Une orientation scolaire à géographie variable

Selon la dernière édition de "L'état de l'école", les inégalités de résultats scolaires mesurées en classe de sixième reflètent globalement la composition sociale des territoires. Mais une autre inégalité demeure : l'inégalité géographique qui pénalise les élèves ruraux et des petites villes dans leur orientation au lycée.

Les inégalités socioéconomiques se reflètent dans les résultats scolaires des élèves de sixième, tandis que l'orientation en seconde doit également tenir compte du facteur géographique, en l'occurrence, l'éloignement des grandes villes. Tel est le principal enseignement d'une – petite – partie de l'étude annuelle de la direction de l'Évaluation, de la Prospective et de la Performance (Depp) du ministère de l'Éducation nationale consacrée à l'état de l'école, publiée le 24 octobre.

"La carte départementale de la réussite scolaire, mesurée par les résultats des élèves aux évaluations de début de sixième, reflète assez étroitement les disparités de contexte socioéconomique", pointe d'abord la Depp. Ici, les scores les plus élevés sont atteints dans les départements de l'Ouest, des Alpes et de l'ouest francilien, soit des départements qui, pour la plupart, ont un indice de position sociale moyen (IPS) parmi les plus élevés. À l'inverse, les départements marqués par une forte composante ouvrière (Nord, Est, bassin parisien hors Île-de-France) ou par un fort chômage obtiennent les scores sont les plus faibles. L'étude tempère toutefois : les élèves de sixième de plusieurs départements du Massif central ont une réussite élevée au regard de leur IPS moyen, tandis que les scores dans certains départements franciliens sont faibles au regard de l'IPS. Pour la Depp, cela tient, pour ces derniers territoires, "à des inégalités économiques plus élevées" et à "une forte ségrégation scolaire".

Mais quand elle se penche sur l'orientation en seconde générale et technologique (GT), la Depp s'aperçoit que, si cette orientation dépend, elle aussi, du milieu social des élèves, le contexte géographique joue également un rôle. Dans les départements où les élèves résident majoritairement dans des communes urbaines denses ou très denses, l'orientation en seconde GT est en effet plus fréquente. Alors que dans les territoires éloignés des grandes villes, à résultats scolaires et IPS équivalents, l'orientation des élèves se fait plus souvent vers l'enseignement professionnel.

Moindre ambition

Dans le cas des communes urbaines denses ou très denses, "la diversité et la proximité des formations, notamment d'enseignement supérieur, favorisent les aspirations à des études longues", précise l'étude. Une récente publication de la Depp a d'ailleurs montré à quel point l'implantation des lycées était un fait majoritairement urbain : un peu plus de huit lycées sur dix se trouvent dans des communes urbaines et quatre lycées sur dix se situent dans une commune urbaine très dense (lire notre article du 2 mai 2023).

À l'inverse, dans les territoires éloignés des grandes villes, les collégiens et leurs parents "envisagent moins souvent des parcours d'études et d'insertion professionnelle qui impliquent de longs trajets ou des déménagements, et par conséquent des frais, et sont donc moins ambitieux dans les choix d'orientation". De plus, les lycées de ces territoires proposent plus souvent une offre de formation professionnelle ou agricole. Ainsi, quand les taux de passage en seconde GT à la rentrée 2022 étaient de 70,2% dans le Val d'Oise ou encore de 66,8% en Seine-Saint-Denis, ils n'étaient que de 54,4% dans le Cantal et de 56,1% dans l'Allier, alors que ces deux derniers départements obtiennent des scores supérieurs à ceux des deux précédents lors des évaluations de sixième.

Début 2020, le rapport de Salomé Berlioux remis au ministre de l'Éducation national constatait déjà que "les jeunes des zones rurales et des petites villes ne sont pas dans la même situation de départ face à leur avenir que les jeunes des grandes métropoles" (lire notre article du 6 mai 2020). Plus de trois ans plus tard, ce constat toujours aussi prégnant a conduit au dépôt d'une proposition de loi visant à limiter à quarante-cinq minutes la durée de trajet en transports en commun entre les lycées d'enseignement général et les communes de résidence des élèves (lire notre article du 22 février 2023).