« La semaine dernière, j’ai travaillé soixante-trois heures pour 143 euros brut, sur vingt-cinq courses. » Bastien, coursier à vélo pour Uber Eats dans la région lilloise, ne décolère pas. Pour Kylian, qui gagne mieux sa vie dans la région de Lens et Béthune, le constat est similaire. « La nuit, je gagnais entre 8 et 15 euros de l’heure. Avec les nouvelles règles, on est tombé entre 5 et 9 euros. J’ai totalement changé mon rythme de travail pour limiter la casse, je me lève à 8 heures quand avant je me couchais à 5 heures. » Fabian Tosolini, délégué national d’Union-Indépendants (affilié à la CFDT), relaie, lui aussi, des chiffres « indécents » : « Les tarifs baissent entre 10 % et 40 % par rapport à 2019. Cela va jusqu’à des courses de trois kilomètres hier à 5,50 euros et aujourd’hui à 3 euros ! »
Depuis le 10 octobre, l’entreprise Uber Eats a progressivement mis en place un nouveau modèle de tarification pour ses 65 000 livreurs, qui s’applique désormais à tout le territoire. Le Nord étant un des premiers territoires concernés, il a vu certains livreurs se mobiliser spontanément après avoir constaté une chute de leur rémunération, comme à Armentières.
Face à cette situation, la CGT-Livreurs avait appelé à se « mobiliser » le week-end du 3 au 5 novembre. Son secrétaire, Ludovic Rioux, ne souhaitait pas uniquement appeler à faire grève : « C’est compliqué à structurer sur la durée, le niveau de précarité étant tellement élevé… Mais beaucoup de villes se sont mobilisées : Epinal, Bordeaux, Mâcon [Saône-et-Loire], une grosse grève à Montpellier dimanche… »
Six accords signés
La colère est palpable car cette mise à jour intervient en parallèle de l’émergence d’un dialogue social, censé améliorer les conditions de travail des travailleurs des plates-formes (livreurs à vélo et chauffeurs de VTC), ces autoentrepreneurs payés à la prestation, réglant eux-mêmes leurs charges, mais dépendants des décisions des plates-formes. Pour régler ces problèmes, l’Autorité des relations sociales des plates-formes d’emploi (ARPE), un établissement public sur mesure, est née en 2021.
Elle a accouché de six accords. En janvier, pour les VTC, un revenu minimum par trajet a été fixé à 7,65 euros net sur toutes les applications. Au printemps, l’Association des plates-formes d’indépendants, seule organisation patronale et la Fédération nationale des autoentrepreneurs (FNAE), la plus importante des quatre organisations représentatives des livreurs à vélo, ont signé un accord promettant un salaire minimum horaire de 11,75 euros brut pour les coursiers, en sachant qu’ils ne sont payés que sur le temps de commande.
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