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Epreuve de maths, brevet indispensable, redoublement validé par les profs… Les réponses de Gabriel Attal au rapport Pisa

Le ministre de l’Education nationale annonce ce mardi 5 décembre son «choc des savoirs» alors que le nouveau classement international Pisa vient d’être dévoilé, mettant une nouvelle fois en exergue les mauvais résultats des élèves français.
par Cécile Bourgneuf
publié le 5 décembre 2023 à 12h31

Tout est une affaire de communication. La dernière étude Pisa pointe une baisse historique du niveau des élèves en maths et révèle que la France reste toujours la grande championne des inégalités entre les élèves ? Ça tombe bien, le ministre de l’Education, Gabriel Attal, présente dans la foulée son plan pour un grand «choc des savoirs». Alors que le locataire de la rue de Grenelle entend «impérativement relever le niveau» et lutter «contre le risque de fracture scolaire, sociale, territoriale», Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, y voit plutôt «une forme d’institutionnalisation du tri social avec un ensemble de mesures qui vont contribuer à reléguer les élèves les plus en difficulté, qui resteront assignés à leur position sociale». Libé fait le point.

De nouveaux programmes en primaire

Il y aura de nouveaux programmes en primaire. Et cela dès septembre 2024, de la maternelle au CE2. Gabriel Attal souhaite simplifier, «avec des programmes moins volumineux», et clarifier «avec l’intégration d’objectifs annuels figurant aujourd’hui dans divers guides épars et le choix clair de la pédagogie explicite». En clair, le ministre compte revenir sur la révision opérée en 2017 par Jean-Michel Blanquer. L’ex-ministre de l’Education avait mis en place des guides prescriptifs sur la lecture, la grammaire ou le vocabulaire. De quoi perdre les enseignants.

Les nouveaux programmes devront préciser ce que les élèves doivent maîtriser à la fin de chaque année scolaire. Guislaine David, porte-parole du Snuipp, le premier syndicat du primaire, s’inquiète de cette simplification annoncée : «Cela veut dire qu’on va réduire les programmes aux apprentissages basiques, ceux du socle commun, pour répondre aux évaluations nationales.» Lesquelles demandent qu’un enfant sache lire en décodant un texte sans vérifier s’il en comprend le sens. «Ça va renforcer les inégalités, parce qu’en réduisant l’ambition scolaire, on empêche les élèves défavorisés d’avoir des connaissances plus variées, celles que les autres peuvent apprendre en dehors de l’école.»

Gabriel Attal souhaite aussi labeliser les manuels scolaires du premier degré, autrement dit que l’Etat reconnaisse la qualité d’un manuel plutôt que d’un autre «dont l’efficacité des contenus a été prouvée par la science et par la pratique». Ce qui poserait de sérieux problèmes en cas d’arrivée de l’extrême droite au pouvoir. L’Etat financera, dès la rentrée 2024, des manuels scolaires (aujourd’hui payés par les collectivités locales) en lecture et en maths des élèves de CP et de CE1.

Par ailleurs, dans le cadre de la révision des programmes scolaires, Attal entend «adopter progressivement» la méthode de Singapour, appliquée dans 70 pays, pour les mathématiques, qui consiste à apprendre par exemple plus tôt, dès le CE2, les fractions et les nombres à virgule.

Le retour du redoublement

La question du redoublement, aujourd’hui exceptionnel, «mérite d’être tranchée : la décision appartient aux enseignants», a annoncé Gabriel Attal. Ces derniers auront désormais «le dernier mot», et non plus les parents, pour décider du redoublement. Problème : si le ministre a réussi a dégoter quelques études allant dans son sens, la recherche est quasiment unanime pour dire que cette pratique est inefficace. Des études longitudinales ont montré que, l’année où l’élève redouble, il est meilleur parce qu’il recommence à l’identique. «Mais cet effet bénéfique à court terme s’estompe dès l’année qui suit et sur un plus long terme, relate Dominique Lafontaine, professeure en sciences de l’éducation à l’université de Liège. Les élèves qui ont connu le redoublement ont des résultats très en dessous de ceux qui ne l’ont pas connu.»

Pour pouvoir passer dans la classe supérieure, les professeurs pourront aussi recommander ou prescrire à leurs élèves des «stages de réussite» qui existent depuis 2018 et se déroulent pendant les vacances scolaires. La rémunération des enseignants les encadrant sera doublée dans le cadre du pacte enseignant, à 156 euros pour trois heures.

Des groupes de niveau au collège

«Une trop forte hétérogénéité de niveau freine la capacité à faire progresser tout le monde», juge Attal. Comme il l’avait déjà annoncé, il propose donc de séparer les collégiens dans des groupes de niveau en français et mathématiques. A compter de la rentrée prochaine, les élèves de sixième et cinquième seront répartis en trois groupes de niveau dans ces deux matières, en fonction notamment de leurs résultats aux évaluations nationales. Comme ce sera aussi le cas pour les classes de quatrième et de troisième dès septembre 2025. Ces groupes seront «flexibles» : un élève avec un meilleur niveau au fil des cours pourra changer de groupe et inversement. Le groupe 1, qui concentrera les élèves les plus en difficulté, ne devra pas dépasser quinze élèves. «Nous ajouterons les moyens humains et financiers», a assuré Gabriel Attal, sans donner plus de détails, alors que la profession souffre d’un important manque d’attractivité.

Les chercheurs qui ont travaillé sur la question considèrent là aussi que cette idée est inefficace, voire contre-productive. Elle revient, selon eux, à créer des classes de niveaux, même si les élèves retrouvent celle de référence dans les autres disciplines. Le théorème de Duru, du nom de la sociologue Marie Duru-Bellat, résume le problème : les classes de niveau représentent, selon cette théorie, la pédagogie la plus efficace pour la moitié des élèves, les meilleurs. Mais elle est à l’inverse la pire des réponses pour les élèves les plus en difficulté. «Si on les rassemble dans un groupe fragile, ils vont principalement retenir qu’ils sont nuls, donc ça détruit le peu de confiance en eux qu’ils avaient. Or, si on perd toute confiance en soi, la solution la plus simple c’est la stratégie d’évitement : on se convainc qu’on ne peut pas y arriver donc on n’essaie même pas», explique Sylvain Connac, enseignant-chercheur en sciences de l’éducation. Les sociologues ont par ailleurs montré que les enseignants qui ont des élèves fragiles revoient leurs exigences à la baisse.

Par ailleurs, les élèves de sixième et de cinquième en très grande difficulté pourront se voir proposer, avec l’accord des familles, une remise à niveau avec jusqu’à deux à trois heures par semaine de français et de mathématiques pour rattraper leur retard.

Le barrage du brevet

Sans brevet, il sera désormais impossible d’aller au lycée. Les épreuves terminales du brevet représenteront par ailleurs 60 % de la note finale, au lieu de 50 % aujourd’hui. Les élèves qui échoueront à l’examen (11 % cette année) devront rejoindre, dès 2025, une classe «prépa-lycée», qui existera dans chaque lycée général et professionnel, «pour consolider leur niveau, rattraper leur retard et être mieux armés pour la suite», indique le ministre sans préciser quel sera le contenu des cours.

Nouvelle épreuve au bac

Comme pour l’épreuve anticipée de français que passent les lycéens en fin de première pour le bac, le ministre a annoncé un examen similaire en maths et culture scientifique pour tous les élèves à partir de l’année scolaire 2025-2026. Une énième retouche du bac Blanquer.

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