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« Entre délocalisations, intensification et numérisation : travailler dans l’industrie automobile aujourd’hui »

Dans le cadre d’un projet de médiation scientifique du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po, diffusé en collaboration avec « Le Monde », le sociologue du travail Juan Sebastian Carbonell établit le lien entre transfert de la production à l’étranger, management par le « lean » et dégradation des conditions de travail.

Par  (Sociologue du travail)

Publié le 30 octobre 2023 à 08h00, modifié le 04 novembre 2023 à 13h01

Temps de Lecture 16 min.

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[Comment les méthodes de travail du XXIe siècle ont introduit de nouvelles pénibilités. C’est ce que Juan Sebastian Carbonell, sociologue du travail et des relations professionnelles, démontre dans cet article. Postdoctorant au Groupe d’études et de recherche permanent sur l’industrie et les salariés de l’automobile (Gerpisa), à l’Ecole normale supérieure Paris-Saclay, et chercheur associé au laboratoire Institutions et dynamiques historiques de l’économie et de la société (IDHES), il mène des recherches sur le travail, la négociation collective et le changement technologique principalement dans l’industrie automobile française. Il est l’auteur du Futur du travail (Amsterdam, 2022).]

Deux images d’Epinal se font concurrence dès qu’il est question du travail dans l’industrie automobile aujourd’hui.

D’un côté, celle héritée des « trente glorieuses » et de récits militants, qui décrivent un travail saccadé sur une chaîne de montage sale et bruyante. On y verrait un travail parcellisé, monotone et abrutissant.

De l’autre, celle des discours modernisateurs, qui mettent l’accent sur les nouvelles technologies, où les robots auraient libéré les ouvriers des tâches les plus pénibles et rendu le travail plus intéressant et épanouissant.

On trouverait donc dans les usines moins d’ouvriers spécialisés et davantage de techniciens et de conducteurs d’installations automatisées, chargés de la maintenance et de la programmation des machines.

Qu’en est-il réellement ? Le travail industriel n’est-il donc plus pénible ? Si la réalité du travail dans l’industrie n’est plus tout à fait celle des Temps modernes, de Charlie Chaplin, ou de L’Etabli, de Robert Linhart, cela ne veut pas dire pour autant que les conditions de travail se sont améliorées. Au contraire, on peut affirmer que celles-ci se dégradent sous l’effet conjugué de trois phénomènes : les menaces de délocalisation et le chantage à l’emploi, l’introduction de méthodes de travail inspirées de la lean production [la production au plus juste], et les nouvelles technologies digitales.

Le déclin de l’industrie automobile française

Rappelons au préalable l’état de l’industrie automobile dans le pays. Celle-ci continue de jouer un rôle important dans l’économie nationale : avant la crise sanitaire, le secteur représentait 50 milliards d’euros d’exportation et générait 21,4 milliards d’euros de valeur ajoutée (Myriam Fogelman et Amine Didioui, « Transformations et défis de la filière automobile », 2022).

Cependant, elle connaît un déclin prononcé en matière de production et d’emplois depuis au moins quinze années en raison d’une « restructuration permanente » (Jacky Fayolle, « Restructurations d’hier et d’aujourd’hui. Les apports d’un séminaire », 2005 ; Cédric Lomba, La Restructuration permanente de la condition ouvrière. De Cockerill à ArcelorMittal, Le Croquant, 2018), c’est-à-dire une succession de plans de licenciements, de délocalisations et de restructurations. Sa dimension permanente se retrouve notamment dans le fait que la restructuration devient un acte récurrent et ordinaire dans la vie de l’entreprise, sans nécessairement répondre à une situation de crise.

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