Former les cadres qui réinventeront les politiques éducatives et de recherche : c’est l’ambition de Sciences Po, qui crée une nouvelle spécialité au sein de son Ecole d’affaires publiques à la rentrée 2024. Intitulé « politiques d’éducation et de recherche », ce master, d’apparence anodine, marque un tournant.
Les politiques d’éducation, premier poste de dépenses de l’Etat – 180 milliards d’euros en 2022, soit près de 7 % du PIB –, sont les grandes absentes de l’offre de formation de Sciences Po. Le catalogue des politiques publiques y est pourtant vaste, avec dix spécialités de master, de l’administration publique aux enjeux de sécurité en passant par le développement durable, la santé, la gouvernance européenne, la culture et… le management. « Jusqu’ici, il n’y avait rien dans le champ de l’éducation », convient Philippe Martin, doyen de l’Ecole d’affaires publiques, qui s’étonne encore de ce trou laissé béant.
Déçues de ne pouvoir elles-mêmes suivre un cursus professionnalisant dans le secteur éducatif, trois étudiantes, Meryl Merran, Anciane Vitoux et Léa Dousset, s’en étaient ouvertes au directeur, à l’époque Frédéric Mion, en septembre 2020. Elles lui avaient remis une « étude d’employabilité » pour lever les doutes sur l’existence de débouchés réels et rapides dans le secteur. « Notre démarche avait suscité un réel engouement de la cinquantaine d’acteurs que nous avions rencontrés, au ministère de l’éducation nationale, au ministère de l’enseignement supérieur, dans les universités, à l’Unesco, à la Caisse des dépôts ou encore dans des cabinets de conseil », narre Meryl Merran, désormais doctorante en sociologie.
Comment accroître l’efficacité du système éducatif ? Cette question sera centrale, souligne la sociologue Agnès van Zanten, directrice de recherche au CNRS et responsable pédagogique du nouveau master : « Nous sommes tous conscients qu’au regard des moyens investis, les travaux de recherche montrent que les résultats ne sont pas à la hauteur. » En France, rappelle la chercheuse, sont encore nombreux « les discours abstraits sur l’égalité et la citoyenneté qui désespèrent ceux qui comparent les objectifs affichés et ce que produit l’action publique ».
« Il faut des profils plus nombreux et plus transversaux »
Face à l’autonomie grandissante des institutions, des établissements et des collectivités territoriales en matière éducative, les responsabilités des acteurs se sont amplifiées. « Il faut des profils de cadres plus nombreux mais aussi plus transversaux dans le management et la direction de ces politiques, ajoute Agnès van Zanten. Nous sommes à un moment crucial pour penser un modèle de formation des cadres du service public en éducation », qui présente des valeurs distinctes du secteur privé.
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