Lycées professionnels : le gouvernement redessine l'année de terminale
La ministre chargée des lycées professionnels, Carole Grandjean, a dévoilé ce mercredi sa réforme de l'année de terminale. Les parcours seront modulaires, selon les projets des élèves.
Cette fois, c'est officiel. L'année de terminale du bac professionnel sera bien modulaire, dans l'esprit des annonces faites par le président de la République en mai dernier . « En terminale, nous proposerons des parcours différenciés aux élèves selon leur projet », indique la ministre déléguée à l'Enseignement et la Formation professionnels, Carole Grandjean, dans une interview au « Monde ».
Pour les élèves qui sont aujourd'hui en classe de première, le calendrier de l'année de terminale va être réorganisé en deux blocs. Le premier, de 30 semaines, sera commun à tous : il sera composé de 22 semaines de cours, de 6 semaines de périodes de formation en milieu professionnel (contre 8 semaines aujourd'hui) et de 2 semaines d'examen.
Les stages, un « pré-recrutement »
Le deuxième bloc sera constitué de 6 semaines, de fin mai à début juillet. Il sera différent selon le projet des élèves. Ceux qui veulent poursuivre leurs études auront 6 semaines de cours et de préparation à l'enseignement supérieur. Tandis que ceux qui choisiront de travailler après le bac s'engageront à faire 6 semaines de stage supplémentaires.
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Ces stages sont, pour Carole Grandjean, « un tremplin ». Ils visent au « pré-recrutement », indiquent des proviseurs de lycées professionnels auxquels la réforme a été présentée ce mercredi. La ministre veut que ces stages se fassent dans des entreprises qui recrutent. La réforme se déroule dans un contexte de pénurie de main-d'oeuvre qui fait craindre à certains syndicats que les lycéens ne soient poussés vers les entreprises à cette seule fin. Une intersyndicale a appelé à la grève le 12 décembre pour demander le retrait de la réforme.
D'autres syndicats, à l'instar du Sgen-CFDT, regrettent son caractère « précipité », mais se félicitent d'avoir obtenu gain de cause sur le maintien d'une alternance entre cours et périodes de stages, car celles-ci seront à la main des établissements, comme c'est le cas aujourd'hui. Initialement, la ministre avait préconisé un stage en un seul bloc, de 12 semaines. Sylvie Perron, secrétaire nationale au Sgen-CFDT, alerte toutefois sur le risque d'inégalités selon les territoires, car il n'est déjà pas facile, en certains endroits, de trouver 6 semaines de stage.
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De manière générale, les syndicats redoutent que les élèves choisissent la voie de l'insertion professionnelle pour percevoir la gratification de 100 euros par semaine promise par le gouvernement. Y compris ceux qui se destineraient à l'enseignement supérieur, et qui n'assisteraient donc pas aux cours intensifs conçus pour eux.
Plus d'heures disciplinaires… à moyens constants
L'autre axe de la réforme porte sur les enseignements fondamentaux, notamment le français et les mathématiques. La ministre assure qu'ils seront augmentés de 10 % en terminale. Mais cela se fera à moyens constants, en rognant sur l'accompagnement personnalisé, le « chef-d'oeuvre » et la co-intervention… qui étaient trois piliers de la réforme Blanquer.
La « transformation de la voie professionnelle » menée par l'ex-ministre de l'Education nationale a quasiment disparu des discours de l'exécutif. La co-intervention disparaîtra en classe de terminale. Les heures d'accompagnement personnalisé seront réduites pour ne garder que celles consacrées au volet de l'orientation. Quant au « chef-d'oeuvre », il ne sera plus obligatoire et devrait être remplacé par un oral allégé.
Des épreuves en mai, et non en mars
Les élèves présenteront cet oral, de même que l'épreuve de Prévention santé environnement (PSE) fin juin. Toutes les autres épreuves du bac se dérouleront en mai, et non en mars comme prévu initialement. Malgré tout, « la crainte de ce nouveau calendrier, ce sont les conséquences sur les autres niveaux avec un risque d'absentéisme », alerte Valérie Kroës, du syndicat ID-FO.
Carole Grandjean a rappelé à l'ordre les proviseurs sur les responsables des bureaux des entreprises qui doivent être dédiés aux relations avec ces dernières et non pas à des tâches administratives. Pour la ministre, ce sont les piliers de la réforme. Les proviseurs, eux, répondent qu'ils font avec les moyens du bord et le manque de personnels…
La crainte des reconversions
Un autre volet de la réforme des lycées professionnels arrivera en janvier avec la nouvelle carte des formations. « Il ne faut pas garder » une formation « ni ni » , qui ne débouche ni sur l'emploi ni sur un bon taux d'accès à l'Enseignement supérieur, avait insisté Emmanuel Macron en mai. « On a environ 15 % de nos formations qui doivent être repensées ou réformées , et évoluer pour mieux correspondre aux besoins », avait ajouté le chef de l'Etat en septembre.
Mais sur la réforme de cette carte, « le dossier n'avance pas, on n'arrive pas à savoir ce qui se prépare », déplore Jérôme Fournier, du SE-Unsa.
Marie-Christine Corbier