C’est avec des mots forts, que Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, avait dressé un cap pour l’ensemble du monde culturel à l’orée de l’année 2023. « Nous avons tous les atouts pour faire face à la peur, avait-elle assuré dans un contexte politique international marqué par les conflits et les extrêmes : l’écoute de l’autre, le tissage de projets au plus proche de l’humain, l’esprit de coopération et de partenariat, l’engagement d’équipes passionnées, l’ambition et le panache ! »
Douze mois après, les actes ont donné vie et chair aux discours : ouverture de la Cité internationale de la langue française, adoption à l’unanimité de la loi sur les restitutions de biens spoliés par les Nazis, élargissement du pass Culture aux élèves de 6e, succès populaire du spectacle Horizon dans le cadre du 40e anniversaire des Journées européennes du patrimoine, entrée massive des établissements culturels dans la voie du développement durable, désignation de Bourges comme Capitale européenne de la Culture en 2028… Sans oublier le coq de Notre-Dame de Paris, symbole d’une véritable renaissance, qui a retrouvé sa place au sommet de la flèche restaurée.
Et, bien sûr, un an avant le début tant attendu des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, le monde de la culture s’est déjà emparé, à travers mille initiatives locales, du fait sportif dans toutes ses dimensions : c’est l’Olympiade Culturelle. Là aussi, n’en doutons pas, l’engagement, l’ambition et le panache, seront, ô combien, au rendez-vous.
23 janvier 2023 : lancement de l’Année du documentaire
Les frères Lumière en seraient fiers, eux qui l’avaient lancé dès 1896, envoyant leurs opérateurs aux quatre coins du monde : le documentaire a eu son année à lui en 2023. Il est aujourd’hui partout : projeté en salles, diffusé à la télévision, hébergé par les plateformes… Et c’est une forme passionnante, comme l’a rappelé pour nous Nicolas Philibert, Ours d’or à la Berlinale 2023 (Sur l’Adamant) : un domaine « effervescent », « autre façon de faire de la fiction », « à l’écoute » de l’humain, malgré des conditions de production parfois précaires.
Côté prestige, l’une d’entre ces œuvres, et certes une œuvre unique et emblématique, a été inscrite par l’UNESCO, en 2023, à son registre de la « Mémoire du monde » : Shoah, de Claude Lanzmann. C’était l’occasion de revenir sur cinq autres documentaires qui ont marqué nos mémoires, mais aussi de souligner le dynamisme extraordinaire de la pratique amateur. Celle-ci, et notamment sur Youtube depuis 2005, voit émerger les nouveaux talents et les nouvelles formes. C’était pour le ministère de la Culture l’occasion de faire le point sur ce domaine en invitant quelques personnalités de cet univers autour d’une table ronde. Sans oublier, par exemple, d’autres phénomènes passionnants, comme le développement et les succès des documentaires de danse. Rappelons aussi qu’en mars la fête du court métrage ajoutait un intérêt de plus à cette année de cinéma, auprès de quatre jeunes talents, notamment.
En mai revenait bien sûr l’incontournable festival de Cannes. Rima Abdul Malak, ministre de la Culture, y dévoilait les lauréats de la Grande Fabrique de l’image, initiative inédite liée à France 2030 pour développer en France les studios de tournages, les effets spéciaux et la formation.
27 janvier 2023 : ouverture anticipée des archives du procès Papon
En ouvrant de façon anticipée les archives du procès Papon, la ministre de la Culture a fait le choix de la rigueur et de la transparence. Grâce à cette mesure (le délai légal étant : 2073…), les historiens, bien sûr, mais aussi les familles des victimes et, plus généralement, les simples curieux, pourront accéder aux sources d’un des procès les plus retentissants de la fin du XXe siècle. Cette décision couronne une politique d’ouverture anticipée des archives sensibles, initiée dès 1983, accélérée à partir de 2017 avec le procès Barbie, la guerre d’Algérie et le génocide rwandais.
Ce procès, c’est celui de Maurice Papon, un haut fonctionnaire en poste pendant le Régime de Vichy, qui poursuivra sa carrière sous la Ve République, avant d’être (enfin) jugé en 1998 pour complicité de crime contre l’humanité, parce qu’il a organisé de 1942 à 1944 la déportation des Juifs bordelais vers le camp de Drancy (première étape avant les camps d’extermination). C’est aussi celui de tout un réseau de complicités, explicites ou implicites, qui ont rendu possible l’impunité d’un homme échappant à son destin.
La ministre de la Culture, cette année, a invariablement confirmé son engagement et celui de la République contre l’antisémitisme, le racisme et pour le respect universel des Droits de l’Homme. Un engagement constant (exposition au musée d’art et d’histoire du Judaïsme, prix Ilan Halimi, commémoration de la Nuit de Cristal…) renforcé de sa participation à la marche organisée par les présidents du Sénat et de l’Assemblée Nationale, de mesures pour l’Ukraine et de visites officielles en 2023 (notamment en Ukraine et en Arménie).
6 mars 2023 : Alternatives vertes ou quand la culture prend la dimension de la transition écologique
Ce fut cette année un geste fort du ministère : multiplier par 2,5 la dotation de l’Appel à projet « Alternatives vertes » pour un montant de 25 millions d’euros, en le reconduisant après une année 2022 déjà très prometteuse. Les acteurs de la culture, très motivés par le sujet (opérer leur transition écologique), avaient déjà plébiscité la toute première formule l’an dernier.
Développer les calculateurs d’empreinte carbone, mettre en place des solutions concrètes pour décarboner la culture, former les professionnels à ces enjeux…, et cela dans l’ensemble des secteurs culturels sans exception, concrètement, ce fut par exemple inscrire les déchets de la culture dans le cercle d’une économie circulaire, ou bien penser une organisation sensée des programmations de spectacle, ou encore comprendre ce qui se passe dans les ordinateurs d’un studio d’animation. Alternatives vertes, deuxième année, donnera encore plus de visibilité et de temps aux lauréats pour construire leurs projets à forts impacts écologiques.
Une préoccupation prise en charge par ailleurs par le « groupe de travail culture » du plan de sobriété énergétique, qui recroise d’excellentes initiatives, telle que celle du Collectif des festivals, à Rennes. Du reste, aucun secteur culturel n'est épargné par la question. En architecture, il importe de constituer le vivier des architectes écoresponsables de demain ! D’où cette mesure phare, lancée dès janvier 2023 par la ministre : RESEDA, pour RESidence Etudiante pour la Durabilité en Architecture, palmarès national des projets de fin d’étude des écoles nationales supérieures, qui non seulement distingue les travaux les plus écoresponsables mais en enverra les auteurs à la Villa Médicis à Rome en avril 2024.
Les musées, comme l'a montré l'édition 2023 des Rencontres des musées de France, sont concernés au premier chef, ainsi que le domaine de la restauration et de la conservation patrimoniales.
11 avril 2023 : Mondes nouveaux aux Beaux-Arts de Paris
Rencontre au sommet de la jeune création, de l’hybridation, des imaginaires de demain, saine confrontation de la vie étudiante « à la réalité de l’écosystème artistique dans toute sa complexité », on n’a rarement vu de cocktail plus détonnant et plus enrichissant que cet événement de six grandes journées « Mondes nouveaux x Beaux-Arts de Paris » organisées chez ces derniers.
Les artistes lauréats de Mondes nouveaux (dispositif lancé en juin 2021 dans le cadre de France Relance), étaient venus inscrire leurs recherches dans les ateliers des Beaux-Arts, avec les étudiants et en compagnie des professeurs de l’établissement. Un dialogue infiniment fertile entre artistes professionnels et en devenir : performances dansées, concerts, spectacles de marionnettes, ateliers publics, débats, lectures, expositions, projections… un mouvement de libertés créatrices recueillies et articulées avec brio par le scénographe et la commissaire de l’événement.
Point d’orgue au programme de Mondes nouveaux, deux ans déjà après son lancement, un très bel ouvrage de 600 pages est sorti des presses pendant l’été, véritable bible de la création contemporaine, qui témoigne en beauté de ce programme dont l’objectif, rappelons-le, avait été de soutenir la création artistique mise à mal par la crise sanitaire de 2020.
13 juillet 2023 : la loi-cadre relative à la restitution des biens culturels spoliés dans le contexte des persécutions antisémites entre 1933 et 1945 est adoptée par le Parlement
Comment retenir encore dans les collections publiques, sans les déshonorer, certaines œuvres que nous savons avoir été confisquées aux Juifs de France pendant l’Occupation nazie, avec la complicité de l’Etat français et de son Commissariat aux questions juives ? Grâce à la loi-cadre votée cette année, il ne sera plus nécessaire, pour restituer ces œuvres à leurs ayants-droit, de faire, à chaque fois, appel au Parlement. Rappelons que les biens dits MNR (« Musées nationaux Récupération »), retrouvés en Allemagne après 1945, sont, quant à eux, restituables sans loi : ce fut le cas pour trois œuvres le 18 avril.
Pour mieux faire connaître cette politique qui tente de réparer ce qui peut l’être, le ministère de la Culture (Mission de recherche et de restitution des biens culturels spoliés entre 1933 et 1945) lançait le 15 mars un podcast inédit (« A la trace ») et absolument passionnant : six épisodes pour raconter les cheminements des œuvres et les tragédies vécues par les artistes et les collectionneurs victimes du nazisme, réalisés par Léa Veinstein.
Signalons par ailleurs une autre loi, et non des moindres, une loi historique adoptée définitivement par le Sénat le 18 décembre 2023, celle qui autorise la sortie de restes humains du domaine public. Il sera désormais possible de mieux répondre aux demandes d’Etats qui souhaitent légitimement rendre l’hommage dû à leurs morts. La loi va ainsi favoriser une gestion plus éthique des collections.
Rentrée 2023 : le pass Culture étendu aux élèves de 6e et 5e et une nouvelle campagne 100% EAC
Grandir avec la culture, c’est grandir heureux. Le pass Culture comprend une part collective allouée aux établissements scolaires, jusqu’ici pour les élèves de la 4e à la Terminale (1,6 millions de bénéficiaires en 2022). Celle-ci est accessible aux élèves désormais dès la 6e. Visites, spectacles, concerts, projections, rencontres, conférences, ateliers de pratique artistique et scientifique…, autant de moments d’exceptions, grâce aux différents acteurs culturels sollicités, offerts à tous les élèves, pour contribuer, via leur parcours d’éducation artistique et culturelle (EAC) à leur émancipation.
L’été 2023 était déjà prometteur pour les jeunes, puisque le pass Culture s’inscrivait dans de nombreux festivals pour les faire bénéficier d’opérations exceptionnelles (assister en avant-première à des projections de films au Festival de Cannes, découvrir plusieurs œuvres de la Nuit Blanche, décerner un prix au nouveau festival de cinéma Nouvelle Vague à Biarritz, participer à un parcours « Première fois » au Festival d’Avignon…)
Mais ce n’est pas tout. Avec le lancement de la campagne en faveur des bibliothèques (Ma bibliothèque, le monde à portée de mains), la journée du 6 septembre, « journée mobilisation en faveur des bibliothèques », plus de trois cents animations ont été organisées en France par les bibliothèques publiques de toutes les tailles. Au-delà même de susciter là encore, et par tous les moyens, le désir de culture chez tous les enfants et adolescents, quelle que soit leur situation ou leur lieu de vie, l’esprit était au rassemblement autour de ces équipements de proximité irremplaçables. Cinquante bibliothèques, rappelons-le, ont été tristement et injustement attaquées en juin, lors des violences urbaines, et six détruites.
15 septembre 2023 : Horizon, point d’orgue de l’Olympiade Culturelle
Les 15, 16 et 17 septembre, l’art et la performance sportive s’invitaient dans le Domaine du Palais-Royal. Un partenariat inédit entre le ministère de la Culture et la compagnie L’Oubliée permettait à Horizon, ce ballet acrobatique mis en scène par la chorégraphe Raphaëlle Boitel, de se donner sur les toits de la rue de Valois, pour fêter les Journées européennes du patrimoine. Une vitrine aussi pour un secteur professionnel incontournable de la culture aujourd’hui : la médiation.
Horizon marquait d’un caractère emblématique l’Olympiade culturelle, qui a battu son plein d’événements dans toute la France pendant toute l’année 2023. L’Olympiade culturelle est le label qui identifie plus d’un millier de projets dont 150 sont accompagnés par des opérateurs nationaux ou par des Directions régionales des affaires culturelles. Événements remarquables et remarqués : le défilé de la biennale de Lyon, la grande collecte des archives rugbystiques à Bordeaux, le freestyle football à Châteauroux, le graphisme et la course à pieds au château de Malbrouck, le seul-en-scène d’un champion olympique à Grenoble, la place des femmes dans le mouvement olympique à Nice, la photo dans l’Oise, la mode au musée des Arts décoratifs de Paris, les lois de Galilée et le skate board au Centre des Arts plastiques, le jongleur et l’écrivain au Havre… telles furent nos têtes de chapitre pour un parcours non-exhaustif ! Sans oublier, au carrefour de l’Olympiade culturelle et de la journée internationale des personnes en situation de handicap (3 décembre 2023), la formidable opportunité de contribuer à changer les regards.
6 au 8 octobre 2023 : Création Africa, premier Forum des Industries Culturelles et Créatives
Mettre en lumière le foisonnement de la scène créative africaine, la vitalité de leurs industries culturelles et créatives, encourager les rencontres professionnelles en faisant appel à toutes les énergies du continent africain, francophones, anglophones et lusophones, tels étaient les objectifs des journées de Création Africa, à la Gaîté lyrique et au Conservatoire des arts et métiers, qui ont été organisées sous la responsabilité de sa secrétaire générale, Liz Gomis.
C’était aussi un acte fort pour préfigurer la MansA, future Maison des Mondes Africains, et avancer sur le chemin de relations renouvelées entre la France (mais aussi l’Europe) et le continent africain, véritable vision initiée par la Saison Africa2020 et le Sommet Afrique France d’il y a deux ans à Montpellier. Signalons au passage la mobilisation du dispositif du ministère de la Culture « Courants du monde » au profit de dix lauréats du concours de « pitch », qui s’est tenu lors de la journée professionnelle de ce forum, récompensant les meilleurs projets en développement de la jeune création africaine.
Un grand succès qui restera dans les mémoires de ces 323 artistes et entrepreneurs de 34 pays d’Afrique, qui ont incarné la vitalité des industries créatives africaines et ont tissé de nouveaux liens avec la France. Ce forum initie bien d’autres rencontres futures, avec toujours plus d’audace, de générosité, de créativité.
30 octobre 2023 : inauguration de la Cité internationale de la langue française
Après un travail extraordinaire de restauration du château de Villers-Cotterêts, mené sous la houlette du Centre des monuments nationaux (CMN), la langue française, partagée aujourd’hui par plus de 300 millions de personnes dans le monde, trouvait enfin « son port d’attache » (selon l’expression de son directeur Paul Rondin), sa Cité internationale, inaugurée ce jour-là par le Président de la République en présence de la ministre de la Culture. Un équipement culturel d’un tout nouveau genre, résolument ouvert à l’univers de la francophonie, à la diversité incontournable du plurilinguisme, comme aux publics de son territoire.
Par ailleurs, s’il fallait encore le démontrer, une étude du ministère confirmait en avril combien la France est multilingue, ce qui n’empêche pas, du reste, la langue française d’être la langue de la République, et de garantir par-là l’égalité de tous les citoyens, notamment quant à l’information et la compréhension de ses droits et de ses devoirs, ou quant à un enseignement d’excellence, pendant que « les consommations culturelles », quant à elles, s’ouvrent tout naturellement à toutes les langues.
A signaler conjointement le rapport très complet et passionnant publié en mars par le ministère de la Culture à l’adresse du parlement sur l’animation et la coordination de la politique linguistique du gouvernement.
4 décembre 2023 : lancement du programme « La Relève »
Tous les métiers de la culture ont leur école nationale supérieure ou leur formation initiale et continue, soutenues et encadrées par le ministère de la Culture. Seule manquait à l’appel la formation professionnelle des dirigeants des lieux de culture labellisés par le ministère. Or, ces lieux de culture (Centres dramatiques nationaux, Scènes nationales, Fonds régionaux d’art contemporains, Scènes de musiques actuelles…) sont d’une importance primordiale pour apporter une offre d’excellence sur la totalité du territoire. Ils constituent d’ailleurs un tissu d’une densité et d’une richesse que de nombreux pays envient à la France.
Mais beaucoup d’entre eux ont actuellement du mal à attirer aux postes de responsabilité des profils qualifiés, et aussi divers que l’est notre société. C’est pourquoi Rima Abdul Malak a lancé, le 4 décembre 2023, le Programme « La Relève », qui pourra repérer, former et mentorer 101 jeunes professionnels âgés de 25 à 40 ans, un par département, sélectionné d’ici février 2024.
13 décembre 2023 : Bourges est nommée « Capitale européenne de la Culture 2028 »
Une grande et belle évolution de l’esprit européen, après déjà quarante ans d’histoire et soixante villes désignées, s’est manifestée cette année pour la désignation de la Capitale européenne de la Culture. Comme l’a remarqué la ministre de la Culture, le jury a sélectionné en effet « une ville de taille moyenne qui mise sur la culture pour son développement humain, social et économique, et qui ambitionne de faire une véritable place à tous les publics ». Et certainement, le choix de Bourges signale une perception fine de la France contemporaine, de la part du jury, et confirme l’orientation générale des politiques publiques du ministère de la Culture : le développement culturel des territoires.
Un jury présidé par Rossella Tarantino, économiste italienne qui a conduit elle-même la candidature et le succès de Matera, ville du sud de l’Italie, en 2019. Cette dernière nous a expliqué les coulisses, les enjeux et le devenir des candidats et des candidatures. C’était aussi l’occasion de revenir sur les retombées économiques, touristiques et culturelles, toujours sensibles aujourd’hui, du formidable élan donné par cette désignation de capitale européenne de la Culture aux quatre villes françaises qui l’ont obtenue ces quarante dernières années.
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