Décrochage scolaire : 17 recommandations inspirées de la voie professionnelle

Séverine Mermilliod Publié le
Décrochage scolaire : 17 recommandations inspirées de la voie professionnelle
Le dispositif "Tous droits ouverts" a pour objectif de réduire le décrochage scolaire en permettant l'accès à un diplôme ou une qualification. // ©  JeanLuc/Adobe Stock
En analysant le dispositif "Tous droits ouverts" mis en place en voie professionnelle, l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche (Igésr), proposent 17 recommandations pour réussir l'élargissement de la lutte contre le décrochage scolaire.

C'est au difficile problème du décrochage scolaire que s'attaquent l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) et l'Inspection générale de l'enseignement supérieur et de la recherche (Igésr), dans un rapport intitulé "Analyse du système de prévention et de lutte contre dérochage en France", publié en octobre.

Il s'intéresse au dispositif "Tous droits ouverts" (TDO), mis en place entre mars et août 2023 dans neuf académies volontaires et qui concernait surtout les élèves de la voie professionnelle. Mais, dès juillet, une circulaire du ministère indiquait que le dispositif avait vocation à être élargi à tous, à la rentrée 2023.

Pour réussir cette généralisation, les auteurs formulent 17 recommandations basées sur les premiers retours d'expériences. De quoi, peut-être amplifier la baisse du nombre de "sortants précoces", amorcée depuis 2009. S'ils étaient plus de 11% des 18-24 ans en 2006, on en comptait un peu moins de 8% en 2022.

Lutter contre les lourdes conséquences du décrochage scolaire

Le dispositif "Tous droits ouverts" a pour premier objectif de réduire le décrochage scolaire en permettant l'accès à un diplôme ou une qualification, "notamment au moment de la transition entre l'obligation d'instruction jusqu'à 16 ans et l'obligation de formation pour les 16-18 ans".

En effet, les auteurs du rapport rappellent que "les conséquences d'une sortie sans qualification sont lourdes sur les plans humain, social et économique". Ce décrochage scolaire génère des coûts importants et un taux de chômage des jeunes non-diplômés beaucoup plus élevé que celui des diplômés.

Avec TDO, le jeune reste sous statut scolaire, mais a accès à des partenaires extérieurs de formation ou d'insertion professionnelle, comme des écoles de la deuxième chance, des missions locales ou des entreprises, "avec la possibilité de revenir à tout moment en formation au sein du système éducatif".

La démarche vise à construire un parcours à partir des besoins du jeune et à l'aide du niveau local, "qui peut s'appuyer sur des démarches et dispositifs existants (service civique combiné, PAFI ou Parcours aménagé de formation initiale…)".

"À Epinal, un service civique combiné permet au jeune de faire la moitié des heures du service et avec le reste, de garder un pied dans l'établissement", illustre l'une des rédactrices du rapport, Frédérique Weixler, inspectrice générale de l'éducation, du sport et de la recherche. "L'idée d'hybridation est très forte dans TDO."

Le principal reste de construire un parcours "au service du jeune. Nos frontières administratives, on doit s'en débrouiller. C'est un vrai changement de paradigme".

Ne pas imposer la décision aux élèves

Pour les auteurs, il semble aussi "essentiel" de ne pas imposer le programme TDO à l'élève. Les décrocheurs sont repérés différemment selon les académies et les établissements, aussi la mission suggère quelques critères parmi lesquels créer des commissions pour repérer les élèves et associer le corps enseignant et les familles.

Ils recommandent aussi que l'élève conserve tous ses droits et aides, comme les bourses et de réactiver le dispositif de prime pour les élèves boursiers de 16 à 18 ans qui reviennent en formation.

Ouvrir le dispositif "Tous droits ouverts" aux moins de 16 ans ?

TDO est actuellement ouvert aux plus de 16 ans. Or, si la solution ne fait pas consensus, plusieurs recteurs interrogés par la mission trouvent utile d'abaisser cet âge, sous conditions.

Pour leur part, les auteurs du rapport préconisent d'ouvrir l'accès à TDO à "tous les élèves, qu'ils soient lycéens professionnels, généraux ou technologiques ou collégiens, la seule limite étant l'âge minimum (15 ans), une dérogation du DASEN étant requise pour les élèves de moins de 16 ans".

"Cela paraissait contre-productif de refuser cette dérogation, que l'on a extrêmement encadrée, car il y a des élèves de 15 ans en fin de collège et quand ils n'ont pas 16 ans, ils n'entrent dans aucun texte. TDO a vocation à être sur les interstices, là où il n'y avait pas les outils", précise Frédérique Weixler.

Il faut toutefois faire attention à ne pas "externaliser" des situations qui relèvent de l'éducation nationale et à ne pas éloigner ces jeunes de la scolarité. L'élève doit maintenir un lien avec l'établissement et il peut choisir à tout moment d'y revenir.

Le rôle des régions et communes

Malgré la mise en place récente, les auteurs du rapport ont observé quatre conditions favorables au succès du dispositif.

En premier lieu, l'appui sur des outils déjà existants, comme les Parcours aménagés de formation initiale (PAFI), qui permettent d'établir une convention de stage, mais dont TDO élargit considérablement le champ des partenaires.

Autre point nécessaire : la prise en compte des spécificités de chaque territoire, en favorisant la construction du parcours avec les missions locales et en confirmant les recteurs dans leur rôle de pilotage.

La mission souligne que le service public de l'emploi ou les missions de lutte contre la pauvreté peuvent aussi être impliqués, tout comme les régions "pour garantir la continuité des droits qui relèvent de leur compétence (hébergement, restauration, transport…)", ou les communes.

L'accompagnement fonctionne aussi mieux si des "marges de liberté [sont laissées] aux acteurs locaux pour adapter ou hybrider les différents dispositifs en fonction des besoins des jeunes".

Les auteurs proposent également la mise en place de fiches techniques nationales et une harmonisation concernant la convention-type, "adaptable, pour que les grands principes soient les mêmes, tout en laissant une marge de manœuvre en fonction des territoires", explique l'inspectrice.

Définir des indicateurs

Enfin, pour faire fonctionner ce programme de lutte contre le décrochage, le rapport recommande de mettre en place des indicateurs et outils de suivi, afin de "mesurer les effets de cette séquence TDO sur les parcours de diplomation des élèves", ce qui n'existe pas jusqu'à présent.

"C'est important de savoir ce que ces jeunes sont devenus, et pas seulement à trois mois. Ce travail est en cours avec les administrations", précise Frédérique Weixler.

Enfin et il s'agit probablement d'un point d'achoppement, ils demandent d'envisager "d'ores et déjà des financements pérennes internes et externes à l'Éducation nationale."

Séverine Mermilliod | Publié le