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« Il y a beaucoup de liquidations d’agences récemment, chose qu’on ne voyait quasiment jamais ces dernières années », confie Benoit Lambelin, associé gérant de quatre agences Orpi à Lille, Lomme et Tourcoing, dont les recettes ont chuté de 30 % sur un an.
Sur le plan national, le chiffre d’affaires des agences immobilières a dégringolé de 17,64 % entre mai 2022 et août 2023, selon l’Insee. D’après les prévisions de Meilleurs Agents, le volume de transactions, ne dépassera pas 890 000 en 2023, soit une baisse de 20 % sur un an. Un retour à la réalité parfois brutale pour de nombreuses agences, dont beaucoup sont contraintes de mettre la clef sous la porte.
De janvier à septembre 2023, 561 agences immobilières ont été placées en redressement ou liquidation financière, selon le cabinet Altares, soit près deux fois plus que sur toute l’année 2021.
Après l'engouement du Covid, le contrecoup
La pandémie de Covid avait fait fleurir de nouvelles agences partout en France. Une euphorie post-confinement portée par un engouement sans précédent des acquéreurs pour les villes moyennes, les périphéries et les zones rurales. En 2021, l’Hexagone comptait 25 647 agences selon la Caisse nationale des Urssaf, soit 11,3 % de plus qu’en 2019. Aujourd’hui, les nouveaux venus se retrouvent en première ligne face à la chute du marché. « Les agences qui se sont créées récemment sont davantage concernées par ces fermetures car elles n’ont pas assez de fonds propres », souligne Loïc Cantin, président de la Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim).
Un retour de bâton qui concerne aussi les plus gros réseaux d’agences : « Nous avons dû liquider sept de nos sociétés en 2023, dont cinq car elles n’arrivaient plus à rembourser leur PGE (prêt garanti par l’Etat accordé pendant le Covid) », explique Stéphane Fritz, président de Guy Hoquet. 15 des 550 points de vente du groupe ont également été vendues. Les réseaux d’agences tentent de naviguer tant bien que mal dans ce marché incertain.
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Gestion serrée
Face à la tempête, les leaders du marché gardent un œil attentif sur les comptes de leurs agences. « Nous pilotons de manière serrée la société depuis le début de l’année 2023, confesse un porte-parole de Nexity. Concrètement, nous avons renoncé à des créations de postes, nous remplaçons les départs par des postes partiels et nous avons baissé nos dépenses de conseil et de frais de déplacement. » Pour l’instant, un plan social ne semble pas à l’ordre du jour mais si la rumeur enfle au sein de l’entreprise.
De la tension, il y en a aussi côté de Guy Hoquet, « on vérifie les solvabilités de toutes nos agences. Il faut qu’elles tiennent encore un an car le marché est en train de s’améliorer. Les taux se tassent », espère Stéphane Fritz. Pas certain que certains professionnels puissent se permettre de continuer leur activité dans ces conditions encore plusieurs mois.
Pour preuve l’hécatombe impressionnante chez les indépendants : 10 000 agents commerciaux indépendants ont cessé leur activité depuis le début de l’année 2023 selon Meilleurs Agents.
Se diversifier pour limiter la casse
Toutes les agences ne sont pas pour autant au bord de la faillite, celles qui ont su diversifier leur activité arrivent à garder la tête hors de l’eau. « Aujourd’hui, 60 % des agences ne font que de la transaction. Or, il faut aussi miser sur l’administration de biens et la gestion de copropriétés pour amortir les coûts en cas de crise immobilière », conseille Loïc Cantin de la Fnaim.
Une diversification d’autant plus importante que la tendance du marché pourrait ne pas s’inverser avant un bon moment. Pour Vincent Desruelles, directeur d’études du cabinet Xerfi, même dans un scénario favorable où les taux d’intérêt redescendraient prochainement, « le retournement de la courbe n’interviendra pas avant 2025. » La pression sur la trésorerie des agences immobilières n’est pas près de baisser.