A quoi sert le lycée professionnel ? Cette question d’apparence anodine est loin de faire consensus. Deux finalités lui sont assignées : l’insertion professionnelle et la poursuite d’études. Depuis près de vingt ans, les gouvernements qui se succèdent tentent de trouver la bonne formule pour l’enseignement professionnel, qui a permis que plus de 80 % d’une classe d’âge soit titulaire du baccalauréat et regroupe près d’un tiers des lycéens. Les réformes se sont empilées, essorant un corps enseignant ballotté entre les injonctions contradictoires.
Depuis 2022, Emmanuel Macron, lui-même, porte une réforme d’ampleur de la voie pro, majoritairement tournée vers l’emploi, détricotant peu ou prou celle conduite par le ministre de l’éducation nationale de son premier quinquennat, Jean-Michel Blanquer. L’objectif initial d’augmenter de 50 % le volume des stages se heurte à l’opposition unanime des syndicats d’enseignants de la filière.
La nouvelle organisation de l’année de terminale, présentée par la ministre déléguée Carole Grandjean mercredi 22 novembre, prévoit finalement une augmentation de huit à douze semaines uniquement pour les élèves qui se destinent à entrer sur le marché du travail. Une ligne rouge est néanmoins franchie pour une intersyndicale portée par les syndicats majoritaires Snetaa-FO et Snuep-FSU qui appellent à la grève le 12 décembre. Ils voient dans les aménagements apportés « une casse du lycée professionnel alors que les élèves ont besoin de plus et de mieux d’école », selon les mots de la responsable du Snuep-FSU, Sigrid Gérardin.
Insertion professionnelle ou poursuite d’études ? Le lycée professionnel peine aujourd’hui à réussir sur les deux tableaux. Un an après l’obtention de leur diplôme, une moitié seulement des bacheliers professionnels a un emploi. Dans le même temps, seule la moitié des lycéens qui poursuivent en BTS l’obtiennent en deux ou trois ans. Cette double ambition tient, il est vrai, parfois du grand écart au vu de la fragilité sociale et scolaire du public accueilli et de l’orientation plus souvent subie que choisie. Plus de 40 % des élèves ne maîtrisent pas les attendus en français à l’entrée en 2de, presque 70 % pour les mathématiques. Face à ce constat, la lutte contre le décrochage s’est peu à peu imposée comme un troisième enjeu pour les lycées professionnels.
« Quel citoyen forme-t-on ? »
Mais ces chiffres cachent de grandes disparités entre les filières et les territoires. Le lycée professionnel est plus divers qu’il n’y paraît. On compte une centaine de spécialités qui n’attirent pas les mêmes publics et n’offrent pas les mêmes perspectives. La réussite au bac peut varier de 65 % à près de 100 %, de même pour l’insertion professionnelle. Au sein d’un même lycée, ces différences peuvent être éclatantes. « Il peut y avoir des établissements où la filière hôtellerie-restauration est très prestigieuse, celle en économie-gestion en difficulté et celle liée aux métiers de la sécurité en pleine émergence », relate Vincent Troger, maître de conférences honoraire en sciences de l’éducation.
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