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Les nuages s’accumulent pour la presse quotidienne régionale

L'urgence est bien là pour la PQR, qui malgré plusieurs années d'efforts peine à transformer son modèle économique.
L'urgence est bien là pour la PQR, qui malgré plusieurs années d'efforts peine à transformer son modèle économique. Jean-Christophe MARMARA

Les trimestres passent et les plans de départs ou d’économies s’accumulent pour les titres du secteur.

À La Réunion, les habitants ne cachent plus leur inquiétude. La survie du Quotidien de La Réunion, le dernier journal de l’île aux côtés du Journal de l'île de La Réunion (JIR), est aujourd’hui menacée. Placé en liquidation judiciaire il y a quelques semaines au tribunal de commerce de Saint-Denis. Une audience aura lieu le 13 décembre dans l’espoir de recevoir une première marque d’intérêt viable d’un potentiel repreneur. En attendant le chevalier blanc, la région vient d’accorder un sursis au quotidien en lui versant une aide exceptionnelle de 600.000 euros. Cette somme permettra au journal de poursuivre son activité pendant encore trois mois.

La mauvaise fortune du Quotidien de La Réunion, qui a lancé un appel à l’aide à la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, n’est pas sans rappeler les difficultés traversées il y a quelque temps par la Dépêche de Tahiti et France-Antilles . Ces deux autres titres de la presse ultramarine avaient été sauvés in extremis par Xavier Niel.

Ces difficultés ne sont pas cantonnées aux médias locaux d’outre-mer. Les trimestres passent et les plans de départs ou d’économies s’accumulent pour de nombreux titres de la presse quotidienne régionale (PQR), en grande difficulté financière.

Le quotidien grenoblois Le Dauphine Libéré (propriété du groupe de presse Ebra, détenu par le Crédit mutuel), qui devrait perdre 4 millions d’euros en 2023, a acté un plan de départs volontaires qui concerne vingt-six postes. En contrepartie, le titre, dont les ventes ont baissé de 7 % sur les dix premiers mois de 2023, promet la création de quatre postes et seize titularisations de salariés en CDD. Vaucluse Matin, qui appartient au Dauphiné Libéré, devrait être particulièrement touché, avec la suppression de six à dix postes, selon les syndicats. Le titre espère revenir à l’équilibre en 2024.

Dans le sud du pays à La Provence, trente suppressions de postes sont en jeu, malgré les promesses qui avaient été faites il y a quelques mois seulement par le nouveau propriétaire du quotidien marseillais, le milliardaire Rodolphe Saadé, à la tête de CMA-CGM. Le média, dont la diffusion a reculé de 20 000 exemplaires en cinq ans, a perdu 12 millions d’euros en 2022 et il en perdra 9 millions cette année. Il y a tout juste un an, c’est Midi Libre et la Voix du Nord qui supprimait respectivement 45 et 56 postes…

«Ces suppressions de postes éloignent un peu plus encore les journalistes de leur terrain, qui est pourtant la raison de vivre de la presse locale et régionale », se sont inquiétées le 1er décembre dans un communiqué commun les quatre organisations syndicales représentatives de journalistes – le SNJ, le SNJ-CGT, La CFDT- journalistes et le SGJ-FO.

L’urgence est bien là pour la PQR, qui malgré plusieurs années d’efforts peine à transformer son modèle économique. Les titres, qui ont tardé à réaliser leur transformation numérique par rapport à la presse nationale, sont aujourd’hui rattrapés par la réalité. Les abonnements numériques ne représentent en moyenne que 15 % de leur chiffre d’affaires. Même les comptes de Ouest France, imprimé à 700000 exemplaires par jour en semaine et très en avance sur le numérique, ont été chahutés par un contexte macroéconomique dégradé. Les coûts de fabrication et de diffusion des journaux se sont globalement envolés.

Au recul significatif des recettes publicitaires ces derniers mois s’ajoutent les problématiques liées au portage et à la baisse de la qualité des services pour assurer les livraisons à l’aube des journaux des abonnés. Le manque criant de main-d’œuvre depuis la pandémie a accéléré la décrue des abonnés au journal papier, constatent les éditeurs de la PQR interrogés par Le Figaro.

L’heure est à la mutation des métiers dans la PQR. Les titres débauchent en regroupant des éditions locales, avant d’embaucher des profils plus jeunes souvent plus à l’aise avec le digital. Et les fleurons du secteur n’ont d’autres choix que de diversifier leurs revenus. Outre le terrain de bataille des abonnements numériques, les efforts se concentrent aujourd’hui sur le développement de la vidéo.

Concurrence accrue

La PQR fait face à une concurrence accrue de l’offre d’information en région avec les chaînes locales et BFMTV et les nouvelles éditions de France 3. Certains groupes, tels que Rossel La Voix, Le Télégramme ou Sud-Ouest, opèrent également eux-mêmes des chaînes locales. « Notre pôle, qui produit par exemple des reportages pour la télévision, a vocation à grandir, expliquait récemment au Figaro, Nicolas Sterckx, directeur général du groupe Sud-Ouest. Il y a urgence à faire monter nos nouvelles offres et à changer quasiment de métier en virant dans le multimédia. » Ces médias misent aussi sur l’évènementiel, autour de thématiques spécialisées.

Les éditeurs français espèrent connaître un meilleur destin que les États-Unis, où les titres locaux sont en voie de disparition et des régions entières sont plongées dans de véritables déserts médiatiques. Près de 450 journaux ont cessé leur publication entre fin 2019 et mai 2023, selon une récente étude de l’université Northwestern. « La disparition du journalisme local participe à la propagation de la désinformation, la polarisation de la vie politique, et à l’érosion de la confiance dans les médias », alertaient récemment des sénateurs français dans un rapport sur la PQR.


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10 commentaires
  • PatricJL

    le

    Seuls les anciens achètent encore le journal local. Au cimetière, ils n'achètent plus, et les jeunes ne lisent pas les journaux... Fin inéluctable.

  • Betty Boop Dansante

    le

    Mon père décédé à 87 ans lisait sud-ouest tous les jours et cela il l'a fait toute sa vie.
    Aujourd'hui à la retraite mes amies dans une association lisent tous les jours la dépêche du midi.
    Âge supérieur à 70 ans et jusqu'à 95 ans.
    Au décès de ces générations, plus de lecture de la PQR, pourquoi ?
    Ce ne sont que de l'endoctrinement macroniste, pour ces deux titres que je connais.
    Et tant mieux qu'ils boivent la tasse et disparaissent. Car ils auront beau les subventionner plus personne ne les lira et l'endoctrinement à la doxa mondialiste s'arrêtera.

  • Prigogine

    le

    La faute à internet et la télé. Il y a tout ce qu'on veut sur télé perroquet.

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