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Décryptage

Plein-emploi : la piste encore trop peu exploitée du CPF pour les métiers en tension

Elisabeth Borne a réuni ce lundi plusieurs ministres pour étudier de nouvelles mesures en faveur de l'emploi. Pour remédier aux difficultés de recrutements, Bruno Le Maire milite pour des abondements au compte personnel de formation (CPF), qui restent encore très limités.

Depuis fin 2019, les abondements au CPF n'ont représenté que 33 millions d'euros, selon la Caisse des Dépôts.
Depuis fin 2019, les abondements au CPF n'ont représenté que 33 millions d'euros, selon la Caisse des Dépôts. (Tristan Reynaud/Dicom/SIPA)

Par Alain Ruello

Publié le 4 déc. 2023 à 17:29Mis à jour le 4 déc. 2023 à 18:26

D'un côté, la baisse du taux de chômage s'est enrayée, sans que l'on ne sache dire si c'est provisoire ou non. De l'autre, les entreprises font toujours état de difficultés élevées à trouver de la main-d'oeuvre. C'est tout le paradoxe de la situation du marché du travail en France, que le gouvernement doit absolument résoudre s'il veut atteindre son objectif de plein-emploi d'ici à 2027.

Invités à réfléchir ce lundi sur la question par Elisabeth Borne, plusieurs ministres sont venus chacun avec leurs idées, lesquelles ciblent souvent les fameux métiers en tension, ceux pour lesquels le nombre d'offres d'embauches dépasse celui des candidats. Même si les études de Pôle emploi relativisent le phénomène, et même si les difficultés sont souvent inhérentes à l'employeur, la formation des salariés ou des chômeurs reste perçue comme l'un des principaux leviers pour améliorer la situation.

Abonder le CPF

Sans attendre la réunion à Matignon, Bruno Le Maire y est allé de sa proposition, surprenante au demeurant car elle passe par un dispositif, le compte personnel de formation (CPF) dont Bercy n'a eu de cesse de critiquer le coût exponentiel depuis qu'il a été converti en euros et libéré de tout intermédiaire fin 2019.

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Chaudronniers, couvreurs, soudeurs, métiers de bouche, de la restauration, l'hôtellerie… pour que ces « centaines de milliers d'emplois non pourvus dans les secteurs en tension » puissent l'être, pourquoi pas abonder le CPF des jeunes qui souhaiteraient les exercer, a défendu le ministre de l'Economie dimanche dans « Le Parisien » .

En l'espèce, la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 permet déjà à l'Etat, une région, une branche professionnelle ou encore une entreprise d'abonder le CPF d'une personne lorsque le solde de son compte est insuffisant pour couvrir le coût de la formation. Que cette personne soit jeune ou non, en activité ou au chômage.

Las. Pour des raisons de logiciels pas tout à fait au point ou de lourdeurs administratives, force est de constater que la mayonnaise n'a pas pris. La promesse mise en avant à l'époque avec ces possibilités d'abonder était pourtant de faire converger envie de formation d'un actif et besoin économique d'un employeur, seul ou en groupement, ou d'une collectivité locale.

Une quasi-goutte d'eau

Dans une interview à l'agence spécialisée AEF fin novembre, la nouvelle directrice des politiques sociales de la Caisse des Dépôts et Consignations (qui gère le CPF), Marianne Kermoal-Berthomé, le reconnaissait, chiffre à l'appui. « À l'origine du dispositif, a-t-elle convenu, Mon Compte Formation et le CPF sont un objet pour le salarié. Le fait qu'il puisse devenir un mode de financement collectif de la formation est assez nouveau. D'un point de vue technique, cela nécessite en effet des conventionnements avec les régions, avec les branches professionnelles… »

Résultats, la Caisse ne compte que 13 conventions d'abondement actives. En cumul, depuis fin 2019, le montant des abondements reste infime : environ 200 millions par Pôle emploi, 70 millions de la part des régions, des branches et des opérateurs de compétences Opco, et de l'ordre de 60 millions pour les entreprises. Soit 330 millions en tout, une quasi-goutte d'eau par rapport aux 10 milliards engagés sur la même période par les près de 7 millions de titulaires qui ont utilisé leur compte de leur propre chef !

Quatre conditions

Dit autrement, le CPF est un formidable outil pour donner accès à la formation professionnelle à ceux qui en étaient exclus avant la réforme : la part des moins diplômés et des ouvriers continue d'augmenter, montre une récente étude du ministère du Travail. Sauf qu'utiliser son CPF reste quasi exclusivement une démarche individuelle de personnes qui savent quel métier elles visent.

Dans ce contexte, l'idée de Bruno Le Maire peut-elle mieux orienter le CPF ? Peut-être, mais à quatre conditions. Arrêter une liste limitée de métiers jugés prioritaires d'abord. Ne pas mégoter, ensuite, sur les crédits budgétaires pour financer les abondements (ou la prise en charge des salaires en cas de reconversion lourde via la version transition professionnelle du CPF). S'assurer, aussi, que c'est simple à mettre en place. Et, surtout, le faire savoir par une campagne de communication massive.

Alain Ruello

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