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Décryptage

Pétrole, charbon : les énergies fossiles sous pression à la COP28

La mention d'une sortie progressive des énergies fossiles sera l'un des grands enjeux de la conférence de l'ONU pour le climat, qui s'est ouverte ce jeudi à Dubaï. Ce serait une première, mais rien n'est gagné.

La production et la consommation de charbon, de pétrole et de gaz représentent 85 % des émissions mondiales.
La production et la consommation de charbon, de pétrole et de gaz représentent 85 % des émissions mondiales. (Yegor Aleyev/Tass/SIPA Usa/SIPA)

Par Marie Bellan, Anne Feitz

Publié le 1 déc. 2023 à 06:41

La COP28 entrera-t-elle dans l'histoire comme la COP des fossiles ? Plusieurs parties à la grand-messe climatique de l'ONU, qui vient de s'ouvrir pour deux semaines à Dubaï , espèrent que sa décision finale intégrera la nécessité de réduire le recours aux énergies fossiles.

Ce serait une grande première. La production et la consommation de charbon, de pétrole et de gaz génèrent pourtant 85 % des émissions mondiales, selon le dernier rapport du programme pour l'environnement des Nations unies (PNUE). Mais jusqu'à présent, les pays producteurs de pétrole (les pays du Golfe, Arabie saoudite en tête, mais aussi les Etats-Unis qui restent numéro un mondial), ont freiné des quatre fers pour éviter que les mots « énergies fossiles » soient mentionnés dans les textes. Seule une « réduction progressive » du recours au charbon avait été évoquée en 2021, lors de la COP26 à Glasgow.

La capture du carbone en débat

« L'an dernier, nous avions réussi à rallier 80 pays sur cette question de la sortie des énergies fossiles… encore loin du consensus nécessaire », explique la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. La balance pourrait toutefois pencher dans le bon sens cette année, espère la ministre. « La position commune adoptée avant la COP par les Etats-Unis et la Chine témoigne d'une avancée prudente en mentionnant 'la substitution des énergies fossiles par des énergies non carbonées' », dit-elle.

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Mi-octobre, l'Union européenne a adopté une position commune sur le sujet : les Vingt-Sept défendront l'« élimination progressive des énergies fossiles » - sans avoir toutefois trouvé d'accord sur une date, contrairement à ce que souhaitait la France. Les pays européens ont aussi limité leur engagement commun aux énergies fossiles « unabated », c'est-à-dire non adossées à des dispositifs d'élimination du carbone, comme le captage ou de stockage de carbone (CCS).

Un simple adjectif qui suscite bien des débats, et dont l'utilisation dans la décision finale sera scrutée à la loupe. Car les pays producteurs de pétrole misent amplement sur le CCS, espérant qu'il leur permettra de continuer à produire comme avant. Et ce, même si ces technologies sont loin d'être matures. « Nous ne sommes pas hostiles au CCS, mais il doit être réservé aux émissions impossibles à éliminer. Et les renouvelables, c'est tout simplement moins cher », relève un diplomate tricolore. « Eliminer les émissions et éliminer les fossiles, ce n'est pas pareil, il faudra être vigilant », poursuit-il.

Même sur le charbon, qui représente à lui seul 37 % des émissions mondiales, trouver un langage commun est compliqué. Car toute une partie du monde, à commencer par la Chine, continue d'y recourir massivement. Un pays comme l'Afrique du Sud produit 80 % de son électricité grâce au charbon. Ce qui rend incontournable des programmes tels que les JETP (Just Energy Transition Partnership), qui visent à aider financièrement les pays les plus dépendants du charbon à s'engager à abandonner progressivement cette source d'énergie : la France, avec d'autres pays développés, a conclu un tel accord à 20 milliards de dollars avec l'Indonésie l'an dernier en pleine COP.

Code de conduite

Si elle n'attend pas de nouveaux JETP à Dubaï, la France espère que cette COP sera l'occasion pour les pays de l'OCDE de définir un code de conduite des banques privées, pour qu'elles ne financent plus de nouvelles mines ou de nouvelles centrales à charbon. « Nous espérons également inciter les banques multilatérales de développement à participer à la reconversion des centrales à charbon », explique Agnès Pannier-Runacher, qui veut aussi pousser les avantages du nucléaire à Dubaï.

A la veille de la COP, un consensus semblait se dégager pour que soient mentionnés, dans la décision finale, les objectifs de triplement des capacités d'énergies renouvelables et de doublement des économies d'énergie d'ici à 2030. Les observateurs estiment qu'ils pourraient servir de levier pour obtenir des résultats sur les énergies fossiles.

La double casquette du président de la COP28, Sultan al-Jaber, qui est également patron de la compagnie pétrolière Adnoc, pourrait aussi paradoxalement favoriser un résultat sur ce point. « Les pressions sont fortes sur Sultan al-Jaber et les Emirats arabes unis, qui pourraient vouloir démentir les accusations de conflit d'intérêts », souligne Lola Vallejo, directrice du programme climat de l'Iddri.

Dans son discours d'ouverture de la COP28, ce jeudi, Sultan al-Jaber a tenu à mentionner les énergies fossiles. « Nous devons faire en sorte d'inclure le rôle des combustibles fossiles », a-t-il déclaré. Le directeur exécutif de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, Simon Stiell, est allé encore plus loin. « Si nous ne donnons pas le signal de la phase terminale de l'ère fossile telle que nous la connaissons, nous préparons notre propre déclin terminal. Et le prix payé le sera en vies humaines », a-t-il déclaré.

Marie Bellan et Anne Feitz

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