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Gabriel Attal veut «labelliser» les manuels scolaires

Le ministre de l’Éducation souhaite des contenus dont l’efficacité «a été prouvée par la science et par la pratique». Les enseignants, eux, invoquent leur liberté pédagogique.

Gabriel Attal va «labelliser» les manuels scolaires. En octobre, le ministre de l’Éducation avait avancé l’idée, avant de la confirmer en novembre dans le cadre de son combat pour «le choc des savoirs». Politiquement, il s’agit pour lui de porter un message d’autorité : la reprise en main par la rue de Grenelle de pratiques pédagogiques éparses. De quoi remettre en question la fameuse «liberté pédagogique» des enseignants, que les syndicats chérissent tant.

En amont de ses annonces officielles à la presse ce 5 décembre, Gabriel Attal, dans un mail adressé aux professeurs a précisé son projet. «Les manuels scolaires du premier degré dont l'efficacité des contenus a été prouvée par la science et par la pratique bénéficieront désormais d'une labellisation», écrit le ministre, qui cite en exemple les modèles japonais et portugais, avec des modalités qui «intègrent la participation de professeurs du terrain», prend-il soin d'ajouter pour ne pas trop braquer la communauté enseignante. Peine perdue. «Le libre choix des manuels scolaires par les enseignants n'a été remis en cause que sous Vichy», grince un syndicaliste. Dans les faits, ce sont les enseignants qui, par établissement généralement, se décident sur un manuel, parmi l’offre pléthorique proposée par les éditeurs.

«Au Portugal, le mécanisme de labellisation prévoit que les nouveaux programmes soient communiqués deux ou trois ans à l’avance pour prendre le temps de les élaborer, en lien avec les enseignants, explique Valérie Barthez, directrice de l’association Les éditeurs scolaires, qui regroupe 27 maisons d'édition. Si nous adoptions en France un mécanisme comparable, il faudrait que nous ayons connaissance des nouveaux programmes scolaires un an avant au minimum». La dernière expérience montre qu’en France, le changement se fait de manière précipitée. Les éditeurs ont eu connaissance de la réforme des programmes du lycée en janvier 2019, pour une entrée en application en septembre de la même année. Gabriel Attal est lui aussi très pressé puisqu’il prévoit de revoir les programmes du primaire pour la rentrée 2024... Cette révision doit notamment adopter la «méthode de Singapour» en maths.

«Tout dépend de ce que l’on met derrière le terme «labellisation» poursuit Valérie Barthez. Nous ne sommes évidemment pas opposés à un examen en amont, mais le système est déjà très vertueux. Dans un monde où la concurrence est importante, les éditeurs proposent des manuels conformes aux recommandations de l’Éducation nationale. Aujourd’hui, en lecture, on ne trouve plus un seul manuel reposant sur la méthode globale».

Ligne budgétaire conséquente

Pour les éditeurs, qui redoutent « une couche de complexité supplémentaire », le financement de ces manuels, à la charge des mairies, est insuffisant. Entre 2012 et 2022, les budgets alloués aux manuels de l'école primaire ont ainsi baissé de 40 %. Aujourd'hui, le montant moyen par élève et par an se situe à 13 euros. Dans les salles de classe, ce sont donc bien souvent de vieux manuels, pas forcément en phase avec les avancées de la recherche, qui sont mis entre les mains des écoliers.

«Les manuels jouent un rôle clé. Or, 60 % des élèves n'en bénéficient pas en CP», explique Gabriel Attal. Le ministre prévoit qu’à l’avenir, c’est l’État qui «financera des manuels scolaires en lecture et mathématiques des élèves de CP et de CE1». Une ligne budgétaire conséquente a d'ailleurs été dégagée. Les achats seront lancés pour la rentrée 2024.

Mais qu'est-ce qu'un manuel efficace ? «Un manuel qui fait réussir les élèves», résume-t-on simplement Rue de Grenelle. C’est oublier les querelles pédagogiques sur les méthodes d’apprentissages. En 2017, Jean-Michel Blanquer affirmait que «tous les manuels de lecture ne se val(ai)ent pas». Le prédécesseur de Gabriel Attal entendait asseoir la méthode de lecture syllabique. En 2019, le Conseil scientifique de l'Éducation nationale (CSEN) publiait ainsi une analyse des trente-cinq manuels en circulation dans les écoles et donnait ses recommandations pour une «approche 100 % syllabique», permettant en quatre mois de tout déchiffrer. Las, en 2022, ce même conseil scientifique constatait que «les méthodes et manuels efficaces continuent d'être parmi les moins utilisés» par les enseignants.

Mais le manuel ne fait pas tout. Bien souvent, l’enseignant construit lui-même ses propres supports pédagogiques, dans lesquels figurent de nombreuses photocopies et des contenus trouvés sur internet. La labellisation ne peut donc pas tout résoudre. «Le ministre veut-il imposer un manuel labellisé obligatoire ? interroge Guislaine David, au Snuipp, premier syndicat du primaire. Ce serait déposséder les enseignants de leur liberté pédagogique», avertit-elle.

Gabriel Attal veut «labelliser» les manuels scolaires

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10 commentaires
  • Ben voyons !

    le

    "Liberté pédagogique "... et l'angoisse pour les parents du "pile ou face" quant aux resultats face à une telle latitude !

  • Cartouche14

    le

    La "liberté pédagogique" des enseignants a donné le résultat que l'on constate.

  • Tartine

    le

    Poursuivez Monsieur le jeune Ministre! Nous comptons sur vous ! Nous en avons assez de la « liberté » chez ces enseignants qui eux même n’ont pas eu l’indispensable grâce au laxisme des soixante-huit ards! et à la « protection » de syndicats qui tirent nos enfants et petits enfants vers le bas! NE VOUS ARRÊTEZ PAS EN CHEMIN! MERCI

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