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Intelligence artificielle

ChatGPT : la fin du journalisme ?

Avec l’IA, la fin du journalisme ? Les articles vont-ils désormais être écrits par des algorithmes ? Lors de la table-ronde "IA et médias" des Dauphine Digital Days, la question est posée. Et la réponse qui se dessine est que, pour survivre, le journaliste devra "s’augmenter" comme il le fait à chaque révolution technologique, en intégrant avec dextérité les nouveaux outils, sans jamais renier les valeurs de sa profession.

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KIRILL KUDRYAVTSEV / AFP
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ChatGPT : la fin du journalisme ?
Mathieu Nowak
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Il y a un an, pour la première édition des Dauphine Digital Days, Pascal Guénée directeur de l’Institut Pratique du Journalisme (IPJ Dauphine/PSL), avait choisi comme thème pour la table-ronde IA et médias "Quand tout s’accélère". Prémonitoire à quelques jours du lancement public de ChatGPT.

Un an plus tard, en introduction de la 2e table-ronde dédiée à cette thématique, le 21 novembre 2023, organisée en partenariat avec Sciences et Avenir, il dresse ce constat : "Que l’on soit étudiant en journalisme ou journaliste, on doit absolument s’intéresser à ce que sont ces IA. Pas seulement parce que les IA ont largement pillé le droit d’auteur des journalistes et les productions des rédactions. Mais aussi parce qu’on le veuille ou non, la technologie a toujours eu une incidence sur la manière dont on pratique ce métier. Si on peut gager que les journalistes ne seront pas - tout de suite - remplacés par des IA, ils seront probablement assez vite distancés par des journalistes qui sauront faire un très bon usage des IA et les utiliser avec dextérité. Ce ne sera pas l'affaire de dizaines d'années, même pas d’années peut-être."

Le replay de l’intégralité de la session IA et médias : quand tout s’accélère.

La guerre de l'IA a commencé

"La situation est vraiment différente d’il y a un an", confirme Chine Labbé, rédactrice en chef de Newsguard. En premier lieu dans notre rapport à l’information. "Depuis le 7 octobre, on peut vraiment parler de guerre de l’IA, poursuit-elle. Quelques posts de désinformation sur X [anciennement Twitter] peuvent faire des millions de vues. Comme ce fut le cas avec cette photo montrant un homme sortant des décombres à Gaza avec cinq enfants dans les bras. A l'analyse, la photo comportait des aberrations, comme un bras en trop." Qu’arrivera-t-il quand ces images seront parfaites ?

La question se pose de la même façon pour les faux sons et vidéos (deepfakes). Pour la première fois, en septembre dernier, un faux enregistrement sonore a fait basculer les résultats d’une élection.

Cela s’est passé en Slovaquie comme l’explique Chine Labbé : "Deux jours avant le scrutin, un enregistrement audio est devenu viral sur les réseaux sociaux, dans lequel on pensait entendre le candidat centriste parler avec une journaliste de la manière de truquer les élections. Or, son adversaire populiste avait passé toute la campagne à parler d'une fraude électorale. Le faux enregistrement a directement servi ce propos et le candidat centriste a perdu l’élection."

La menace des fermes de contenus

L’autre danger naissant est la multiplication de "fermes de contenus" alimentées par l’IA : des sites web qui produisent de façon automatique des articles à partir de contenus glanés illégalement sur d’autres sites, sans aucune vérification et parfois sans même aucune supervision humaine.

"Il y en avait 49 en début d’année, nous en avons identifié 557 aujourd’hui, détaille Chine Labbé. Ils produisent des centaines, voire des milliers d'articles par jour, souvent avec de faux auteurs. Ils sont faits pour faire du clic pour rapporter de l'argent : 298 d'entre eux diffusent des publicités programmatiques [des annonces programmées automatiquement et monétisées par un système d’enchères]."

Vers un journaliste 'augmenté"

Mais des sites qui ont pignon sur rue font également appel à de la production de contenu par IA pour des tâches très spécifiques. "C’est le cas des résultats sportifs, électoraux, parfois pour des recettes de cuisine et… les horoscopes !" précise Karen Bastien, directrice de We do data, entreprise spécialisée dans la production d’articles, vidéos ou infographies à partir de données.

A quoi s’attendre dans le futur ? "Sur les trois étapes du travail du journaliste, collecter l’information, la vérifier et la mettre en forme, c’est la 3e qui sera la première impactée, prédit Karen Bastien. Ensuite l’IA peut servir à 'augmenter' le journaliste, en synthétisant des rapports, proposant des idées, des angles, suggérant des experts, préparant des questions pour les interviews. Pour un débutant qui doit, dans la journée, rendre un article sur un rapport portant sur une thématique avec laquelle il n’est pas familière, le gain de temps peut être considérable. Mais pour que ce soit efficace, il faut connaître son process de travail."

Et toujours vérifier l’information. Car tous les intervenants s’accordent à dire que l’IA générative n’est pas et ne sera jamais un outil de vérification. Par nature, puisque sa vocation est toujours donner le plus plausible, pas le vrai.

Les images générées par IA arrivent

C’est le magazine Cosmopolitan qui, dès 2022, a ouvert le bal en proposant une "une" générée par une intelligence artificielle. "Le monde de la photo et de l’illustration vont être bouleversés, prédit Karen Bastien, directrice de We do dataSo Foot s’en est servi 12 fois, à comparer aux 6000 images publiées, toujours en le précisant."


Mais attention aux réactions des lecteurs. Le Figaro en a fait l’expérience avec un article sur une escroquerie à l’héritage illustré par une IA : les commentaires négatifs furent tellement nombreux que l’image a été modifiée pour faire place à une illustration d’une banque d’image, paradoxalement moins adaptée, mais réalisée par un humain.

"La politique des grands quotidiens est aujourd’hui de s’interdire cette pratique, sauf sur des sujets portants sur l’IA. Et au Monde, l’interdiction est totale" termine Karen Bastien. Pour combien de temps ?

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