« A chaque fois que je veux poser des jours de télétravail, c’est la même histoire, s’agace Laurent, cadre commercial, atteint de cécité après un glaucome. Le logiciel étant inaccessible aux personnes non voyantes, je suis obligé de demander à un collègue d’imprimer, de remplir et de signer le formulaire à ma place, avant de transmettre ma demande par courrier interne au service RH, ce qui me complique considérablement la tâche. »
Le cas de Laurent est loin d’être anecdotique. Nombreux sont les salariés en situation de handicap qui, comme lui, rencontrent des difficultés dans l’utilisation des services en ligne proposés par leur employeur. Depuis 2005, il existe pourtant une obligation légale de faire en sorte que tout un chacun puisse bénéficier des avantages de la révolution numérique, tant dans la vie quotidienne que professionnelle. Mais la plupart des sites et des outils numériques des entreprises comme des acteurs publics ne sont pas pensés pour être compatibles avec les aides techniques dont ont besoin les salariés handicapés.
• La loi du 11 février 2005 introduit l’obligation d’accessibilité des services en ligne des organismes publics.
• Le décret du 24 juillet 2019 fixe aux organismes publics, de même qu’aux entreprises dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 250 millions d’euros, une obligation d’affichage de l’accessibilité des services en ligne (sanction de 25 000 euros).
• L’ordonnance du 6 septembre 2023 renforce les sanctions (50 000 euros en plus de l’amende précédente).
- La loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique réaffirme les obligations d’accessibilité, notamment pour les personnes handicapées.
• La loi du 9 mars 2023 et le décret du 9 octobre 2023 sur l’obligation d’accessibilité des produits et services s’appliquent aux organismes publics et aux entreprises privées ayant un chiffre d’affaires annuel de plus de 2 millions d’euros et employant plus de 10 personnes, qui doivent se mettre en règle d’ici au 28 juin 2025 (7 500 euros d’amende pour la structure et 1 500 euros par produit ou service concerné).
Coût des mises en conformité, rareté des contrôles et encore plus des amendes : les raisons pour ne rien faire ne manquent pas. Selon l’observatoire de la Fédération des aveugles de France, seuls 17 des 2 006 sites récemment vérifiés (soit moins de 1 %) respectent l’ensemble des 106 critères techniques définis par le référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA), créé en 2009 puis modelé au fil des ans et des évolutions technologiques. La législation concernant l’accessibilité numérique évolue, mais certaines associations d’aide et de soutien aux personnes en situation de handicap doutent que les sanctions soient réellement appliquées…
Entretiens d’embauche
Malgré tout, les choses commencent − timidement − à bouger, d’autant que les entreprises prennent conscience qu’être accessibles numériquement est bon pour leur image et permet d’attirer les jeunes talents. Certaines d’entre elles essaient ainsi de faciliter les démarches numériques des salariés handicapés souhaitant postuler à un emploi. Au sein du groupe industriel énergétique Engie, qui compte dans ses effectifs quelque 3 000 personnes dans cette situation, le site dévolu à l’emploi a fait l’objet de plusieurs ajustements, afin d’être le plus accessible possible. Comme l’explique Renata Spada, chargée de la diversité, de l’équité et de l’inclusion au sein du groupe, cela va de « l’amélioration des contrastes, de la luminosité et des couleurs pour les personnes malvoyantes à des mises à jour spécifiques permettant de prendre en compte les technologies d’assistance, comme les outils de synthèse vocale ».
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