille. Nicolas Marischael raconte son histoire avec passion. Tout commence en 1924. Son grand-père installe son atelier rue de Saintonge, dans le Marais. Il est cuilleriste, il fabrique des couverts. « C’était lui le patriarche de la famille, ou plutôt la tour de contrôle », se remémore Nicolas. Quelques années plus tard, René Marischael, son père, se spécialise dans la restauration de l’argenterie ancienne.
Puis, en 1981, c’est au tour de Nicolas d’intégrer l’atelier familial. Il a 17 ans et travaille surtout l’été. A cette époque, il ne jure que par le water-polo – l’autre spécialité de la famille. Il se consacre entièrement à ce sport et se qualifie pour les Jeux olympiques de Séoul, en 1988. Mais son destin semble être scellé à l’orfèvrerie. « J’ai été aspiré par l’influence familiale », résume-t-il.
Forgeage, soudure, ciselure, gravure… Aux côtés de son père, à qui il succède à 28 ans, Nicolas Marischael apprend à maîtriser toutes les facettes du métier d’orfèvre. Jusqu’à être nommé maître d’art, en 2019. Ce titre, décerné par l’Institut national des métiers d’art, distingue l’excellence de son savoir-faire mais l’oblige aussi à former l’élève avec qui il a été sélectionné. En l’occurrence sa fille, Mélissa. Du haut de ses 32 ans, elle incarne aujourd’hui la quatrième génération d’orfèvres de la famille. « Ce n’était pas prévu ! Je m’étais fait à l’idée que je n’allais peut-être pas transmettre mon savoir-faire », reconnaît Nicolas Marischael.
En fin de compte, il forme également Nathan, son fils, à l’orfèvrerie, et travaille aussi avec son épouse, Marie-Louise, qui confectionne les rangements pour l’argenterie, et leur seconde fille, Eva, la dernière à avoir rejoint l’entreprise familiale.
« Verbaliser le métier »
Passionnée de dessin, Mélissa a d’abord choisi de voler de ses propres ailes. Sur les bancs de l’école Penninghen, un établissement parisien privé d’architecture intérieure et de direction artistique, elle apprend à parfaire son trait de crayon et à aiguiser son œil. Puis, son diplôme en poche, elle décide de travailler comme designer et graphiste. « Au bout de trois ans, j’ai fait une overdose de pixels, j’avais besoin de retrouver quelque chose de concret. »
Il vous reste 61.26% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.