Pour les grandes écoles, le report des spécialités du bac a peu d'impact

Oriane Raffin Publié le
Pour les grandes écoles, le report des spécialités du bac a peu d'impact
Le report des spécialités de bac en juin n'a pas d'incidence majeure pour le calendrier des grandes écoles. // ©  DEEPOL by plainpicture/Sam Edwards
La réforme du bac à peine mise en place, le ministère de l'Éducation nationale a fait le choix de repousser la date des épreuves de spécialités. Avec des conséquences directes pour les établissements du supérieur.

"Ce n'est pas une grande surprise pour nous", confie Laurent Champaney, président de la Conférence des grandes écoles (CGE). L'annonce, fin août, par le ministre de l'Éducation nationale, Gabriel Attal, de repousser les épreuves de spécialité du bac général et technologique au mois de juin était attendue - et réclamée, notamment par les enseignants.

"C'est davantage la vitesse de l'annonce qui nous a étonnés", poursuit Laurent Champaney, alors que la décision sera effective dès le bac 2024.

Des conséquences sur la sélection des candidats

Car la décision ne sera pas sans conséquence sur les établissements du supérieur, en particulier pour les filières sélectives. Les notes des enseignements de spécialité alimentant les dossiers des candidats.

"Pour les sélectionner proprement, il était important pour nous d'avoir des résultats d'évaluations nationales, car les lycées ont tendance à mettre des notes à la hausse en contrôle continu, et nous avons constaté que les notes se resserrent", explique Laurent Champaney.

D'autant que ces dernières années, l'augmentation de la mobilité géographique entre le lycée et le post-bac a pour conséquence que les établissements du supérieur connaissent moins les habitudes de notation des lycées. "Cette évaluation était importante pour nous, mais on va faire avec", poursuit le président de la CGE.

Analyser les dossiers sans les notes du bac

Emmanuel Perrin, directeur de Polytech Lyon et responsable du groupe de travail sur la réforme du bac au sein de la CDEFI (Conférence des directeurs des écoles françaises d'ingénieurs), estime, quant à lui, que les écoles d'ingénieurs post-bac seront peu touchées par cette évolution du calendrier des épreuves de spécialités.

"Depuis la création d'APB [plateforme d'orientation ayant précédé Parcoursup de 1999 à 2017], puis son évolution vers Parcoursup, nous n'avons jamais utilisé les notes du bac. On a su mettre en place des dispositifs d'études de dossiers, d'épreuves écrites ou orales qui permettent d'analyser la capacité du jeune à réussir dans une formation post-bac d'ingénieur, sa motivation, etc.", explique-t-il.

Depuis la création d'APB, puis son évolution vers Parcoursup, nous n'avons jamais utilisé les notes du bac. (E. Perrin, Polytech Lyon)

Analyse du dossier de première et de terminale, parfois épreuves écrites et/ou entretien de motivation : les écoles d'ingénieurs disposent de différentes ressources pour leur sélection.

"L'avance des épreuves de spécialité permettait d'avoir ces notes, qui offrent une référence nationale. Cependant, dans les faits, cette note n'a été intégrée à l'étude du dossier qu'avec une pondération très faible - de 10 à 30% du total selon les établissements".

Emmanuel Perrin ne note pas de perturbation des établissements. "Je ne sens pas d'inquiétude particulière dans les écoles d'ingénieurs, explique-t-il. Elles ont plutôt confiance et ont une bonne maîtrise du dispositif de recrutement sans les notes du bac. Elles savent déjà faire. Quelle que soit l'organisation, on s'adapte !"

Pas de grosses modifications des modalités de sélection 2024

Les établissements du supérieur ne semblent pas massivement annoncer d'évolution majeure dans leur sélection.

Du côté du concours Sesame, qui concerne 15 écoles de commerce post-bac, un ajustement des épreuves a été réalisé cette année - sans lien avec le changement du calendrier du bac. "Les notes de spécialité n'ajoutent pas forcément grand-chose - nous avons déjà un profil qui se dégage avec les autres éléments, le concours et le dossier", confie-t-on au sein de la structure qui organise le concours.

Cependant, de leur côté, les sept IEP du réseau Sciences po ont annoncé, cet été, qu'ils ne prendraient plus en compte les notes du lycée et du bac. Dès 2024, l'évaluation se basera uniquement sur les trois épreuves écrites du concours commun.

L'établissement parisien a finalement décidé, quant à lui, de prendre son temps. Fin août, Sciences po Paris annonçait avoir engagé une réflexion sur d'éventuels aménagements de sa procédure d'admission au Collège universitaire (accès en 1re année post-bac), en envisageant une réintroduction éventuelle d'une épreuve écrite.

Mais, l'adaptation de la procédure d'admission nécessite du temps afin "d'en déterminer les modalités et de garantir des conditions équitables pour tous les candidats", estime Sciences po. "Pour des raisons de calendrier et parce que les modalités d’admission actuelles sont connues des lycéens qui, souvent, préparent leur candidature dès l'entrée au lycée, sa procédure d’admission ne changera pas pour la session 2024", indique ainsi l’établissement à EducPros, début octobre.

Une absence d'un référentiel national qui risque de multiplier les concours

Dans les mois et années à venir, la CGE ne peut donc pas encore estimer l'impact concret que va avoir la décision du ministère sur les établissements ou les groupes.

"Est-ce que chacun ne va pas développer un concours dans son coin ? S'il y a de plus en plus de monde, étant donné que la fenêtre temporelle pour les épreuves est relativement étroite, cela peut devenir compliqué pour les candidats, qui seront surchargés", craint Laurent Champaney.

Il compte sur de nouvelles données qui pourraient être intégrées à Parcoursup, pour éclairer davantage le profil des candidats - et réussir à les comparer à l'échelle nationale. "Le ministère nous a dit qu'il allait essayer de nous amener plus d'informations sur le positionnement des élèves dans les classes. Mais on ne connaît pas encore la nature exacte de ces informations supplémentaires", précise-t-il.

Une décision de report pourtant saluée

Malgré les ajustements à réaliser, les établissements du supérieur semblent également souligner le côté positif du report des épreuves de spécialité.

"Ce qui est certain c'est que les lycéens vont pouvoir conserver leur dynamique de travail jusqu'à la fin de l'année scolaire et que les collègues de lycée vont avoir le temps de finir leurs programmes", souligne Emmanuel Perrin.

"C'est dans l'intérêt de tout le monde que les élèves de terminale travaillent jusqu'à la fin de l'année", confirme Laurent Champaney.

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