« En L1, nous avons un public d’étudiants qui a des lacunes qui remontent du collège et du lycée » : comment les universités tentent de limiter la casse en licence

Contre le décrochage et l’échec en licence, les universités se mobilisent. Problème, la réussite dépend de plusieurs facteurs que les facs ne peuvent pas toujours maîtriser. Enquête.

Les universités cherchent à faire réussir leurs étudiants, par tous les moyens. (Illustration) Trevor Williams
Les universités cherchent à faire réussir leurs étudiants, par tous les moyens. (Illustration) Trevor Williams

    Un taux de réussite à 75,8 % de réussite en licence STAPS à l’université de Pau contre 53,8 % à Lyon 1 ? 52,3 % à Paris Saclay en licence d’économie - AES mais 69,1 % à Paris 1 ? Pour une même discipline, les étudiants ne réussissent pas de la même manière selon qu’ils sont inscrits à une fac ou une autre. Les établissements ont bien saisi l’enjeu et une grande majorité a, au moins, mis en place du tutorat.

    « En L1, on en avait au 1er et 2e semestre. Deux heures par semaine pendant lesquelles on pouvait être dans une salle avec des étudiants de L3 qui nous expliquaient comment faire nos DM de microéconomie. » Jasmine est en L2 éco-gestion et finances à CY Université, un établissement dont le taux de réussite de la licence en 3 ou 4 ans est plutôt faible, mais dont la progression en un an est la plus forte avec + 15,7 points. « Le fait d’avoir cette aide a été très bénéfique pour nous ! », ajoute celle qui vise un master finances après la licence.



    « Le tutorat nous a permis un meilleur accompagnement des étudiants en difficulté », explique Bruno Fiorio, vice-président adjoint 1er cycle de CY Université. Problème, sur base du volontariat, il ne touche pas les étudiants les plus décrocheurs, « notamment ceux qui ont un travail à côté, et qui n’ont pas forcément le temps pour le tutorat. »

    « C’est parfois difficile de rattraper plusieurs années scolaires »

    Pour y remédier, certaines facs ajoutent d’autres cordes à leur arc. Avec 82,2 % de réussite, le département Droit et Sciences-po de Lyon 2 a ainsi le meilleur taux de réussite de toutes les universités françaises. Un résultat qui peut s’expliquer par le tutorat proposé, mais pas seulement. « En L1, nous avons un public d’étudiants qui a parfois des lacunes qui remontent du collège et du lycée et c’est un enjeu de permettre à tous les étudiants en première année de réussir », rappelle Adrien Bascoulergue, doyen de la fac de droit : « C’est parfois difficile de rattraper plusieurs années scolaires, mais on essaye de ne pas avoir de décrochage au premier semestre. »

    En plus des séances de tutorat dont une enseignante gère spécifiquement la sélection et la formation des tuteurs, Lyon 2 a donc mis en place des enseignements de méthodologie et des dispositifs pédagogiques qui permettent aux étudiants de faire des exercices juridiques en ligne « pour compléter l’offre de cours classique ». À ce jeu s’ajoutent d’autres types de ressources dont une série de vidéos.

    « Des dispositifs ont vu le jour dans toutes les universités en France, on ne pourrait pas faire la liste tellement il y en a », fait remarquer Virginie Laval, présidente de l’Université de Poitiers et membre du conseil d’administration de France Universités, chargée de présider le Conseil de la Formation, de la Vie étudiante et de l’Insertion professionnelle de France Universités.

    Réussir n’est pas une simple question de programmes, de dispositifs d’accompagnement ou de décrocher un diplôme en 3 ou 4 ans. « La réussite passe par une expérience étudiante riche et variée : être en bonne santé, pratiquer du sport, s’intéresser à la vie culturelle et à l’engagement associatif », recentre Virginie Laval. « Il faut un espace pour se sentir bien et mieux réussir. Sont incluses aussi les questions de logement, de restauration ou encore d’hygiène de vie, même si ce ne sont pas les facs qui choisissent et que les acteurs sont eux aussi, pluriels. »



    Des critères de réussite que certaines facs, comme Lyon, intègrent à leur réflexion. « On voudrait essayer de mettre en place des supports de cours en ligne pour les étudiants en dispense d’activité, car ils ne peuvent pas suivre tous les cours, notamment quand ils travaillent. Leur taux de réussite est particulièrement faible. Ce ne seront pas juste des cours en ligne, mais des examens et des fiches de révision, par exemple. »

    Un dispositif que Lyon 2 souhaite étendre à ceux inscrits en régime classique mais qui jonglent entre études et job d’appoint. « Ils ont besoin de travailler et ça peut prendre le pas sur leurs études. Ce sont des jobs qu’ils sont obligés d’accepter, car le coût de la vie augmente ! »

    Des établissements à taille humaine

    Autre facteur de réussite : les origines sociale et géographique des élèves. « Quand on a un cursus scolaire plus compliqué ou qu’on vient d’un milieu moins favorisé, c’est quand même plus facile d’intégrer une fac avec des effectifs réduits. On constate que ces étudiants ont plus de mal à s’intégrer dans l’enseignement supérieur, car ils n’ont pas de proche qui a fait des études à un niveau aussi haut », poursuit le doyen de la fac de droit de Lyon 2, petite fac avec 1 000 étudiants, loin des 5 500 étudiants que compte Paris Cité par exemple.

    « Aussi, on obtient de bons résultats car le suivi des étudiants est de qualité », illustre Adrien Bascoulergue : « On limite le décrochage en ayant un cadre d’étude agréable et pas trop difficile à supporter pour les étudiants : nos amphis sont petits, 250 élèves maximum, même si c’est grand, ce n’est pas pareil que d’être 400 en termes de vécu. On offre un cadre avec plus de confort aux étudiants et qui aide à la réussite. »

    Une petite taille mise en avant par d’autres universités comme l’université d’Artois, l’université de Lille ou encore celle d’Angers, mais dont les résultats ne semblent pas aussi élevés que ceux de Lyon 2. Car outre la taille des établissements, les campus et leur localisation jouent aussi sur la motivation et la réussite des étudiants.



    « La première année, j’étais sur le site de Saint Martin », récapitule Jasmine : « Il y a peu de monde, donc toujours de la place à la bibliothèque. On y allait directement après les cours et on a pris cet automatisme. Cette année, sur le campus Chêne, la bibliothèque est encore plus grande, on a une connexion wi-fi, on peut demander plein de choses et elle met même en place un tutorat pour les élèves de première année de droit. »

    La jeune femme, qui « habite sur la ligne H » et est du 95, était prise à la Sorbonne, Assas et Paris Cité, mais a « délibérément choisi Cergy car le temps de trajet n’est pas négligeable et entre faire 30 à 45 minutes de trajet contre 1h30, le choix a été vite fait. » Très bonne élève au lycée, « soucieuse d’avoir un parcours ambitieux », Jasmine ne regrette pas une seconde d’avoir choisi la fac dans laquelle elle s’est inscrite. « D’autres étudiants se tournent vers la Sorbonne pour le nom, mais arriver et être un étudiant parmi tant d’autres avec des notes moyennes ou venir à Cergy dans un cadre sympa, des locaux récents et bien accompagné, ça n’a rien à voir ! »

    Un long trajet, des problèmes de transports, des difficultés à se loger loin de chez soi ou de sa famille ou encore un petit boulot pour pouvoir s’assumer dans son studio sont autant de freins à la réussite en licence. Si « les classes moyennes parisiennes ou les classes supérieures qui logeront dans un studio peuvent avoir la meilleure fac possible dans la discipline qui les intéresse, pour tous les autres, il faut se demander s’il y a une université à proximité de chez soi, ou une chambre étudiante disponible au Crous et quelles sont ses conditions matérielles », précise Hugo Harari-Kermadec, enseignant chercheur à l’université d’Orléans et auteur de « Le classement de Shanghai. L’université marchandisée ».

    Car le droit est-il vraiment mieux enseigné à Paris qu’à Clermont-Ferrand ? Heureusement non ! « Celui qui enseigne, c’est celui qui est pris contre 30 ou 40 candidats de grand niveau », répond Hugo Harari-Kermadec : « Il faut faire des études supérieures et il vaut mieux en faire dans un cadre où on va y arriver, plutôt que de se sentir en échec si on n’a pas eu le truc le plus sélectif de la terre. »

    Une mauvaise orientation

    Ou la fac dont le taux de réussite est le meilleur, car il est aussi la conséquence d’une orientation hasardeuse en première année. « J’avais regardé les taux de réussite sur Parcoursup, ils étaient faibles, mais Cergy n’est pas vraiment sélective à l’entrée, donc tout le monde peut venir. Or en filière éco-gestion, c’est beaucoup de gens qui ne savent pas ce qu’ils veulent faire ! », rit Jasmine.

    Ainsi, 40 % des étudiants en AES sortent de la discipline après la première année, 38,5 % en Lettres, arts, sciences du langage, 30 % en STAPS. « Certains se trompent de filière, comme en éco gestion quand ils se basent sur les enseignements du lycée alors que la licence contient beaucoup de maths », souligne Bruno Fiorio, de CY Université. « Ou en droit avec l’écart entre la filière dans laquelle ils s’inscrivent et ce qu’ils imaginent y trouver… Ça crée des déconvenues parmi les étudiants… »



    À Cergy, pour essayer de limiter le phénomène, une école universitaire des premiers cycles a été créée en 2020. « L’atterrissage à l’université est un enjeu spécifique qu’on ne retrouve pas en master, nous avions eu besoin de nous doter de capacités de pilotage différentes des seconds cycles. On doit faire réussir nos élèves et bien les orienter, y compris en amont, mais ça ne s’arrête pas au moment du bac ! » Apprentissage, filières professionnalisantes, pédagogies innovantes… L’université travaille pour proposer des passerelles aux étudiants qui peuvent se trouver en échec en fin de première année de licence. « Cergy, on le ressent, c’est une fac qui a envie de s’améliorer ! », ajoute Jasmine.

    Et même si ces réorientations font baisser les taux de réussite de certaines filières, c’est parfois le nœud du problème. « La réussite des étudiants commence pour les universités bien avant leur arrivée, au moins trois ans avant. L’orientation est un enjeu, elle doit être souhaitée, pas subie », abonde Virginie Laval, qui ajoute : « À Poitiers on positionne le lycéen comme un acteur essentiel de son orientation. Les établissements ont un accompagnement renforcé, créent des passerelles, des parcours personnalisés pour les étudiants tout en ayant les exigences provoquées par la massification de l’enseignement supérieur. »

    L’effet Parcoursup

    Certains étudiants font aussi le choix de s’inscrire dans une filière en attendant d’avoir mieux l’année d’après. « On ne peut plus s’inscrire comme on veut dans la filière de son choix », souligne Hugo Harari-Kermadec. Car même si 93,5 % des candidats reçoivent un vœu sur Parcoursup, certains ne satisfont pas les étudiants qui peuvent être amenés à changer de fac en 2e année ou de filière. Ce qui mécaniquement fait baisser le taux de réussite d’une licence en 3 ou 4 ans.



    « Dans les grandes métropoles où il y a plusieurs universités, Parcoursup joue vraiment, car les candidats déposent un dossier dans toutes les universités. C’est différent à Marseille ou Lille où il n’y a pas de concurrence locale, donc pas de hiérarchisation. L’effet est plus grand encore à Paris où les bons étudiants qui allaient à Créteil ou Nanterre parce qu’ils ne pouvaient pas rentrer dans Paris ont tous pu avoir Paris 1, 2 et ont quitté Nanterre ou Versailles Saint-Quentin. Les bons banlieusards, bons et de classe moyenne, sont arrivés dans les facs parisiennes et on a renforcé la ségrégation dans les grandes métropoles. »



    Un constat partagé par Bruno Fiorio aussi, même si certains étudiants comme Jasmine, font exception : « Certains arrivent par hasard ou par défaut quand ils n’ont pas obtenu ce qu’ils voulaient par ailleurs. C’est plus complexe ensuite en termes de motivation. La sociologie et le contexte parisien font que c’est de plus en plus compétitif et une partie des étudiants préfère les grandes facs parisiennes où dont la renommée est plus marquée. » Faisant baisser le taux de réussite de facs d’aussi bonne qualité que les autres.

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