C’est l’un des épineux défis de la transition écologique. Les équipes des cabinets ministériels et du secrétariat à la planification écologique ont beau faire tourner leurs modèles et calculatrices dans tous les sens, elles répètent depuis des mois : « Il y a un problème de bouclage sur la biomasse. » Comprendre : ça coince. Pour la première source d’énergie renouvelable, l’offre et la demande ne coïncident pas.
Alors que la stratégie française énergie-climat, qui définit les grandes orientations énergétiques des prochaines années, a été publiée mercredi 22 novembre, avec des mois de retard, l’avenir de la biomasse dans le système énergétique reste incertain, ce document en ayant renvoyé les grands objectifs à plus tard.
La biomasse, c’est-à-dire l’ensemble du vivant sur terre et dans les mers, désigne, en matière d’énergie, toutes les ressources organiques issues de la forêt, de l’agriculture et des déchets pouvant produire du chauffage, du gaz ou des carburants. Il peut s’agir des coproduits du bois injectés dans les réseaux de chaleur ; des résidus de cultures et effluents d’élevage alimentant des méthaniseurs ; des cultures de betteraves, céréales, pailles ou encore cannes de maïs transformés en éthanol ou biodiesel. Pas un scénario de neutralité carbone ne tient sans le recours à ces matières premières qui font figure d’« or vert » que tout le monde s’arrache… Sans garantie qu’il y en ait pour chacun. Car l’utilisation de cette ressource à des fins énergétiques entre en concurrence avec d’autres enjeux tout aussi essentiels : production alimentaire, maintien des puits de carbone, préservation de la biodiversité et besoins en fertilisation des sols.
Une ressource limitée
L’équation est particulièrement délicate. Afin de réduire notre dépendance au pétrole et au gaz, et donc les émissions de gaz à effet de serre, le recours à la biomasse est incontournable. « Pour se débarrasser des fossiles, qui représentent plus de 60 % de notre mix énergétique, une grande partie des usages vont être électrifiés, résume Jules Nyssen, le président du Syndicat des énergies renouvelables. Mais pour ceux qui ne pourront pas l’être [réseaux de chaleur, certains usages industriels…], on ne peut globalement miser que sur les bioénergies. »
Dans le même temps, la disponibilité de la biomasse est de plus en plus questionnée, car, si cette ressource est renouvelable, elle n’est pas illimitée, d’autant que ses principaux gisements (forêts et agriculture) sont fragilisés par le réchauffement. « Le gouvernement a l’habitude de multiplier les éoliennes, de multiplier les réacteurs nucléaires… Mais ça ne fonctionne pas pour la biomasse, qui ne se renouvelle que de manière limitée chaque année », rappelle Michel Dubromel, responsable énergie de France Nature Environnement.
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