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Mieux gérer les déchets fait partie des solutions pour réduire son impact carbone, en particulier avec le recyclage. Les professionnels de la propreté interviennent déjà dans ce domaine avec des prestations comme la prise en charge des corbeilles et l'évacuation des conteneurs. Avec le renforcement des contraintes réglementaires, ils doivent aller plus loin en proposant des offres intégrées pour gérer et réduire les déchets chez leurs clients. Retour sur la dernière émission de consacrée à ce sujet.

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La gestion des déchets était au programme de l’émission Services le Live du 27 juin dernier. C’est à la fois un enjeu réglementaire mais aussi économique et environnemental. Les entreprises de propreté y sont déjà largement impliquées mais leur rôle va prendre de l’ampleur dans les années à venir. Comment se préparer à la loi Agec et faire des contraintes réglementaires un atout différenciant ? Quelles solutions pour réduire, trier et recycler les déchets ? Quelles nouvelles offres développer ? Les quatre intervenants présents lors du débat ont tenté de répondre à ces questions.

Votée en 2020, la loi antigaspillage vise à réduire la production de déchets, favoriser le réemploi et la valorisation. « La réglementation a fortement évolué ces dernières années en faveur du tri des déchets et de la réduction de l’impact environnemental, affirme Alexandre Maltot, expert métier « gestion des déchets » au sein du groupe Onet. Les objectifs de la loi Agec sont multiples : supprimer le plastique à usage unique, valoriser les biodéchets, favoriser le réemploi solidaire, mieux produire. »

De nombreux textes réglementaires

La loi Agec concerne tous les industriels, fournisseurs des entreprises de propreté. « Elle prévoit la fin du plastique à usage unique pour 2040 et une réduction de 20 % des emballages plastiques dès 2025, souligne Joséphine Copigneaux, responsable marketing chez Werner & Mertz Professional. Un autre challenge à relever arrive en France, c’est l’écotaxe sur tous les déchets professionnels au 1er janvier 2025, qui va impacter les coûts. » La réglementation sur les déchets se joue aussi au niveau européen, notamment avec la directive Single Use Plastic.

Un autre texte important pour la gestion des déchets est le décret 5 flux (publié en 2016) qui est devenu en 2021 le décret 7 flux : papier / carton, plastique, métal, verre, bois, textile, fraction minérale et plâtre. Il impose aux producteurs et détenteurs de déchets de trier à la source.

« Une meilleur gestion des déchets fait partie des demandes fortes des entreprises de propreté et des utilisateurs finaux », Sebastien Daleyden -TORK

« Les entreprises ne répondant pas à la réglementation peuvent encourir des amendes : 15 000 € en cas de non-respect du tri à la source par exemple, 75 000 € en cas de manquement à la traçabilité », indique Alexandre Maltot. D’autres types de « sanctions » sont possibles en termes d’image ou de remise en cause des certifications environnementales.

« Il existe une plateforme baptisée Track Déchets lancée par le ministère de la Transition écologique qui permet à tous, des producteurs de déchets aux filières de recyclage, de remplir un bordereau de suivi de déchets (BSD) pour noter les différents types et les quantités », ajoute Laure Babilliot, assistante RSE de L’Oiseau Blanc. L’entreprise de propreté francilienne, qui emploie 250 salariés, se doit de faire une veille réglementaire sur tous ces sujets.

Les efforts des fabricants

Les fabricants du secteur hygiène et propreté ont eux aussi pris des mesures en termes de gestion des déchets. Essity, spécialiste des produits d’hygiène et de santé, a établi le projet Net Zéro 2050 (objectif interne de parvenir à zéro émission). « Nous souhaitons mettre en place un mode circulaire partout. Nos productions utilisent en partie des déchets (briques alimentaires, vieux papiers, essuie-mains usagés), explique Sébastien Daleyden, responsable des ventes France santé et industrie pour Tork. 75 % de nos sites réemploient des déchets mais nous avons un objectif de zéro déchet d’ici à 2030. »

Tork travaille également sur les emballages recyclés et recyclables, avec l’utilisation de la canne à sucre pour le film plastique ou d’amidon de maïs pour des chiffons non tissés. Il conçoit des systèmes pour réduire la quantité de déchets (exemple : papier toilette en feuille à feuille). « Sur la fin de vie, certains de nos produits sont compostables et d’autres peuvent être récupérés », précise Sébastien Daleyden.

Depuis dix ans, Werner & Mertz a choisi de sortir de l’industrie linéaire au niveau de son site de production en Allemagne. « Avec l’écolabel européen, tout le monde a commencé à faire des efforts en matière de réduction des déchets, souligne Joséphine Copigneaux. Puis nous avons découvert la démarche d’économie circulaire Cradle to Cradle et la conception écodesign qui a modifié notre approche de la production. Nous pouvons analyser en amont les éléments constitutifs d’un produit. D’un déchet, il est possible de faire une nouvelle ressource. Nous appliquons cette philosophie à toute l’entreprise. » Le fabricant conçoit les produits avec des matières qui peuvent être renouvelées ou recyclées. Tous ses emballages sont en matières recyclables. L’objectif est d’avoir le moins d’impact carbone pour l’ensemble du fonctionnement de l’entreprise, au niveau des déchets mais aussi de l’eau.

Au niveau de l’entreprise

Pour gérer au mieux ses déchets, Onet met en place le tri sélectif par apport volontaire au niveau de son siège social et de chacune des agences. Objectif : répondre au décret 7 flux et à Track Déchets pour la partie des déchets dangereux. « Nous avons plusieurs partenaires pour gérer la collecte, des éco-organismes, des prestataires issus de l’économie sociale et solidaire et les principaux acteurs du secteur », ajoute Alexandre Maltot. Prodim propose la récupération des autolaveuses ou des monobrosses pour les reconditionner et les remettre sur le marché. L’ensemble des fabricants de machines travaillent sur des solutions pour limiter la production de matériels neufs ou pour accroître la part des matériaux recyclés. « Nous challengeons aussi nos fournisseurs pour qu’ils développent des produits éco-conçus », poursuit-il. Concernant la traçabilité, chaque agence a un référent QSE et chaque région un responsable QSE par région pour suivre les différents déchets.

« Pour chaque site, nous construisons un ensemeble de solutions pour aider le client à réduire et gérer les déchets. », Joséphine Copigneaux - WERNER & MERTZ

L’Oiseau Blanc, installé à Suresnes, a noué un partenariat avec une entreprise adaptée basée à Nanterre, qui s’appelle Triethic et qui a installé des bornes en carton recyclé pour collecter papier, carton, bouteilles en plastique, canettes, capsules de café… mais aussi les EPI, casques, etc. « Grâce à ses partenaires, l’entreprise fait le pesage, le surtri et l’envoi vers les filières de recyclage et de revalorisation, indique Laure Babilliot. Il est possible d’avoir aussi les quantités de déchets qui vont être réutilisés. » C’est une réelle philosophie de L’Oiseau Blanc qui souhaite favoriser l’emploi local. Elle sensibilise ses salariés aussi par le biais d’affichage.

Chez les clients

Le rôle des partenaires du secteur est aussi d’accompagner les entreprises de propreté. Tork propose des systèmes de distribution qui permettent de réduire les consommations (distribution feuille-à-feuille, pièces détachées pour réparer les distributeurs). L’entreprise a également imaginé une solution pour réutiliser les essuie-mains usagés. « Sur les sites clients, les entreprises de propreté collectent les essuie-mains qui sont ensuite mis en ballots par nos partenaires spécialisés dans la gestion des déchets, puis envoyés au site d’Hondouville pour être réemployés dans la fabrication de papiers toilette, précise Sébastien Daleyden.

L’essuie-mains étant très volumineux, il était impératif de trouver des solutions de compactage pour diminuer le volume à transporter. » L’industriel dispose de différents sites industriels répartis en Europe sur lesquels il peut appuyer sa logistique. Tork Paper Circle est déployé sur une cinquantaine de sites. Pour l’essuyage, l’objectif de l’industriel est d’utiliser le moins de pâte à papier vierge, qui est, dans ce cas, certifiée FSC ou PEFC. Côté savon, il a aussi conçu des solutions qui permettent de consommer moins d’eau.

« Avec notre dispositif de tri et nos outils de traçabilité, il est possible de maîtriser en temps réel le budget déchets d'un site. », Alexandre Maltot - ONET

Werner & Mertz accompagne ses clients à réduire les déchets et à gérer au mieux ces coûts. « Beaucoup d’entreprises de propreté utilisent encore des solutions prêtes à l’emploi, en sprays souvent », souligne Joséphine Copigneaux. Pour 1 000 litres de sprays prêts à l’usage, 100 kg de déchets plastiques sont générés. Utiliser des produits concentrés est la première action à mener. Pour faciliter ce changement d’habitude, le fabricant propose un système de dosage intégré au spray (avec deux cartouches et une tête de spray réutilisable) - qui réduit de 80 % les déchets plastiques - ainsi que l’installation de centrales de dilution. « Pour 1 000 litres de solution, les centrales de dilution permettent de passer à 20 bidons de 5 litres, quantité qui peut encore diminuer en utilisant des poches », note Joséphine Copigneaux. Werner & Mertz travaille beaucoup sur l’écoconception et a intégré, dans son usine, le fournisseur d’emballages.

Réemploi des contenants plastiques

Onet a choisi de mettre en place dès 2018 une solution intégrée baptisée Biogistic. « Cela nous a permis de réduire de 30 % les déchets plastiques, soit environ 20 tonnes par an », précise Alexandre Maltot. Biogistic fait appel à des produits écolabellisés qui ont donc un impact moindre en termes de rejets sur les effluents. Ultraconcentrés et associés à une centrale de dilution, ils permettent de limiter la consommation de plastique : trois bidons de 25 litres génèrent 20 000 litres de solutions actives. L’ensemble des bouteilles utilisées sont récupérées et réemployées. « Nous sommes dans une approche d’économie circulaire, ajoute-t-il. Pour les petits sites, les produits sont préparés au sein de nos agences et livrés par les responsables de secteur qui vont aussi rapporter les bidons vides. Et nous équipons les sites de plus grande taille de centrales de dilution. » La grande majorité des sites Onet ont opté pour cette organisation.

Concernant l’utilisation des bidons, L’Oiseau Blanc applique une nouvelle organisation en partenariat avec son fournisseur historique de produits d’entretien. « Les bidons vides, rapportés par nos responsables de secteur au siège de l’entreprise, sont repris par le fabricant à chaque livraison, explique Laure Babilliot. Sur chaque site, les bidons vides sont échangés avec les bidons pleins. » D’autres partenariats sont mis en place. Quand l’entreprise effectue des prestations de débarras, elle travaille avec une ressourcerie locale pour donner une seconde vie à certains objets. « Ce sont de toutes nouvelles habitudes à mettre en place et il faut faire preuve de beaucoup de pédagogie auprès de nos salariés, précise Laure Babilliot. Nos collaborateurs ont un rôle primordial pour la bonne réussite de ces solutions. Nous proposons une formation d’intégration pour expliquer la philosophie de l’entreprise. »

« En participant au recyclage, nos collaborateurs sont ravis d'être acteurs de l'économie circulaire. », Laure Babilliot - L'OISEAU BLANC

« La mise en place de Biogistic a nécessité beaucoup d’accompagnement et de pédagogie, confirme de son côté Alexandre Maltot. Nos équipes ont été formées dans le cadre de cette nouvelle organisation. »

Quelles offres ?

L’Oiseau Blanc a créé un nouveau service en 2015, baptisé Trilob, pour la gestion du tri participatif. « Les salariés de nos clients participent au tri en apportant volontairement leurs déchets à un îlot de tri participatif », explique Laure Babilliot. Lors d’une première visite, l’entreprise commence par identifier les besoins de chaque client qu’elle accompagne dans le changement, et met en place les bornes personnalisées et personnalisables. « J’anime des petits-déjeuners d’information sur site pour expliquer aux occupants des locaux, par exemple, comment vont être valorisés leurs déchets », poursuit-elle. Puis les collaborateurs sont formés à cette nouvelle organisation. C’est Triethic, le même partenaire qui s’occupe du siège de L’Oiseau Blanc, qui vient collecter les déchets. Aujourd’hui, de nouveaux clients arrivent via cette offre. « Nous continuons de sensibiliser nos clients propreté sur tous ces sujets, signale Laure Babilliot, et notamment par rapport à la prochaine obligation de compostage. »

Chez Onet, la gestion des déchets est complètement intégrée dans les appels d’offres de propreté. L’objectif de l’entreprise est d’aider ses clients à optimiser son budget déchets et réduire les déchets résiduels. « En tant que partenaire, nous préconisons de mettre en place le tri sélectif. Lors d’une visite de site, un audit permet d’identifier les problématiques et de proposer des améliorations en termes de matériels et d’équipements, témoigne Alexandre Maltot. La mise en place du dispositif de tri s’accompagne d’un accompagnement au changement avec un plan de communication et de sensibilisation auprès des collaborateurs et de nos équipes. » Pour la traçabilité, le suivi et le pilotage des activités, Onet s’appuie sur un ensemble d’outils, d’applications mobiles et d’objets connectés (capteurs NFC, capteurs de présence, poubelles et balances connectées) pour récupérer des données, optimiser les collectes, connaître les quantités de déchets, suivre les performances de tri…

Pour la collecte en aval, Onet est l’interlocuteur unique pour le client final et pilote les partenaires issus de l’économie sociale et solidaire pour l’évacuation et la valorisation des déchets. Il réalise aussi tout le reporting réglementaire.

Feuille de route

La stratégie 3R des industriels de la détergence

En établissant sa feuille de route, la FHER (Fédération hygiène entretien responsable) a pris le sujet des déchets à bras-le-corps pour répondre aux objectifs du décret « 3R » (réduction, réemploi et recyclage), le décret d’application de la loi Agec, pour la période 2021-2025. Un état des lieux a été réalisé : l’industrie de la détergence met sur le marché une quantité de 80 millions d’emballages par an, dont 80 % de plastique. « Plus de 90 % des emballages de détergents professionnels sont recyclables, précise Joséphine Copigneaux. Il reste beaucoup de choses à faire comme supprimer les points noirs de la recyclabilité. Les têtes de spray en sont l’exemple mais des solutions vont arriver sur le marché. » Le réemploi est aussi un défi pour les industriels, car il faut tenir compte de la partie logistique. « Un bidon de 5 litres pèse 200 g de plastique. Il faudrait le renvoyer vide à l’usine pour le remplir de nouveau mais ce n’est pas forcément pertinent. Des solutions sont à construire », poursuit-elle.

En savoir plus : consulter le site www.monde-proprete.com, rubrique "Transition écologique"