Le sujet s’est imposé dès le retour des vacances d’été. « La rentrée n’a pas été sereine : avec les collègues, on ne parlait quasiment que du pacte », soupire Stéphanie, enseignante parisienne qui, comme tous les fonctionnaires cités, a requis un strict anonymat. Le pacte enseignant n’est plus seulement le projet politique dont les professeurs ont cherché pendant des mois à saisir les contours en échangeant des publications syndicales, des articles de journaux ou des diaporamas ministériels. Il se matérialise désormais dans chaque établissement scolaire sous forme d’enveloppes à répartir entre les enseignants volontaires pour rémunérer un éventail de missions supplémentaires, telles que les remplacements de courte durée, la nouvelle heure de soutien en français ou en mathématiques en 6e, les stages de remise à niveau pendant les vacances scolaires, l’accompagnement des élèves décrocheurs en lycée professionnel ou encore la conduite de « projets innovants »…
Tous les enseignants doivent ainsi décider s’ils souhaitent signer pour une ou plusieurs « briques » de pacte, dont chacune les engage à assurer entre dix-huit et vingt-quatre heures annuelles par mission pour 1 130 euros net. Une source de tiraillements individuels et collectifs pour une profession dont tous les représentants syndicaux rejettent la philosophie, mais qui doit aussi composer avec l’effondrement de son pouvoir d’achat depuis vingt ans, et la conscience que plusieurs dispositifs annoncés pour les élèves en cette rentrée dépendent entièrement de sa participation au pacte, notamment en lycée professionnel.
Combien ont tranché dans un sens ou dans l’autre ? Deux mois après la rentrée, qui marque l’entrée en vigueur de la mesure dont les détails ont été annoncés par Emmanuel Macron en avril, la question reste en suspens dans de nombreuses équipes, où le sujet est souvent décrit comme « clivant » parmi les centaines de témoignages reçus par Le Monde. « Tout se décide de manière assez opaque entre les enseignants pris individuellement et la direction, raconte Delphine, enseignante en collège dans le Nord. On n’ose pas vraiment en parler entre nous, certains se sentent obligés de se justifier d’avoir signé… Ça crée une ambiance pesante en salle des profs. »
« Payé pour ce qu’il faisait déjà »
Au niveau national, le ministre de l’éducation, Gabriel Attal, a évoqué début octobre « un quart » d’enseignants volontaires dans le public. De son côté, la Rue de Grenelle avance une proportion d’un quart à la fin octobre, mais public et privé sous contrat confondus, sans préciser si le taux de volontaires diffère entre les deux. Selon les déclarations de M. Attal au Sénat mercredi 8 novembre, les signataires sont 45 % en lycée professionnel, 37 % en collège, 32 % en lycée général, et moins de 17 % en primaire. Le ministère n’indique pas, en revanche, le volume de l’enveloppe totale de pactes qui a trouvé preneur.
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