Comment l’IA peut favoriser l’inclusion des personnes en situation de handicap

Dans le cadre du Tech.Rocks Summit 2023, Emmanuelle Aboaf explique comment les entreprises peuvent inclure les personnes en situation de handicap pour mieux innover grâce à l’IA.

TechRock Summit Emmanuelle Aboaf
L'intervention des personnes concernées est essentielle pour créer des produits réellement adaptés à leurs besoins, selon Emmanuelle Aboaf. © TechRock Summit

Emmanuelle Aboaf est ingénieure d’études et de développement chez SHODO, une entreprise sociale et solidaire, spécialisée dans le service IT. Elle est également sourde de naissance et porte deux implants cochléaires. Alors que l’intelligence artificielle ne cesse de faire parler d’elle, augurant de progrès considérables dans le monde de la tech et au-delà, qu’en est-il au niveau du handicap ? Lors une conférence au Tech.Rocks Summit 2023, l’intervenante aborde la manière dont l’IA peut transformer le quotidien et les représentations des principaux concernés.

Pour préparer sa conférence, Emmanuelle Aboaf a sollicité Thanh Lan Doublier, développeuse spécialisée dans l’intelligence artificielle, elle aussi en situation en handicap.

L’intelligence artificielle est alimentée par nos biais

Emmanuelle Aboaf a voulu tester Midjourney. Au générateur d’images par IA, la développeuse a demandé de produire des images de personnes en situation de handicap. Les 4 photos générées présentaient toutes des individus en fauteuil roulant, qui ne constituent pourtant que 2 à 3 % des personnes en situation de handicap en France. Les biais présentés par l’outil sont nombreux : lorsqu’Emmanuelle Aboaf lui demande de générer une femme sourde, seules des personnes âgées sont proposées. Pour ce qui est de l’autisme, il n’est représenté que dans une perspective sombre.

Mais l’intervenante rappelle que les résultats générés par les IA sont conditionnés par les données sur lesquelles elles ont été entraînées. Les propositions de Midjourney ne sont ainsi que le reflet de nos propres biais, la représentation du fauteuil comme symbole du handicap étant largement répandu au quotidien, dans les médias ou au cinéma.

Tout récemment dans le film Barbie, qui voulait représenter la diversité, c’est une femme en fauteuil roulant qui est choisie. Or, 80 % des handicaps sont invisibles, explique Emmanuelle Aboaf.

Differents Types Handicaps IA
Le fauteuil roulant est presque tout le temps utilisé pour représenter le handicap, y compris par les IA, ce qui tend à invisibiliser la diversité des situations. © Emmanuelle Aboaf

De nombreux progrès pour le handicap

Si les IA ne sont pas imperméables aux stéréotypes, elles ont permis de développer de nombreuses technologies pour faciliter le quotidien des personnes en situation de handicap. Emmanuelle Aboaf propose ainsi une liste, non exhaustive, des outils développés grâce à l’intelligence artificielle. S’ils représentent des avancées majeures pour favoriser l’inclusion, des progrès restent tout de même à faire :

  • Les sous-titres automatiques : ces outils sont de plus en plus performants, faciles à intégrer et disponibles dans plusieurs langues. Emmanuelle Aboaf indique qu’elle utilise cette technologie tous les jours pour assister aux réunions. Toutefois, les sous-titrages ont encore une marge de progression et la lecture labiale est souvent nécessaire en complément pour corriger les erreurs.
  • La transcription automatique en langue des signes : certaines entreprises françaises comme KEIA ou Elioz ont développé des plateformes permettant de traduire du son en langue des signes grâce à des avatars 3D. Cependant, ces avatars manquent encore de fluidité, notamment au niveau des expressions faciales.
  • La description sonore : des outils proposent des descriptions de l’environnement à destination des personnes malvoyantes « comme le ferait un bénévole humain », indique Emmanuelle Aboaf.
  • Des fauteuils autonomes : les IA pourraient « aider à manœuvrer les fauteuils roulants et détecter les obstacles », à la manière d’une voiture autonome.

« Rien sur nous sans nous »

La développeuse est formelle : l’amélioration des outils d’intelligence artificielle pour le handicap ne peut s’opérer qu’avec la participation des principaux concernés, car ils sont les seuls à comprendre concrètement les problématiques. À ce titre, Emmanuelle Aboaf reprend le leitmotiv « Rien sur nous sans nous ». Pour illustrer son propos, l’intervenante explique ainsi que certains produits ont été conçus sans consultation de personnes en situation de handicap, et s’avèrent inadaptés aux besoins réels.

Je pense notamment aux gants qui permettent de traduire la langue des signes. C’est une chouette innovation, mais en toute franchise, elle ne sert à rien. On n’a pas consulté la communauté sourde en disant : « Est-ce qu’avoir des gants, ça t’aiderait ? »

Pour accélérer l’innovation, il est donc essentiel pour les entreprises de consulter des études, de se rapprocher de la communauté et des associations spécialisées, mais également d’embaucher des personnes concernées. Emmanuelle Aboaf prend ainsi pour exemple Microsoft et Apple, dont la diversité des équipes a permis de rendre leurs produits plus accessibles. À l’inverse, X (ex-Twitter) a licencié toute l’équipe chargée de l’accessibilité, rendant la plateforme de plus en plus hostile aux personnes en situation de handicap.

 

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