"Épuisés", "stressés", peu soutenus : 15% des lycéens présentent des signes de burn-out, selon une étude

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"Épuisés", "stressés", peu soutenus : 15% des lycéens présentent des signes de burn-out, selon une étude

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La chercheuse en psychologie Aline Vansoeterstede a repéré les signes du burn-out chez 15% des adolescents qu'elle a rencontrés pour sa thèse
La chercheuse en psychologie Aline Vansoeterstede a repéré les signes du burn-out chez 15% des adolescents qu'elle a rencontrés pour sa thèse
© Getty - Carol Yepes

Le Conseil national d'études des systèmes scolaires organise mardi et mercredi une conférence sur le bien-être à l'école, avec des comparaisons internationales. La France, qui se distingue par une forte pression sur les élèves, n'est pas bien placée en la matière.

Épuisement, manque de motivation, perte de sens... Tels sont les signes qui permettent d'identifier un burn-out. Dans une thèse intitulée "Ta vie au lycée" et pour laquelle elle a enquêté en 2021-2022 auprès de 500 lycéens à travers la France, la chercheuse en psychologie Aline Vansoeterstede a repéré ces signes chez 15 % des adolescents. "Ils sont nettement plus épuisés que la moyenne, et nettement moins engagés", observe-t-elle. "Ils ont un sentiment de lassitude permanent. Ils se sentent fatigués dès le début de la journée, ils n'ont pas d'énergie et ont des difficultés à se concentrer dans leur travail."

"Ils ressentent très peu de soutien"

Ces mêmes élèves ont tendance à se coucher plus tard que les autres, s'assoient au fond de la classe, sont plus souvent absents. "Ils déclarent être stressés par tout ce qui se passe à l'école", poursuit la doctorante au Laboratoire de Psychopathologie et Processus de Santé de l'Université Paris Cité. "Ils ressentent très peu de soutien à la fois de leurs parents, de leurs enseignants, mais aussi de leurs camarades, ce qui pose la question de savoir s'ils ne sont pas potentiellement victimes de harcèlement à l'école."

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Leurs stratégies, pour faire face au stress sont par ailleurs "plutôt dysfonctionnelles", selon Aline Vansoeterstede, et se traduisent souvent par la consommation de substances psychoactives, dans une proportion plus importante que les autres jeunes. "Paradoxalement, ils ont de l'ambition scolaire. Quand on leur demande ce qu'ils veulent faire plus tard, en tout cas chez les bacs généraux, ils veulent en majorité aller jusqu'à bac +5, mais ne savent pas quoi faire. Ils sont probablement perturbés dans leur projection et sûrement un peu inhibés", souligne la chercheuse.

Les "désengagés"

Un autre profil a attiré l'attention de la chercheuse : ceux qui ne voient pas l'intérêt de l'école, et qu'elle appelle les "désengagés". Ils sont 17 %. "L'école n'a pas beaucoup de sens pour eux", précise Aline Vansoeterstede. "Par contre, ils ne sont pas du tout épuisés, ils ne sont pas stressés. Quand on voit ce profil-là, on se dit : ils ne prennent pas beaucoup de plaisir dans ce qu'ils font, ils n'éprouvent pas beaucoup de satisfaction dans leur travail. Ces élèves-là ne 'matchent' pas bien avec l'école. Cela ne veut pas forcément dire qu'ils ne réussissent pas du tout. Mais ils sont là parce qu'il le faut."

"Si on prend 'les désengagés' et 'les burn-out'", analyse la chercheuse en psychologie, "cela veut dire qu'on a un peu plus de 30% des élèves qui sont à risque de décrochage et qui ne sont pas épanouis dans leur travail et à l'école". La France ne possède pas d'indicateurs de suivi de la santé psychologique à l'école au niveau national. "On aurait besoin de cela", juge-t-elle. "On pourrait mesurer la qualité de vie, le bien-être à l'école, mais aussi le burn-out, le stress des élèves, avec des mesures fiables. Ce serait une source importante d'enseignements."

Pour la chercheuse, le burn-out est lié à une organisation de travail. "Dans un lycée, il peut y avoir plus ou moins de soutien de la part des équipes. Il peut aussi y avoir des espaces informels où on peut parler ensemble. Tout cela joue sur le vécu des élèves et ce serait intéressant de pouvoir comparer d'un établissement à l'autre, s'il y a différences significatives. Cela nous aiderait à savoir ce que l'on peut mettre en place pour que les élèves aient un meilleur vécu psychologique de leur passage au lycée."

Davantage de temps pour parler avec les professeurs

Aline Vansoeterstede a mené des entretiens qualitatifs avec des élèves, à l'issue desquels elle leur a demandé ce qu'il faudrait améliorer pour qu'ils se sentent mieux. Et quasiment tous, même ceux qui vont très bien, ont répondu qu'ils auraient besoin de plus de temps pour parler avec leurs professeurs, en dehors des cours, parler de leur ressenti, de ce qui ne va pas, du stress, de la pression pour la préparation des examens.

Selon la chercheuse, la réforme du lycée, Parcoursup et la pression du contrôle continu ont rendu les élèves beaucoup plus anxieux. "On n'a pas une très bonne qualité de vie à l'école en France", estime-t-elle. "La manière dont a été mise en place la réforme du lycée a été assez maltraitante, parce que la stratégie de lancer les choses et d'adapter au fur et à mesure, cela malmène les gens et cela peut mener au burn-out, qui est un précurseur de la dépression."

Elle préconise d'instaurer des temps formels ou informels, des espaces pour que les élèves puissent rencontrer leurs enseignants. "Un autre moyen d'agir", ajoute-t-elle, "serait de former les professeurs sur le stress et leur apprendre comment favoriser en classe une bonne adaptation des élèves pour les aider à mettre en place des stratégies pour y faire face. Planifier son travail par exemple, plutôt que fumer du cannabis !"

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