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Décryptage

Services à la personne cherchent salariés désespérément

Le Salon de l'emploi à domicile ouvre ses portes mardi à Paris. Le secteur est en tension et le sera de plus en plus avec le vieillissement de la population. Ses nombreuses entreprises, qui aimeraient plus de soutien des pouvoirs publics, tentent de s'organiser pour répondre à une demande grandissante.

Le secteur des services à la personne compte 1,3 million de salariés répartis dans pas moins de 26 métiers.
Le secteur des services à la personne compte 1,3 million de salariés répartis dans pas moins de 26 métiers. (Shutterstock)

Par Monique Clémens

Publié le 27 nov. 2023 à 09:06

« 800.000 postes à pourvoir d'ici à 2030. » L'estimation est d'Alain Bosetti, le président du Salon des services à la personne et de l'emploi à domicile - qui ouvre ses portes mardi Porte de Versailles à Paris -, se référant aux données de l'observatoire de la Fédération des particuliers employeurs ( Fepem ). Le défi est de taille.

Quelque 25.000 postes (sur les 144.000 à pourvoir au 1er novembre, selon Pôle emploi) seront proposés par les différents exposants : jardiniers, aides-soignants, auxiliaires de vie, chargés de projets, conseillers grand âge, aides ménagères, business développeurs, responsables qualité, secrétaires médico-sociales, informaticiens…

4 millions de particuliers

Selon la toute nouvelle étude Wyman pour la Fédération des services aux particuliers (FESP), affiliée au Medef (3.600 adhérents, des grands groupes aux TPE), ce secteur « engagé dans l'humain » et soumis à de nombreuses évolutions réglementaires (loi Borloo, financement de la dépendance, crédit d'impôt …) pèse 20 milliards d'euros de chiffre d'affaires et 1,3 million de salariés, dont la moitié ont plus de 50 ans et 90 % sont des femmes. Ils sont répartis dans 26 métiers. Pas moins de 4 millions de particuliers y ont recours.

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Nous pourrions faire 30 % d'activité supplémentaire si nous avions la main-d'oeuvre dont nous avons besoin.

Frank Nataf Président de la Fédésap

Composé de 62.000 structures, dont 88 % d'entreprises ou microentreprises, il est pris entre deux feux : le vieillissement de la population, « un tsunami gris » dont le pic est attendu en 2030, et un manque d'attractivité de ses métiers, mal payés. Les services aux personnes dépendantes représentent 42 % de l'activité, les services de la vie quotidienne (ménage, jardinage, bricolage, préparation des repas, livraisons de courses) 44 % et les aides à la famille (garde d'enfants essentiellement) 14 %.

Bond des défaillances

« Notre problématique numéro un n'est pas de trouver des clients mais de dénicher des salariés pour répondre à la demande. Nous pourrions faire 30 % d'activité supplémentaire si nous avions la main-d'oeuvre dont nous avons besoin », résume Frank Nataf, le président de la Fédésap, l'une des trois fédérations du secteur. Affiliée à la CPME, elle rassemble 3.800 entreprises adhérentes employant 140.000 salariés. « Le salaire moyen d'un auxiliaire de vie est de 912 euros net. Il faut que l'Etat nous aide à revaloriser la filière », plaide-t-il, alors que les entreprises s'estiment oubliées des projets de loi immigration et de financement de la Sécurité sociale, dans lesquels elles auraient aimé être davantage prises en compte.

Dans ce contexte, les défaillances d'entreprises ont bondi de 20 % en 2023, selon la FESP, et les plans d'aides préconisés par les départements, financeurs de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA) qui accompagne le maintien à domicile, ne sont pas toujours tenus. Les entreprises manquent tellement de bras qu'elles n'ont pas toujours le temps de former leurs salariés, lesquels se découragent parfois devant l'ampleur de la tâche. Faire la toilette d'une personne âgée ou s'occuper d'un client atteint de la maladie d'Alzheimer ne s'improvise pas.

« Les moyens du bord »

La valorisation des métiers et l'amélioration des conditions de travail restent les rares leviers que les entreprises peuvent actionner. « Nous faisons au mieux avec les moyens du bord », défend Dafna Mouchenik, dirigeante fondatrice de LogiVitae, qui emploie près de 200 auxiliaires de vie à Paris pour le maintien à domicile, en grande majorité à temps plein. « Sans trous dans la journée, même si c'est un vrai casse-tête, mais on a moins de turn-over qu'ailleurs », constate la dirigeante. La PME accompagne aussi ses salariées pour les tâches administratives, favorise les liens en fonctionnant par quartiers et se donne les moyens d'assurer leur formation. « Il faut leur donner des billes. Les personnes qu'on leur confie sont tellement fragiles », insiste-t-elle.

Fondateur d'AJ Service Pro, à Auxerre, dans l'Yonne, Jérôme Attiave est sur la même longueur d'onde pour garder ses 160 salariés et tenter de recruter les 30 dont il aurait besoin : la formation, des sessions courtes assurées dans le cadre d'un GEIQ (groupement d'employeurs pour l'insertion et la qualification) régional, et l'amélioration des conditions de travail. « Nous avons mis en place des primes pour le travail le week-end, une mutuelle de qualité, acheté des véhicules électriques sans permis. »

Modèles différents

Autre stratégie : la diversité des modèles. Poids lourd du secteur avec 20.000 salariés, 110.000 clients et 450 millions d'euros de chiffre d'affaires, le groupe Oui Care s'est ainsi constitué un portefeuille d'une dizaine de marques (O2, la Compagnie des Lavandières, Apef, Nounou Expert, …). Des modèles différents, « afin de répondre à des attentes différentes des salariés : temps plein, temps partiel, polyvalence ou non, liberté ou sécurité… » énumère Guillaume Richard, son président. Le groupe mise aussi sur les personnes en reconversion, a créé un CFA en interne et vient d'offrir 10 % du capital à ses 400 salariés les plus impliqués.

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Pendant ce temps, de nouveaux métiers apparaissent, comme celui du care management, qui articule les disciplines pour apporter une offre sur-mesure à domicile, et les start-up de la silver économie multiplient les levées de fonds pour pousser leurs applications, dispositifs et outils qui, demain, faciliteront le travail des services à la personne. Elles seraient désormais 300 en France, assure Alain Bosetti, dont le Salon professionnel en réunira 81 cette année, soit 20 de plus qu'en 2022.

Monique Clemens (Correspondante à Besançon)

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