Comment Cartier va recruter ses jeunes talents ?

Pour recruter de nouveaux talents et déclencher des vocations, les grandes maisons de luxe mettent en lumière leurs métiers et leurs savoir-faire chez les plus jeunes.

Par Hervé Dewintre

Pour souligner l’importance qu’elle accorde à la formation, la préservation et la transmission des savoir-faire, la maison Cartier met en place de nombreuses initiatives tout au long de l’année. Outre sa participation au salon « Les De(ux) Mains du Luxe » à Paris courant décembre, le joaillier qui emploie 340 artisans a inauguré deux nouvelles classes avec la Haute Ecole de Joaillerie et l’Ecole Boulle tout en s’investissant dans les cursus de formation en régions.
Pour souligner l’importance qu’elle accorde à la formation, la préservation et la transmission des savoir-faire, la maison Cartier met en place de nombreuses initiatives tout au long de l’année. Outre sa participation au salon « Les De(ux) Mains du Luxe » à Paris courant décembre, le joaillier qui emploie 340 artisans a inauguré deux nouvelles classes avec la Haute Ecole de Joaillerie et l’Ecole Boulle tout en s’investissant dans les cursus de formation en régions. © Matthew Oliver

Temps de lecture : 5 min

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« Le luxe n’est pas le problème mais la solution ». Cette affirmation, égrenée au fil des interviews par les porte-parole des grands groupes de luxe, a deux objectifs. Elle vise tout d’abord à souligner l’impact considérable de ce secteur sur l’emploi en France mais aussi à redorer l’image des métiers de la main. Une image parfois un peu écornée. « On voyait, vis-à-vis de nos métiers d’art et de nos métiers manuels, un peu de désaffection, de mauvaise compréhension » résume Nicolas Bos. Le CEO de Van Cleef & Arpels a en effet mis en place ces dernières années des initiatives de grande envergure pour sensibiliser les jeunes publics aux débouchés de la filière. Chaque année, le president de la maison de joaillerie française (qui fabrique l’intégralité de sa production de bijoux dans l’Hexagone) se déplace en personne à Lyon – bassin historique de production - dans le cadre de l’opération « De Mains en Mains ». Lors de cet évènement, les collégiens et le grand public rencontrent un panel de professionnels – dessinateur, polisseur, joaillier, opérateur de CAO – qui expliquent leurs parcours respectifs, décrivent leur quotidien et abordent ouvertement les questions centrales liées aux rémunérations et aux perspectives de carrière. 

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Ces efforts déployés sont à la hauteur des enjeux : après avoir connu un passage à vide, les ateliers de joaillerie tournent désormais à plein régime. La tension est palpable sur une grande diversité de postes. Aussi les grandes maisons, dans leur ensemble, prennent désormais le sujet à bras le corps. Le groupe LVMH a notamment, par l’intermédiaire de l’Institut des métiers d’excellence (structure fédérant les marques du groupe et les écoles partenaires) met régulièrement en avant les artisanats que nécessitent ses produits d’exception. Le défi pour le géant du luxe – qui a identifié 280 métiers de la main dans ses activités, entre la cuisine et la maroquinerie, en passant par la couture et la vigne, la joaillerie et le parfum - est conséquent puisque seuls 8 % des jeunes choisissent actuellement la voie de l’artisanat. On se rappelle également que le groupe de Bernard Arnault s’était offert l’année dernière les services de Tony Parker, nommé ambassadeur du dispositif Métiers d’excellence. La star animait une tournée baptisée You&ME qui a permis la signature de 1200 contrats d’apprentissage et de professionnalisation, conclus dans cinq villes de France : Paris, Valence, Orléans, Clichy-sous-Bois et Reims. 

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Susciter des vocations dès la classe de Cinquième

La philosophie et l’intitulé de l’initiative mise en place par Van Cleef & Arpels a également inspiré le comité Colbert. Présidée par Laurent Boillot (PDG de la maison de cognac Hennessy), l’association fondée en 1954 par le parfumeur Jean-Jacques Guerlain réunit 93 maisons de luxe françaises et 17 institutions culturelles. Ce lobby, dont l’action est mise en œuvre depuis 2020 par la directrice générale Bénédicte Epinay, avait lancé pour la première fois en 2021, en écho au plan France Relance du gouvernement, une campagne de publicité défendant l’ancrage territorial des métiers de la filière. Depuis l’année dernière, il organise également sous les toits du campus de start-up Station F basé dans le 13eme arrondissement parisien, un salon baptisé « Les De(ux) mains du luxe », en phase avec les objectifs du gouvernement puisqu’il vise à déclencher des vocations chez la jeune génération, dès la classe de 5eme plus précisément. Pour créer ce déclic auprès des potentiels futurs talents, la trentaine de marques assistant à l’opération inciter les collégiens (mais aussi les adultes en voie de reconversion) à faire et à expérimenter les gestes de l’artisan. 

Cartier a triplé ses effectifs en joaillerie en 10 ans

Pour souligner son rôle d'acteur principal de la joaillerie en France, Cartier a renforcé sa présence lors de la deuxième édition du salon, en doublant son nombre d'établis participatifs. Pour renforcer la dimension pédagogique de cette participation, la Maison avait également mis en place une vitrine détaillant toutes les étapes de fabrication d'une pièce ainsi qu'un atelier RH dédié aux spécificités des carrières dans le secteur joaillier. Le joaillier avait par ailleurs organisé une table ronde incluant des acteurs clés de la formation : la Secrétaire d'Etat chargée de la jeunesse, Prisca Thevenot, le Directeur des Ressources humaines des Manufactures joaillières et horlogères Cartier, Thibaut Lilas, la Présidente de la Haute Ecole de Joaillerie (HEJ) et Présidente de l'Union de la Bijouterie, Joaillerie, Orfèvrerie, des Pierres et des Perles (UFBJOP), Bernadette Pinet-Cuoq et enfin le directeur de l'Ecole Boulle, Laurent Scordino. « Les ateliers de Joaillerie et de Haute Joaillerie de Cartier, avec 340 artisans dont plus de la moitié sont des femmes, comptent parmi les plus importants au monde » souligne Thibaut Lilas qui précise que la Maison s'est engagée, tout comme l'année dernière, à accueillir en stage au sein de l'Institut Joaillerie Cartier, une vingtaine de collégiens ayant participé à l'événement. 

« En ce qui concerne la formation, la préservation et la transmission des savoir-faire, la maison met en place de nombreuses initiatives tout au long de l'année » insiste le DRH. Signalons tout d'abord que le joaillier a effectivement fondé à Paris dès 2002 son propre Institut de Joaillerie qui permet de pourvoir aux besoins en formation continue. « Récemment, la Maison a inauguré la création de deux nouvelles classes, en joaillerie et polissage, avec respectivement la Haute Ecole de Joaillerie (HEJ) et l'Ecole Boulle. La Maison vient également de célébrer le deuxième anniversaire du Bachelor en Conception Numérique développé avec la HEJ. Par ailleurs, Cartier s'investit fortement dans les cursus de formation en régions, notamment avec le Lycée Edgar Faure à Morteau et l'Institut de Bijouterie de Saumur. De plus, la Maison accueille chaque année dans ses ateliers une quarantaine d'apprentis et près de trente stagiaires, dans un objectif d'embauche à l'issue de leur formation. » Cette opération de séduction, promet la maison qui a triplé ses effectifs dans la joaillerie en 10 ans, ne sera pas un feu de paille. « Nous entendons accroitre ces chiffres dans les prochaines années afin de répondre à la demande d'un secteur en pleine croissance. » D'apres la directrice générale du Comité Colbert, 20 000 emplois seront à pourvoir dans le secteur du luxe d'ici 2025. 

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