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Décryptage

Biodiversité : le gouvernement veut passer à la vitesse supérieure

Le gouvernement a présenté ce lundi la stratégie nationale biodiversité de la France à l'horizon 2030. Un plan d'action concret et doté de moyens financiers supplémentaires, mais peinant encore à inclure les enjeux agricoles.

La Camargue (photo) fait partie des trois zones qui pourraient être protégées comme zone humide, dans le cadre de la stratégie du gouvernement pour la biodiversité.
La Camargue (photo) fait partie des trois zones qui pourraient être protégées comme zone humide, dans le cadre de la stratégie du gouvernement pour la biodiversité. (iStock)

Par Anne Feitz

Publié le 27 nov. 2023 à 17:45Mis à jour le 27 nov. 2023 à 18:36

La lutte contre le réchauffement climatique ne doit pas faire oublier la préservation de la biodiversité, tout aussi fondamentale pour la protection du vivant sur la planète. « L'effondrement de la biodiversité menace notre capacité à nous nourrir, notre économie, ou encore notre santé », a rappelé la Première ministre, Elisabeth Borne, ce lundi en présentant la troisième édition de la stratégie nationale biodiversité de la France.

Partie intégrante de la planification écologique supervisée par Matignon, cette nouvelle stratégie était attendue depuis plus de deux ans. Elisabeth Borne en avait dévoilé les contours en juillet dernier, avant de la soumettre à consultation. « Les derniers arbitrages ont désormais été rendus », explique-t-on au cabinet de la Première ministre.

Erreurs passées

Même s'il n'a rien de contraignant, ce que déplorent les associations, ce nouveau plan à horizon 2030 se veut ambitieux et concret. « Nous prévoyons des moyens historiques et un plan d'action très opérationnel. Nous avons appris des erreurs passées », insiste dans un entretien aux « Echos » Sarah El Haïry, la secrétaire d'Etat chargée de la Biodiversité. Les précédentes stratégies n'avaient pas atteint leurs objectifs : la biodiversité ne cesse de se dégrader en France.

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Le gouvernement pose cette fois toute une série d'objectifs concrets, assortis d'indicateurs qui feront l'objet d'un suivi : le plan comporte 40 mesures et 200 actions. La nouvelle stratégie doit notamment permettre de décliner dans l'Hexagone l'accord de la COP15 de la biodiversité, conclu en décembre dernier à Montréal : protéger 30 % des territoires terrestres et marins, restaurer 30 % des écosystèmes dégradés, réduire de moitié l'utilisation des pesticides.

Dans ce cadre, la France veut par exemple placer 10 % de son territoire sous « protection forte » en 2030 (4,2 % aujourd'hui). Il s'agit de créer de nouvelles aires protégées, ou de renforcer la protection des aires existantes. Alors que les ONG déplorent de longue date l'autorisation d'activités humaines dans ces zones (même placées sous protection forte), le gouvernement envisage même « d'inverser la charge de la preuve ».

« Jusqu'à présent, les activités interdites sont celles dont on a pu prouver qu'elles ont un impact. Nous pourrions à l'inverse établir une liste d'activités interdites, sauf s'il est prouvé qu'elles n'en ont pas », explique-t-on à Matignon. Une évolution à l'étude.

Un douzième parc national dédié aux zones humides doit aussi être créé. Trois zones sont dans la « short list » : la Camargue, la Guyane et la Loire, a aussi précisé Matignon. La « réduction de la pollution sonore en mer » fait aussi partie des nouveautés : les activités nautiques motorisées pourraient être restreintes par arrêté dès l'an prochain, notamment en Méditerranée.

Hausse des moyens financiers

Le plan comporte également des mesures destinées à restaurer la nature (pour la plupart déjà annoncées) : planter 1 milliard d'arbres et 50.000 kilomètres de haies supplémentaires, créer des îlots de fraîcheur en ville, etc. Le gouvernement a inclus la restauration des prairies jusque-là oubliée. Il prévoit aussi de réaliser un nouvel inventaire grâce à la technologie de l'ADN environnemental, ou encore de créer une cellule « Tracnat », de lutte contre le commerce illégal de ressources naturelles.

Le gouvernement a confirmé la hausse des moyens financiers correspondants (et précisé qu'ils seraient assortis de 141 créations d'emplois) : 264 millions d'euros supplémentaires seront débloqués en 2024, portant l'enveloppe consacrée à la biodiversité à 400 millions d'euros l'an prochain. Un budget « sanctuarisé sur plusieurs années », assure Sarah El Haïry. A cette somme s'ajoutent celles consacrées à l'eau (475 millions supplémentaires), la réhabilitation des friches (300 millions) ou encore la renaturation (100 millions) inclus dans le fonds vert.

Enfin, pour répondre à des critiques récurrentes, le gouvernement a annoncé qu'il lançait une mission d'inspection dans le but de réorienter ou de supprimer progressivement les subventions « néfastes à la biodiversité ». Un rapport de l'Inspection générale des finances et de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable avait estimé en novembre 2022 leur montant annuel à 10,2 milliards d'euros, dont 6,7 milliards au titre de la politique agricole commune et 2,9 milliards de l'artificialisation des sols.

« Il faut maintenant mettre sur la table un plan d'action, en intégrant le monde agricole dans les discussions », insiste Sarah El Haïry. Réclamant un tel plan depuis de nombreux mois, certaines ONG environnementales ont vivement regretté qu'il soit reporté à 2024.

« On espérait un grand plan agriculture où l'on change de paradigme, donc frustration », a ainsi commenté le président de la Ligue nationale pour la protection des oiseaux (LPO). Plus généralement, si elles ont globalement salué l'ambition de cette nouvelle stratégie, les ONG environnementales ont regretté sa « faiblesse sur la question agricole », selon les termes du WWF France.

Anne Feitz

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