L'école inclusive peut mieux faire, selon un rapport parlementaire

Un rapport parlementaire dresse un bilan positif en termes quantitatifs de l'école inclusive, mais beaucoup plus mitigé en termes qualitatifs. Il invite à sortir de la logique centrée sur le seul accompagnement humain, dont les limites sont par ailleurs soulignées.

Si l'école inclusive a fait de grands progrès ces dernières années, en particulier à travers la progression importante du nombre d'enfants scolarisés en milieu ordinaire, ses limites sont encore nombreuses, nous disent les députés Servane Hugues et Alexandre Portier dans leur rapport d'information sur l'instruction des enfants en situation de handicap, publié le 14 novembre 2023.

À l'origine de la forte impulsion en faveur de l'école inclusive se trouve la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Pour les rapporteurs, ce texte "traduit une volonté politique forte en faveur de la scolarisation inclusive". De fait, de 2004 à 2021, la scolarisation des élèves en situation de handicap est passée de 210.979 à 475.978 enfants. Une progression, qui est le fait de l'accueil en milieu ordinaire, qui s'est notamment traduite par une hausse de 8,4% du nombre d'élèves scolarisés dans le second degré entre 2021-2022 et 2022-2023.

Faible nombre d'heures

Mais, tempèrent aussitôt les auteurs du rapport, "ces chiffres ne doivent pas occulter l'absence de statistiques relatives au nombre d'heures de scolarisation effectivement suivies par les enfants". Lors des auditions de la mission d'information, le Collectif handicaps a ainsi relevé que certains jeunes n'étaient scolarisés que trente minutes par semaine, tandis qu'une enquête de l'Unapei (Union nationale des associations de parents d'enfants inadaptés) réalisée à la rentrée 2023 auprès d'un échantillon de 2.103 enfants accompagnés par ses antennes dans six régions montre que
- 25% d'entre eux n'ont aucune heure de scolarisation,
- 28% suivent une scolarité entre 0 et 6 heures par semaine,
- 22% entre 6 heures et 12 heures par semaine
- et 27% bénéficient de plus de 12 heures sur la semaine.
Par ailleurs, souligne le rapport, "un flou subsiste sur le nombre d'enfants non scolarisés". 

À l'origine de cette augmentation du nombre d'enfants scolarisés en milieu ordinaire, on trouve la création des MDPH (maisons départementales pour les personnes handicapées) qui "a permis d'offrir aux parents d'enfants en situation de handicap un guichet unique vers lequel se tourner". Ce sont notamment elles qui instruisent les demandes d'accompagnement par un AESH (accompagnant d'élève en situation de handicap) dans le cadre d'une scolarisation en milieu ordinaire, solution qui a été "privilégiée". En 2021-2022, 56% des élèves en situation de handicap scolarisés bénéficiaient d'un AESH. Parallèlement, les dispositifs de scolarisation en établissement médicosocial ont été maintenus.

Disparités territoriales

Malgré ces avancées, Marie-Pierre Toubhans, présidente de la commission éducation du Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), a estimé devant la mission d'information que "les dispositifs restent illisibles pour les parents". Et même, "une fois les démarches accomplies, la mise en œuvre des droits n'est pas toujours effective", avancent les rapporteurs.

Parmi les obstacles, certains ont dénoncé le repérage du trouble qui s'effectue à l'école après plusieurs années durant lesquelles le handicap s'est aggravé. D'autres ont pointé des décisions tardives de certaines MDPH. La CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) met en avant de grandes disparités selon les territoires : un délai de huit mois dans la métropole de Lyon et à La Réunion au premier trimestre 2023, contre 1,4 mois en Corse. Et alors que les décisions des MDPH d'affecter un AESH peuvent intervenir en cours d'année scolaire, certaines académies refusent d'honorer une notification au motif que le budget alloué aux AESH est calculé en début d'année scolaire. De plus, il s'agit d'une démarche répétitive, obligeant souvent les parents à redéposer un dossier tous les ans.

Si la compétence des acteurs impliqués est largement louée, le rapport fait état de "disparités territoriales" : "Le fonctionnement décentralisé des MDPH, la gestion des établissements scolaires ou médicosociaux relevant de compétences de plusieurs collectivités territoriales, favorisent des traitements différenciés." Selon le Collectif handicaps, "les familles sont très peu entendues : les MDPH et l'Éducation nationale organisent la scolarisation de l'élève en fonction de l'offre sur le territoire et non en fonction des besoins de l'enfant". Dans le même ordre d'idées, le nombre d'heures d'accompagnement accordées aux élèves peut être "conditionné par le personnel d'AESH disponible".

Les AESH hostiles à l'accompagnement périscolaire

Le rapport rappelle en outre les limites du recours aux AESH – qui "ne stimulent pas l'autonomie de l'élève" – ainsi que celles de leur organisation. Les auditions ont montré que des AESH devaient s'occuper de sept à huit élèves, ne suivaient pas toujours leurs élèves toute l'année, ou encore qu'un enfant pouvait être accompagné par plusieurs AESH différents selon les matières et en changer tous les mois.

À cela vient se greffer la question de la pause méridienne. Les collectifs d'AESH se disent hostiles à tout accompagnement périscolaire, au mépris de la loi qui dispose qu'ils "sont recrutés pour exercer des fonctions d'aide à l'inclusion scolaire de ces élèves, y compris en dehors du temps scolaire". En pratique, leur présence périscolaire est très diverse sur le territoire, étant donné que lorsque les enfants sont pris en charge, les dépenses sont à la charge des collectivités territoriales.

Face à ces difficultés, le rapport constate que "le dispositif d'instruction en famille (IEF) se révèle le choix par défaut pour nombre de parents dont les enfants ne peuvent être scolarisés", même si la réforme récente de ce dispositif a compliqué la tâche des familles.

Alors que la loi de février 2005 s'articulait autour de deux volets – la compensation et l'accessibilité – "force est de constater qu'un déséquilibre s'est installé au détriment du volet accessibilité", souligne le rapport. Dès lors, il demande de repenser l'environnement scolaire, à travers un bâti accessible, un transport scolaire inclusif et du matériel pédagogique adapté. Il prône également la revitalisation des réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté (Rased). Mais aussi, plus largement, une scolarisation adaptée au besoin de l'enfant et non l'inverse, qui intégrerait par exemple la possibilité de faire "des allers-retours entre des classes ordinaires et des univers plus confinés offrant des instants de repli".