2024, une année de rendez-vous pour les acteurs locaux de l'éducation

Après une rentrée scolaire riche en annonces, 2024 va constituer une ligne de départ pour de nombreuses actions portées, dans des proportions plus ou moins grandes, par les collectivités territoriales en matière d'éducation. Bilan et perspectives…

  • Extension des horaires en collèges REP et REP+

Annoncée en juin 2023 par Emmanuel Macron afin de lutter contre "l'inégalité scolaire [qui] se crée dans ces temps où l'enfant a été renvoyé chez lui", l'extension des horaires d'ouverture des collèges de 8 heures à 18 heures dans les zones d'éducation prioritaire (REP et REP+) sera généralisée en septembre 2024. Plus de mille collèges sur tout le territoire seront concernés, et si le dispositif "devoirs faits" sera au centre de l'organisation, d'autres initiatives pourront voir le jour et solliciter les conseils départementaux : fourniture du petit-déjeuner, activités périscolaires sportives et culturelles ou encore ateliers d'orientation, ce qui mettrait en œuvre une compétence… du conseil régional.

Mais sur ce sujet, la grande inconnue reste la question du transport scolaire. Dès le mois de juillet, Florence Blatrix-Contat, présidente de l'Anaatep (Association nationale pour les transports éducatifs de l'enseignement public) a interpelé Clément Beaune, ministre des Transports, pour savoir quelles seraient les conséquences de cette généralisation sur les rotations de cars et sur la disponibilité des conducteurs, dans un secteur en pénurie de main-d'œuvre. Cinq mois plus tard, l'Anaatep n'a toujours pas eu de réponse. "Nous ne faisons pas partie des priorités", nous a confié l'un de ses représentants. L'association déplore le manque de visibilité et l'absence de statistiques nationales qui pourraient permettre de piloter cette évolution et d'évaluer son coût.

  • Harcèlement scolaire

Janvier 2024 va marquer le coup d'envoi des cours d'empathie dans une école par département, avant une généralisation à la rentrée de septembre. Cette mesure a été présentée en septembre 2023 par la Première ministre, Élisabeth Borne, parmi un vaste plan interministériel visant à renforcer la lutte contre le harcèlement scolaire (voir notre article du 28 septembre). Ce plan prévoit également la mise en place de coordinateurs dédiés au harcèlement dans tous les établissements et la formation de tous les personnels, dont les agents des collectivités.

L'annonce de ce plan est intervenue quelques semaines à peine après la publication d'un décret définissant, entre autres, le rôle du maire dans la lutte contre le harcèlement scolaire (voir notre article du 30 août). Aux termes de ce texte, un élève harceleur pourra être transféré dans une autre école afin d'éviter que ce changement ne soit imposé à l'élève victime. Pour ce faire, le directeur académique des services de l'Éducation nationale (Dasen) pourra demander au maire de procéder à la radiation de l'élève harceleur de l'école et à son inscription dans une autre école de la commune. Il est à noter que dans le cas où celle-ci ne compterait qu'une école publique, la radiation de l'élève ne pourrait intervenir que si le maire d'une autre commune accepte de procéder à l'inscription de l'élève dans une école de cette dernière.

  • Cantine

En matière de restauration scolaire, 2024 va offrir une des dernières occasions de se mettre en conformité les prescriptions de la loi Egalim du 30 octobre 2018. Par exemple en bannissant tous les produits en plastique jetables de la restauration collective (voir notre article du 12 juin 2019). Si des solutions ont été trouvées dans la préparation des repas, la question du conditionnement des dons alimentaires pour lutter contre le gaspillage n'est pas tout à fait réglée. Lutte contre le gaspillage qui pose une autre question : les enfants mangent-ils à leur faim ? La presse a rapporté des cas, à Paris et près de Nice, où la réponse est négative.

L'année qui s'ouvre sera également décisive pour conforter le succès des projets alimentaires territoriaux (PAT). Grâce au financement de l'État, on compte désormais 427 PAT qui font travailler ensemble agriculteurs, collectivités, porteurs de projets et population. Or les élus attendent la pérennisation de ces financements (voir notre article du 23 novembre). Tout comme ils espèrent une évolution des règles de la commande publique afin de pouvoir mieux territorialiser l'alimentation de la restauration collective.

  • Uniforme

Une des annonces de Gabriel Attal, fin 2023, a surpris : l'expérimentation, à partir de la rentrée 2024 et pour une durée de deux ans, du port obligatoire de l'uniforme à l'école, au collège ou au lycée (voir notre article du 6 décembre). Le but ? "Mesurer scientifiquement […] ce qu'une expérimentation de grande ampleur donnerait comme résultats en matière de climat scolaire, en matière d'élévation du niveau de nos élèves ou sur l'autorité à l'école, le harcèlement scolaire, les questions de laïcité." Selon un guide destiné aux collectivités volontaires qui a fuité dans la presse, il sera constitué d'"un trousseau dont la composition est déterminée localement et au cas par cas en étroite collaboration avec la collectivité territoriale et après échanges avec le prestataire". Quant à la prise en charge financière – estimée à environ 200 euros par élève –, elle sera assurée "par les collectivités locales qui peuvent bénéficier d'un appui financier du ministère". À terme, a précisé le ministre, "si l'uniforme devient obligatoire pour tout le monde, les familles devront participer à payer l'uniforme".

Si pour Frédéric Leturque, maire d'Arras et coprésident de la commission éducation de l'Association des maires de France (AMF), "ce n'est pas le sujet du moment", l'idée a séduit Renaud Muselier, président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, et Laurent Wauquiez, président du conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, qui ont annoncé le lancement de l'expérimentation dans certains lycées de leurs régions.

  • Laïcité

L'actualité de la laïcité à l'école a été dense depuis la rentrée de septembre : interdiction du port de l'abaya et du qamis, attentat contre Dominique Bernard et sanctions liées aux incidents durant les hommages du 16 octobre. Ces évènements ont eu, selon le ministère de l'Éducation nationale, "un impact direct" sur les statistiques du premier trimestre : en septembre, 1.034 faits d'atteinte au principe de laïcité ont été recensés (+40% par rapport à juin), dont 81% ont concerné le port de signes et tenues. En octobre, après l'attentat contre Dominique Bernard, les "autres faits perturbant l'établissement" ont constitué 65% des signalements, pour un total de 1.812 faits recensés (+75% par rapport à septembre). En novembre, enfin, le nombre de signalements s'est établi à 460, soit un net recul par rapport à octobre (-75%), mais bien au dessus de ceux de novembre 2022 (353).

C'est dans contexte que le ministère de l'Éducation nationale a publié une version mise à jour de son vade-mecum sur la laïcité à l'école (voir notre article du 13 décembre). Celui-ci souligne l'implication des agents des collectivités exerçant dans les établissements scolaires et rappelle que ces derniers ont l'obligation de se former à la laïcité d'ici à 2025.

  • Bâti scolaire

Si sur tous les sujets précédents, les collectivités s'aligneront pour courir un sprint jusqu'à l'été prochain, il en va tout autrement du dernier grand sujet qui les concerne en matière d'éducation : la rénovation du bâti scolaire. Ici, il est question d'une course de fond. Et pour cause : entre l'indisponibilité immédiate des 40 milliards d'euros nécessaires au financement et les contraintes de réalisation qui obligeront à définir des établissements prioritaires et à étaler les travaux, le chantier est prévu pour durer.

Une bonne nouvelle est toutefois venue du Sénat en fin d'année : la proposition de loi autorisant les préfets à abaisser à 10% la participation minimale des collectivités dans le financement de la rénovation énergétique des écoles a été adoptée (voir notre article du 14 décembre). Si l'Assemblée nationale confirme ce vote, les communes et EPCI les plus en difficulté verront leur facture allégée. Il n'en reste pas moins que pour parvenir à rénover 40.000 écoles d'ici à 2034, de nombreux leviers devront être actionnés. Le principal est financier et passe par des aides massives qui, du fonds vert au dispositif ÉduRénov, sont déjà en place mais à des niveaux encore insuffisants, un autre consiste en un soutien tout aussi massif à l'ingénierie en faveur des plus petites communes. 2024 pourrait être l'occasion d'avancer sur ce terrain…