Il tape ses bottes contre le sol luisant de la criée du Guilvinec (Finistère) pour se réchauffer. Ce lundi 16 octobre, Mickaël Guiheneuf attend le verdict de deux jours de pêche à bord du Cascadeur, un chalutier de 14 mètres. Le matelot observe mareyeurs et poissonniers ausculter ses produits. Les caisses de tacauds se négocient 25 centimes le kilogramme. Les enchères montent pour les 200 kilogrammes de langoustines. Les plus grosses s’écoulent à 22 euros le kilogramme. Les plus petites à 11.
« Voilà enfin une jolie pêche, savoure Mickaël Guiheneuf. Actuellement, une journée doit générer au moins 1 000 euros de chiffre d’affaires pour être rentable. C’est de plus en plus difficile. Sur le Cascadeur, on navigue désormais à deux au lieu de quatre pour gagner notre vie. La pêche se meurt et tout le monde s’en fout… »
Mickaël Guiheneuf parle de l’avenir de sa profession avec fatalisme. C’est le sentiment qui domine sur les quais de Bretagne, cette région qui assure la moitié de la pêche française. Au printemps, l’humeur était plutôt à la colère. Le 22 mars, 500 professionnels défilaient à Rennes pour exprimer « le ras-le-bol d’une profession en sursis ». Le rassemblement avait viré à l’affrontement avec les forces de l’ordre. Quelques jours plus tard, à Brest, le bâtiment de l’Office français de la biodiversité était pilonné de fusées de détresse avant de brûler dans la nuit. Une enquête est en cours afin de préciser le lien entre l’incendie et cette violente manifestation qui se déroulait en marge de l’opération nationale « Port mort ».
Manque de visibilité
« La profession est sous tension parce qu’elle affronte un déferlement inédit d’attaques », explique Olivier Le Nézet, président du Comité national des pêches. De son bureau dominant le port de Keroman qu’il dirige, à Lorient (Morbihan), le quinquagénaire insiste : « La pêche a besoin d’un plan Marshall, mais on ne peut évoquer l’avenir de la filière qu’après avoir stabilisé sa survie. »
Le porte-parole des pêcheurs élude les problèmes de fond qui rongent la profession depuis des années pour se concentrer sur l’urgence : le prix du carburant. Actuellement, le litre s’achète 80 centimes. Il y a quelques semaines, il tutoyait l’euro. Ces dix dernières années, les pêcheurs le payaient en moyenne 50 centimes. Selon les marins, il s’agit du prix à ne pas dépasser pour assurer la rentabilité de leurs entreprises. Un bateau comme le Cascadeur brûle 700 litres de gasoil par marée. Un vieux chalutier de 24 mètres raclant les fonds du golfe de Gascogne, une dizaine de jours durant, en engloutit plus de 27 000 litres.
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